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20 février 2018 2 20 /02 /février /2018 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (19/50)

 

Jacques-Guillaume THOURET

 

 

 

 

ROBESPIERRE FAIT VOTER L'ASSEMBLEE CONTRE ELLE-MEME : MAI 1791

 

 

 

 

 

    Un autre sujet va être à l’origine de débats agités au sein de l'Assemblée Constituante, dans la deuxième quinzaine du mois de Mai 1791, c’est l'organisation du corps législatif.

 

    Le 16 Mai, le député Thouret (1) présente, au nom du Comité de Constitution, un projet d'organisation du corps législatif. Il comprend 99 articles dont un seul, l'article 7, va déchaîner les passions pendant plus de trois jours : « les membres de la législature pourront-ils être déchus à une seconde législature ? »   Robespierre qui, déjà le 7 Avril, (2) a fait voter à l'Assemblée un décret disant que : « Nul membre de l'Assemblée ne pouvait être porté au ministère pendant les 4 ans qui suivraient la session », intervient aussitôt dans le débat :

 

«  Cette question est délicate. Nous ne pouvons la discuter avec dignité et surtout avec impartialité qu'autant que nous serons dépouillés de tout intérêt personnel. Il faut pour l'examiner de sang froid que nous nous placions à l'instant dans la classe des citoyens privés. Je demande donc qu'il soit discuté, sans rien préjuger pour les autres législatures, que les membres de celle-ci ne seront pas réélus .... »  (3)

 

    Déjà l’opinion du député d’Arras semble faite mais il cherche à se montrer conciliant. Employant un ton plus propre à toucher les députés sortants, il s'adresse à eux à la première personne :

 

«  Je suppose que je ne fusse pas insensible à l'honneur d'être membre du corps législatif, et je déclare avec franchise que rien ne me semble plus digne de l'ambition d'un homme libre; je suppose que les chances qui pourraient me porter à cet honneur fussent liées aux grandes questions que nous allons résoudre, serais-je dans l'état d'impartialité et de désintéressement qu'elles exigent ? (..) »

«  En fait de politique, rien n'est juste que ce qui est honnête, rien n'est utile que ce qui est juste. »  (4)

 

    Robespierre entreprend alors d'argumenter son propos. Il sait que la décision va être très difficile à emporter alors, sans hésitation, il flatte ses collègues :

 

« S'il est une assemblée dans le monde à qui il convienne de donner le grand exemple que je propose, c'est sans contredit celle qui, durant deux années entières, a supporté les travaux dont l'immensité et la continuité semblaient être au-dessus des forces humaines (..) » (5)

« Concevez-vous quelle autorité imposante donnerait à votre constitution le sacrifice prononcé par vous-mêmes des plus grands honneurs auxquels vos concitoyens puissent vous appeler ! Combien les efforts de la calomnie sont faibles lorsqu'elle ne pourra pas reprocher à un seul de ceux qui l'ont élevée, d'avoir voulu mettre à profit le crédit que sa mission même lui donne sur ses commettants pour prolonger son pouvoir !.. »  (6)

 

    Il répond ensuite à l'objection de ceux qui « désespèrent que nous puissions être remplacés par des successeurs également dignes de la confiance publique » :

 

«  Nous n'avons ni le droit ni la présomption de penser qu'une nation de vingt-cinq millions d'hommes, libre et éclairée, est réduite à l'impuissance de trouver facilement sept cent vingt défenseurs qui nous vaillent.... » (7)

 

    Pour achever de convaincre, il évoque les hommes influents. Pense-t-il, en cet instant, à Mirabeau* ou veut-il lui-même se citer en exemple ?

 

«  Ce n'est point dans l'ascendant des orateurs qu'il faut placer l'espoir du bien public, mais dans les lumières et le civisme des assemblées représentatives. L'influence de l'opinion publique et de l'intérêt général diminue en proportion de celle que prennent les orateurs; et quand ceux-ci parviennent à maîtriser les délibérations, il n'y a plus d'assemblée, il n'y a plus qu'un fantôme de représentation (..) »

«  Je n'aime point cette science nouvelle qu'on appelle la tactique des grandes assemblées; elle ressemble trop à l'intrigue; et la vérité, la raison, doivent seules régner dans les assemblées législatives. Je n'aime point que des hommes habiles puissent, en dominant une assemblée par ces moyens, préparer, assurer leur domination sur une autre, et perpétuer ainsi un système de coalition qui est le fléau de la liberté.. Je me défierai de ceux qui, pendant quatre ans, resteraient en butte aux caresses, aux séductions royales, à la séduction de leur propre pouvoir (8), enfin à toutes les tentations de l'orgueil et de la cupidité. »  (9)

 

    La prise de position de Robespierre confirme la défiance que lui inspire la grande majorité des députés de l'Assemblée constituante. Il a vu l'acharnement des conservateurs à défendre leurs privilèges; il sait le rôle ambigu joué par Mirabeau*  auprès de la Cour avant sa mort; il connaît les trahisons et les compromissions des uns ou des autres, encouragés par la Noblesse, le Clergé, les émigrés, le Roi ou la Reine. Il attend une République pure, à l'abri de toute corruption et son opinion est faite : cette République là,  les hommes qui l'entourent, dans leur grande majorité, et souvent pour des raisons diverses, n'en veulent pas.*

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (19/50)

 

Bertrand BARERE de VIEUZAC

   

 

    Une partie de la droite va apporter ses voix à Robespierre pour le vote de cette motion. Non par conviction mais par calcul : elle prévoit déjà le départ du Roi (dont tout le monde parle depuis plusieurs semaines) et pense que, dans cette hypothèse, une assemblée composée de novices serait préférable pour maintenir la monarchie.

   Le projet de décret est donc adopté le 16 M­ai à une large majorité. C'est alors que, partisans et adversaires de la réélection vont s'affronter, dans une grande confusion qui va durer trois jours, et tenter de remettre en cause le vote du 16 Mai. Duport est le porte parole, fort habile, des adversaires du projet. Barnave, Lameth et lui-même, le « triumvirat », tient à garder son pouvoir. Il va donc s'appliquer à démontrer aux députés les dangers induits par la proposition de Robespierre : « ..de degré en degré l'on vous a amenés à une véritable désorganisation sociale... »; « les mêmes hommes qui font sonner si haut tous les jours le mot de souveraineté du peuple, le dépouillent de cette même souveraineté.. » Discours construit, argumenté, qui fait un effet très fort sur l'Assemblée. Robespierre répond le lendemain puis, d'autres intervenants viennent combattre la thèse du député d'Arras... Le ton monte !

     Le 19 Mai, le député Barère (10) propose une solution de compromis destinée à éviter que la discussion ne s'enlise : « Les membres d'une législature pourront être réélus à celle qui suivra, mais ils ne pourront être continués ensuite qu'après l'intervalle d'une législature.... » (11)

 

    Le décret proposé par Barère soulève l'enthousiasme des députés : il est également accepté à une forte majorité. La confusion a été telle que l'Assemblée semble se satisfaire des contradictions qui sortent de ses votes. Car, même après l’adoption du projet de Barère, il n'en reste pas moins que les Constituants demeurent non rééligibles conformément au décret voté le 16 Mai  !

 

    Robespierre, par deux fois en un peu plus d'un mois, « a fait voter l'Assemblée contre elle-même » (12). Il démontre ainsi qu'il est devenu l'un des personnages les plus écoutés de la classe politique.

 

     Ecouté à Paris, il l'est tout autant, si ce n’est davantage, en province où la plupart de ses discours aux Jacobins sont maintenant diffusés par le club parisien. La ville de Marseille lui demande même, quelques jours après la mort de Mirabeau*, de défendre ses intérêts à l'Assemblée nationale. Robespierre donne, bien sûr, son accord à la municipalité de Marseille :

 

«  (...) Vous et moi, nous continuerons à lutter pour la liberté et pour la patrie et à les défendre de tout notre pouvoir dans ce temps de crise où les  ennemis réunissent contre elle tous leurs efforts .... »  (13)

 

    Marseille témoignera une grande reconnaissance à Robespierre en lui accordant l'insigne honneur de placer son portrait à  côté de ceux de Mirabeau* et de Paoli (14) dans la salle des séances du Club de la ville (15).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   THOURET (Jacques Guillaume) : Avocat au Parlement de Normandie en 1773, il est élu aux Etats Généraux par le Tiers Etat. Trois fois Président de l'Assemblée, membre du Comité de Constitution, il est surtout connu pour avoir fait accepter la division du pays en départements.

Devenu suspect sous la terreur, il sera arrêté, condamné à mort et exécuté en 1794.

 

(2)   La crainte de voir arriver Mirabeau* au Ministère avait déterminé l'Assemblée à voter un décret excluant les députés des fonctions ministérielles. Le vote intervient le 7 Avril : cinq jours après la mort de Mirabeau* !

     

(3)   cité par Gérard  WALTER  "Robespierre" op. cit.  page 102

 

(4)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..." op. cit. page 132

 

(5)   idem

 

(6)   cité par Gérard WALTER  "Robespierre" op. cit. page 103-104

 

(7)   idem  page 104

 

(8)   Sans aucun doute, Robespierre fait ici allusion à Mirabeau*.

 

(9)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..." op. cit. page 133

 

(10) BARERE  (Bertrand) : Né à Tarbes le 10 Septembre 1755. Avocat, il est élu aux Etats Généraux par le Tiers Etat. Homme habile, au physique agréable, intelligent, il parvient vite à se faire remarquer. Juge au Tribunal de cassation des Hautes Pyrénées pendant la Constituante, il est élu à la Convention par ce département et siège avec les Montagnards. Sa présidence de l'Assemblée pendant le procès du Roi achève d'établir sa réputation. Il sera élu au premier Comité de Salut Public avec Danton le 6 Avril 1793. Il se ralliera, au dernier moment, aux adversaires de Robespierre* les 8 et 9 Thermidor et tentera de jouer, à nouveau un rôle politique malgré de nombreux échecs électoraux. Il mourra à Tarbes le 13 Janvier 1841.

 

(11)  cité par Gérard WALTER  "Robespierre"  op. cit. page 110

 

(12)  Jules  MICHELET "Histoire de la Révolution Française"  op. cit. Vol 2   page 381

 

(13)  Lettre de ROBESPIERRE à la Municipalité de Marseille du 24 Mai 1791

        citée par Gérard WALTER  "Robespierre"  op. cit.  page 146

 

(14)  PAOLI (Pascal) : Né le 5 Avril 1725. Paoli devient le chef d'une Corse en lutte contre Gênes puis contre la France en 1769. Vaincu, il va aller vivre en Angleterre et revient au moment de la Révolution.

Président du Directoire de Corse en 1790, puis Commandant des troupes de Bastia il conspire de nouveau pour l'indépendance de l'île.

Décrété d'arrestation le 2 Avril 1793, il chassera les français de Corse avec l'aide de l'Angleterre. Appelé à Londres, il ne pourra regagner l'île et mourra en 1807.

 

(15)  En Décembre 1791

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (20/50)

 

CONTRE LA PEINE DE MORT - POUR LE RENVOI DES OFFICIERS : MAI - JUIN  1791

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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