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3 mars 2018 6 03 /03 /mars /2018 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (30/50)

 

Prise du Château des Tuileries – 10 août 1792

 

 

 

 

LA FIN DE LA MONARCHIE : JUILLET-AOUT 1792

   

 

 

 

     Le 14 Juillet, la Fête de la Fédération se déroule sans incidents. Robespierre n’a pas manqué de rappeler dans le N°10 de son journal que la Fédération de 1790 avait été la fête de La Fayette* mais que les fédérés de 1792 « ont voué au mépris public le même homme que les premiers fédérés avaient adoré ». Le lendemain, il s'adresse à ceux des fédérés qui sont présents dans la capitale pour les mettre en garde contre les provocations des « émissaires et complices de la Cour ». C'est, bien sûr, à La Fayette* et à ses amis auxquels il fait allusion !

    Le 17, il rédige une nouvelle pétition. Ce sont encore les fédérés qui la présenteront à l'Assemblée nationale. Le texte, plus modéré que les précédents est tout de même une accusation directe de La Fayette* et des généraux dont il demande le licenciement :

 

«  Nous ne voulons point porter atteinte à notre Constitution, mais nous voulons qu'elle soit et qu'elle puisse être exécutée. Nous ne refusons point d'obéir à un roi, mais nous mettons une grande différence entre un roi et une Cour conspiratrice et criminelle, dont la Constitution même, dont toutes les lois divines et humaines réclament la punition et l'expulsion.. » (1)

 

    Viennent ensuite les revendications portant sur les trois points suivants :

 

-      Mise en accusation de La Fayette* et de ses complices,

-      Licenciement de l'Etat Major de l'armée,

- Destitution des Directoires de Départements contre révolutionnaires.

 

    Mais les députés, à une large majorité, vont absoudre le général et augmenter ainsi un peu plus la fureur du peuple. Le 20, dans une lettre à son ami Couthon (2), l'Incorruptible fait le point de la situation : dramatique et explosive.

 

«  Nous touchons ici aux plus grands événements. L'Assemblée a hier absous La Fayette*; le peuple indigné a poursuivi quelques députés au sortir de la séance. Aujourd'hui est le jour indiqué par un décret pour la discussion de la déchéance de Louis XVI*. On croit que cette affaire sera encore retardée par quelque incident. Cependant, la fermentation est au comble, et tout semble présager pour cette nuit même la plus grande commotion à Paris. Nous sommes arrivés au dénouement du drame constitutionnel. La Révolution va prendre un cours plus rapide, si elle ne s'abîme pas dans le despotisme militaire et dictatorial. Sans la situation où nous sommes, il est impossible aux amis de la liberté de prévoir et de diriger les événements. La destinée de la France semble l'abandonner à l'intrigue et au hasard. Ce qui peut nous rassurer, c'est la force de l'esprit public à Paris et dans nombre de départements, c'est la justice de notre cause. Les sections de Parsi montrent une énergie et une sagesse digne de servir de modèle au reste de l'Etat. Vous nous manquez... »  (3)

 

    La grande commotion, que Robespierre semblait attendre pour cette nuit là, ne se produit pas mais, dans les sections, le ton est grave. Les Fédérés s'organisent : ils se donnent un directoire secret. Quant aux sections, elles siègent maintenant en permanence. Le 21 Juillet arrivent à Paris les Fédérés de Brest et, sous leur impulsion, une nouvelle pétition, virulente cette fois, est présentée à l'Assemblée. Une insurrection est en cours de préparation; la suspension du roi, proposée le 23 Juillet par les Fédérés, est maintenant soutenue par la très grande majorité des sections de la capitale.

    Les carences de la Législative sont évidentes pour tous les observateurs et l’on critique ouvertement les députés pour leur incapacité à décider, leurs compromissions et le peu de zèle dont ils font preuve pour empêcher la Révolution de sombrer. Le 25 Juillet un Jacobin plein de fougue monte à la tribune et déclare : «  Il y a dans l'Assemblée nationale tout au plus 45 ou 46 personnes sur lesquelles on puisse compter. Or, je vous le demande, quand sur 700 personnes il s'en trouve à peine 46 de pures, ne faut-il pas refaire une telle Assemblée.. » (4)  C'est effectivement, dit crûment, ce que beaucoup de monde pense; Robespierre, lui-même, demande la déchéance du roi et s'explique le soir même aux Jacobins :

   

«  La suspension qui laisserait sur la tête du roi le titre et les droits de la puissance exécutive, ne serait évidemment qu'un jeu concerté entre la Cour et les intrigants de la Législative pour la lui rendre plus étendue au moment où il serait réintégré. La déchéance ou la destitution absolue serait moins suspecte, mais seule elle laisserait encore la porte ouverte aux inconvénients que nous avons développés. » (5)

 

    Et Robespierre enfonce encore le clou le 29 en demandant des réformes profondes. Mais, ce qu'il redoute de plus en plus, ce sont les manœuvres des « intrigants de la Législative » qu'il dénonce le même jour depuis la tribune des Jacobins :

 

« Allons jusqu'à la racine du mal. Beaucoup de gens croient la trouver exclusivement dans ce qu'on appelle le pouvoir exécutif; ils demandent ou la déchéance ou la suspension du roi, et pensent qu'à cette disposition seule est attachée la destinée de l'Etat. Ils sont bien loin d'avoir une idée complète de notre situation. La principale cause de nos maux est à la fois dans le pouvoir exécutif et dans la législature; dans le pouvoir exécutif qui veut perdre l'Etat, et dans la législature qui ne peut pas ou qui ne veut pas le sauver. »  (6)

 

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (30/50)

 

Prise du Château des Tuileries – 10 août 1792

 

 

    Et l'Incorruptible fait le procès de cette Assemblée qui n'a pas su prémunir le pays de la crise dans laquelle il s'est enfoncé, notamment en se montrant incapable de châtier.. La Fayette*.

 

«  Il faut que l'Etat soit sauvé de quelque manière que ce soit; et il n'y a d'inconstitutionnel que ce qui tend à sa ruine (..) La nation doit pourvoir elle-même à son salut, à défaut de ses représentants.. »  (6)

 

    En conclusion, il réclame la dissolution immédiate de l'Assemblée Législative et son remplacement par une Convention nationale. Brissot* réplique en dénonçant les factieux. C'est un véritable bras de fer entre les deux clans qui maintenant est engagé !

 

     Ce même jour, arrivent à Paris les fédérés de Marseille. On se souvient des relations cordiales qui existent, depuis la Constituante, entre les patriotes de Marseille et l'Incorruptible. C'est donc sur ceux-là qu'il va s'appuyer dans les jours qui vont suivre :

 

«  Salut aux défenseurs de la Liberté, Salut aux généreux Marseillais qui ont donné le signal de la Sainte Fédération.

Votre mission est de sauver l'Etat. Assurons enfin le maintien de la Constitution, non pas cette Constitution qui prodigue à la Cour la subsistance du Peuple, qui remet entre les mains du Roi des trésors immenses et un énorme pouvoir, mais principalement et avant tout de celle qui garantit la souveraineté et les droits de la Nation. » (7)

 

    L'arrivée de ces Marseillais va servir de catalyseur. Les événements vont un peu se bousculer, tandis que l'Assemblée croule sous les pétitions et déclarations sans qu'elle soit en mesure de décider quoi que ce soit ni d'avoir aucune réaction.

    Le 1er Août, le texte du manifeste de Brunswick, rédigé à Coblence, est diffusé à Paris. Très certainement inspiré par la Reine dans le but d'effrayer les révolutionnaires, le manifeste « menace de mort les gardes nationaux et les hésitants qui oseraient se défendre «  (8). Il menace également le peuple parisien : «  s'il était fait le moindre mal à la famille royale... de livrer la ville de Paris à une exécution militaire.. » (9)

 

    Le manifeste met le feu aux poudres. Ce jour là, 47 des 48 sections de la capitale se prononcent pour la déchéance du roi et décident de faire présenter une pétition à l'Assemblée par le Maire Pétion. Le 4, c'est la section de Montconseil qui adresse aux députés une nouvelle pétition disant « qu'elle ne reconnaissait plus Louis XVI* pour roi des Français ». La section des Gravilliers, elle, envoie pour la troisième fois une députation à la législative afin de rappeler aux députés qu'elle a voté, à l'unanimité, la déchéance du monarque. Mais le ton est encore monté d'un cran; le texte qui est lu à la barre se termine par ces phrases lourdes de menaces : « ..Nous vous laissons encore, législateurs, l'honneur de sauver la patrie : mais si vous refusez de le faire, il faudra bien que nous prenions le parti de la sauver nous-mêmes » (10). La section des Quinze-vingts annonce, elle, que l'insurrection aura lieu le 10 Août si l'Assemblée n'a pas pris ses responsabilités et décrété, avant cette date,  la déchéance de Louis XVI*. La tension monte d'heure en heure dans les faubourgs mais également aux Tuileries où bon nombre de gentilshommes accourent pour défendre leur roi. Louis XVI* et ses ministres décident, en toute hâte, de faire venir les Suisses cantonnés à Rueil et à Courbevoie pour assurer la sécurité du Palais.

    Le 6 août, Robespierre est encore à la tribune des Jacobins et il s’inquiète du sort du Roi :

 

« L’attention que nous donnons ici à la discussion des mesures générales propres à sauver l’Etat, ne doit pas empêcher qu’on ne prenne les précautions nécessaires pour déjouer les conspirations les plus prochaines. Il en est une qui, depuis quelque temps, ne paraît qu’ajournée, c’est le départ du roi. Des témoins qui sont autour de moi attestent qu’ils ont vu dans la cour des Tuileries une armée de Suisses, qu’on les a fait boire largement, qu’on leur a distribué à chacun quinze cartouches, en leur disant que ce n’était que pour repousser ceux qui pourraient les attaquer. »

« Toutes ces mesures annoncent une conspiration prochaine, contre laquelle il faut employer autant d’énergie que de prudence ».

« II est quelques bons citoyens qui regardent ce départ, s’il avait lieu, comme une chose assez indifférente : je crains même que cette opinion ne soit celle de plusieurs députés. Quant à moi, je ne puis partager cette opinion et je crois qu’il est important, sinon au salut public, au moins à la conservation de beaucoup d’individus. »

« Le fait du départ du roi me paraît certain ; si ce n’est pas pour aujourd’hui, ce sera pour demain. Je conclus donc à ce que deux choses étant indispensablement nécessaires ; l’une d’empêcher que le roi ne parte, l’autre de veiller à ce qu’il ne lui arrive aucun mal, ni à aucun individu de sa famille. Il est du devoir de tout bon citoyen, de tout vrai patriote, de toutes les autorités constituées de veiller et de surveiller le château. » (11)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (30/50)

 

Louis XVI et sa famille se réfugient à l’Assemblée Nationale

 10 août 1792

 

 

Le 7 Août, Pétion se rend chez Duplay et tente d'obtenir de Robespierre qu'il freine le mouvement d'insurrection. Mais il est déjà trop tard. L'Incorruptible, qui ne reconnaît plus dans Pétion l'ami fidèle de la Constituante, fait la sourde oreille aux demandes du Maire.

    La journée du 9 se déroule à l'Assemblée dans une frénésie peu ordinaire et ce n'est que vers 11 heures du soir que les députés se séparent : ils n'ont toujours pas pris de décision à l'encontre du roi. A minuit, le tocsin sonne; on entend tirer le canon d'alarme du Pont-Neuf. Déjà les sections envoient à l'Hôtel de Ville des commissaires; la "Commune insurrectionnelle" (12) se met en place à côté de la "Commune légale" qu'elle va remplacer dans quelques heures...

 

    Le 10 Août, aux premières heures de la matinée, l'insurrection éclate : les fédérés et les faubourgs marchent sur les Tuileries où la garde nationale reste impassible. Le Roi, qui craint pour sa vie et pour celle des siens, se réfugie, avec sa famille, à l'Assemblée nationale. Mais la manifestation tourne très rapidement au drame : les Suisses qui s'étaient retirés à l'intérieur du château lors de l'arrivée des insurgés tentent une contre-offensive. Ils ouvrent le feu sur les émeutiers. La fusillade est telle que le bruit parvient jusqu'à l'Assemblée où le Roi, sous la pression des députés, aurait, dit-on, signé un billet ordonnant le cessez-le-feu. Les Suisses se replient en effet mais, cernés à l'intérieur du château, ils sont massacrés par les émeutiers. Une rare violence s'empare de la foule qui va sauvagement tuer indifféremment domestiques, gentilshommes (Clermont-Tonnerre) ou gardes suisses. En fin d’après-midi, on dénombrera plus d’un millier de morts dont une majorité de Suisses.

 

 

    La monarchie s'écroule. Et cette fois ci pour de bon. Avec elle sombrent ceux qui l'ont soutenue sans réserves : le parti Feuillant et l'aristocratie. Les Girondins, eux, largement compromis avec la Cour, sortent de cette insurrection considérablement affaiblis.

 

    L'Assemblée Législative se voit alors contrainte d'agir : elle vote un décret suspendant provisoirement le Roi et décide l'élection d'une Convention nationale. Elle n'a plus de solution à apporter aux problèmes; c'est une Assemblée usée qui n'a qu'une seule idée : transmettre ses pouvoirs aux successeurs.

 

    Qui sort vainqueur de cette journée tragique du 10 Août ? D'abord Danton*. On le voit bien lors de la constitution du Conseil Exécutif provisoire mis en place pour régler les affaires qui étaient dévolues au Roi et aux ministres. Danton* est le premier élu avec 222 voix sur 285 votants à la Législative. Il reçoit la charge de la justice. Les trois ministres limogés par Louis XVI* sont rappelés : Roland à l'intérieur, Servan à la guerre, Clavière aux finances.

 

    Mais l'insurrection du 10 Août, si elle est dirigée d'abord contre le Roi, menace également l'Assemblée. Cette Assemblée, devenue impuissante, mais qui, dans un dernier sursaut, vient tout de même d'absoudre le général La Fayette*, a perdu la confiance du peuple.

    C'est maintenant la Commune révolutionnaire qui tient son pouvoir du peuple (13). Et la Commune, forte de sa victoire, entend affirmer son droit à exercer ce pouvoir, à Paris, bien sûr, mais également dans les Départements. A sa tête l'homme fort est Robespierre. Certes, le chef des Jacobins n'a pas physiquement participé à la prise du Château mais, par son discours du 29 Juillet dernier, c'est bien lui qui a préparé les événements : la nécessaire insurrection, la déchéance du roi et le sabordage de la Législative....

 

     De la Commune révolutionnaire va naître le Parti Montagnard.

 

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (30/50)

 

Georges COUTHON - Portrait de François Bonneville

Musée Carnavalet

 

 

(1)   cité par Gérard WALTER  "Robespierre"  op. cit. page  308

 

(2)  COUTHON (Georges Auguste) : Né le 22 Décembre 1755. Avocat, il est atteint de paralysie des membres inférieurs à partir de 1788 et ne parvient pas à se faire élire aux Etats Généraux. Devenu Président du Tribunal de Clermont en 1790, il est élu à la Législative puis réélu à la Convention nationale.

En 1792, il se lie avec Robespierre et devient un ennemi acharné des Girondins. Il entrera au Comité de Salut Public le 30 Mai 1793 et sera envoyé en mission à Lyon malgré son infirmité. Là, il n'aura pas le courage de faire exécuter le décret de la Convention ordonnant la destruction de toute la ville.

Il sera exécuté avec Robespierre et Saint-Just* le 28 Juillet 1794.

 

(3) cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton...." op. cit. page 209

 

(4)  cité par Gérard WALTER  "Robespierre"  op. cit. page 310

 

(5)  Albert MATHIEZ "La Révolution française"  op. cit. page 188

 

(6)  cité par Michel WINOCK  "L'Echec au Roi" op. cit. page 260

 

(7)   cité par Jean-Denis BREDIN  "Sieyes"  de Fallois, Paris, 1988  page 224

 

(8)   Albert SOBOUL "La Révolution française"  op. cit. page 243

 

(9)   idem

 

(10)  cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton...."  op. cit. page 212

 

(11)  Discours de Maximilien Robespierre aux Jacobins le 6 août 1792

 

(12) La Commune insurrectionnelle, mise en place dans la nuit du 9 au 10 Août, à côté de la Commune légale comprend, parmi ses commissaires : Robespierre, Billaud-Varenne, Fabre d'Eglantine.

 

(13)  La Commune de Paris a été fondée le 15 Juillet 1789 par BAILLY et légalisée l'année suivante en Conseil Général de la Commune.

La Commune révolutionnaire née dans la nuit du 9 au 10 Août 1792 est formée de commissaires désignés par les sections les plus révolutionnaires de la capitale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (31/50)

 

ROBESPIERRE ET LA COMMUNE : AOUT 1792

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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