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1 décembre 2017 5 01 /12 /décembre /2017 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MARIE-ANTOINETTE, REINE DE FRANCE (7/35)  

 

Marie-Antoinette, Reine de France

 

 

 

 

L’INSOUCIANTE REINE DE VINGT ANS : 1774 – 1775

  

 

 

 

    Il est vrai que les jeunes souverains sont bien inexpérimentés et que le nouveau roi Louis XVI* est fort peu au courant des affaires de la France. Certes, son grand-père avait bien commencé, quelques mois avant sa mort, à lui inculquer certaines notions, mais Louis-Auguste, comme Louis XV d'ailleurs, pensaient qu'ils avaient bien le temps !

    C'est donc sur la Reine que va s'appuyer Louis XVI* pour prendre les premières décisions de son règne : Madame Du Barry est exilée, près de Meaux, à l'abbaye de Pont-aux-Dames ; son protégé le Duc d'Aiguillon est renvoyé ; quant à Choiseul, l'arrêt qui l'a exilé à Chanteloup est levé. La reine balaye ainsi toutes les cabales et les intrigues qui ont empoisonné toute sa vie depuis son mariage. Quant au jeune Roi, il montre, par ces décisions symboliques, que le pouvoir vient de changer de mains... Tous les ministres de feu Louis XV sont renvoyés et au grand lit de justice du 12 novembre le jeune roi rappelle les parlements. La reine est ravie de ces décisions promptes et propose même de rappeler Choiseul. Son époux lui accordera la grâce de Choiseul mais pas son retour au Ministère.

    C’est le fidèle Maurepas (1) qui aide le Roi à choisir ses Ministres : le comte de Vergennes (2) aux Affaires Etrangères pour restaurer le prestige de la France, Turgot (3) Contrôleur général des Finances, M. de Sartines à la Marine, du Muy (4) à la guerre. Des personnalités expérimentées qui vont pouvoir palier à l’inexpérience de Louis XVI*.

    Marie-Antoinette s’est bien sur mêlée du choix des Ministres. Elle n’a pas réussi à faire revenir le bon Choiseul mais le clan d’Aiguillon sait le rôle qu’elle a joué dans l’éviction du Duc.

    Du même coup, les premières chansons et les premiers libelles dirigés contre Marie-Antoinette commencent à circuler dans Paris : le clan Du Barry-d'Aiguillon, aidé probablement par Provence, Artois et leurs épouses, montre qu'on ne peut pas le défier impunément ! Et il n'est pas près de désarmer !

    Tandis que Louis XVI* tente de débrouiller, avec son ministre Maurepas, les problèmes financiers du pays, la reine de France commence un règne éclatant : elle reçoit en cadeau le Petit Trianon. Un nouvel hommage de son tendre époux, destiné sans doute à lui faire oublier les mesquineries qu'elle subit à la Cour. Sa joie est tellement immense qu'elle n'ose à peine y croire :

 

« Quoique Dieu m'a fait naître dans le rang que j'occupe aujourd'hui ", écrit-elle à sa mère, " je ne puis m'empêcher d'admirer l'arrangement de la Providence, qui m'a choisi, moi la dernière de vos enfants, pour le plus beau royaume de l'Europe.. »  (5)

 

    Marie-Antoinette nage en plein bonheur. Elle a totalement oublié la morosité qui régnait à Versailles dans les premiers mois qui avaient suivi son arrivée en France. Ce sont tous ses rêves d'enfant qui se réalisent. Pour elle, être reine, c'est avoir le loisir de faire tout ce qu'elle souhaite quand elle le souhaite. Elle peut maintenant donner libre cours à toutes ses fantaisies et ne va pas s'en priver.

    C'est au cours de cet été 1774 que va commencer l'ascension de Rose Bertin, couturière et modiste à Paris ; c'est également à partir de cet été que la reine va se lier d'une véritable amitié avec la Duchesse de Lamballe qu'elle rencontre avec beaucoup de plaisir depuis quelques mois déjà. Elle ne supporte plus, depuis longtemps, la présence de toutes ces dames de la Cour et leurs conversations ennuyeuses et des ragots qu’elles colportent à plaisir. D'autant que la plupart d'entre elles ont au moins l'âge d'être sa mère. Elle en fera d'ailleurs publiquement la remarque, ce qui ne manquera pas de jeter un froid parmi toutes ces femmes :

 

« ….. Passé trente ans, je ne comprends pas comment on ose paraître à la Cour... » (6)

 

    Ce genre de moqueries dans la bouche de la Reine de France alimente, on s'en doute, les libelles de toutes sortes :

 

" Petite Reine de vingt ans

" Vous qui traitez si mal les gens

" Vous repasserez la barrière...."  (7)

 

    Aujourd'hui, la petite Reine de vingt ans est heureuse et elle ne se soucie guère de ce que l'on peut dire ou écrire à son sujet ! Elle a l'impression d'être revenue à la Cour de Vienne ; elle a retrouvé son insouciance de petite fille. Forte de ce sentiment de liberté, Marie-Antoinette brave de plus en plus souvent l'étiquette afin de donner libre cours à ses désirs.

 

    Mais les fantaisies de la jeune Reine ne vont pas tarder à se transformer en "affaires". Ainsi en Décembre, toute la Cour est en émoi lorsque la Reine de France, accompagnée de la Duchesse de Lamballe, se lance, sous la neige, dans des courses de traîneaux ! On n'avait encore jamais vu pareille extravagance !

 

    Et s'il ne s'agissait que de caprices d'enfants ; mais elle ira encore plus loin : elle supprime l'usage des dîners en public pour profiter un peu plus de la présence de son cher époux. Et, ne dit-on pas que la Reine de France prend fréquemment des bains ?

    Elle parcourt Versailles et Paris et se moque des usages parce que les usages l'ennuient. Et bien sûr, tout cela n'est pas du goût de tout le monde. Les Mesdames sœurs du Roi, les Orléans, les Provence, et une bonne partie des courtisans estiment que la Reine, en se livrant à ces plaisirs inhabituels, ne tient pas son rang. Certains prétendent même qu'elle fait offense à la noblesse du roi de France.

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MARIE-ANTOINETTE, REINE DE FRANCE (7/35)  

 

Jean Frédéric Phélippeaux, Comte de Maurepas

   

 

    Marie-Antoinette n'a que faire de leurs remarques ni même de leurs sarcasmes ou de leurs perfidies : le peuple l'aime. Elle en reçoit la démonstration chaque fois qu'elle se montre en public. Ainsi, lorsqu'en Janvier elle se rend à l'Opéra de Paris pour entendre, une nouvelle fois, son maître Gluck, les Parisiens lui font un tel triomphe que des larmes de joie coulent sur ses joues. Que sont les remarques ironiques des courtisans à côté de ces témoignages d'affection qui viennent du peuple ?

 

    La Reine est heureuse. Heureuse d'être aimée, heureuse d'avoir un mari qui la comble de bienfaits, heureuse de vivre ! Elle va l'être encore davantage lorsque, le 7 Février 1775, son "petit frère" Maximilien arrive en France. Voilà bientôt cinq ans qu'elle ne l'a pas vu. Le jeune frère apporte bien quelques recommandations et conseils de leur mère, qui risquent fort d'être désagréables à entendre, mais quelle joie de se revoir après si longtemps ! Marie-Antoinette entraîne l'Archiduc dans le tourbillon des fêtes de Versailles sans se soucier, une fois de plus, des règles protocolaires. Il en résultera quelques difficultés avec les princes du sang, quelques bévues qui entameront encore un peu plus le crédit de la reine auprès de la Cour.

 

    Les mois passent pendant lesquels l'Impératrice d'Autriche, dans l'abondant courrier qu'elle adresse à sa fille, ne cesse de lui reprocher ses parures, ses bijoux, ses plumes, ses robes et ses rubans, plus extravagants les uns que les autres. Rose Bertin, créatrice de mode au service de la Cour, fait preuve d'une imagination débordante pour parer la Reine des plus riches atours. Jamais en panne d'idées nouvelles, la modiste-couturière fabrique toujours plus beau, toujours plus riche, toujours plus cher !..

    Marie-Antoinette, prise dans ce tourbillon, ne sera guère troublée par les quelques émeutes du mois de Mai, à Paris et à Versailles, au cours desquelles les boutiques des boulangers sont pillées. Le peuple a faim et, périodiquement, il laisse éclater sa colère. Le rythme des fêtes, des spectacles et des bals est tel que Marie-Antoinette en arrive même à oublier son mari qui, il faut le reconnaître, ne trouve pas à redire tant il est occupé de son côté par ses propres activités. Ce n'est que lorsque la reine, prenant prétexte d'un gros rhume, demande à Louis-Auguste de ne plus la rejoindre dans sa chambre que l'on recommence à jaser dans l'entourage du couple royal. Les désagréments du rhume de la reine étant passés sans que le couple ait repris la chambre commune, la cour recommence à s'inquiéter, à juste raison. Quant à Mercy il tente, une nouvelle fois, mais sans grand succès, de raisonner la reine sans oublier d'informer l'Impératrice de ses difficultés.

    Pour couper court à tous les ragots qui lui reviennent aux oreilles, Marie-Antoinette rédige une longue lettre à Rosenberg  (8) pour tenter de se justifier :

 

«  Je ne serai jamais inquiète des contes qui iront à Vienne tant qu'on vous en parlera ; vous connaissez Paris et Versailles, vous avez vu et jugé. Si j'avais besoin d'apologie, je me confierais bien à vous ; de bonne foi j'en avouerais plus que vous n'en dites : par exemple, mes goûts ne sont pas les mêmes que ceux du roi, qui n'a que ceux de la chasse et des ouvrages mécaniques. Vous conviendrez que j'aurais assez mauvaise grâce auprès d'une forge ; je n'y serais pas Vulcain, et le rôle de Vénus pourrait lui déplaire beaucoup plus que mes goûts, qu'il ne désapprouve pas.

«  Notre vie actuelle ne ressemble en rien à celle du carnaval. Admirez mon malheur, car les dévotions de la semaine Sainte m'ont beaucoup plus enrhumée que tous les bals.  Vous trouverez sûrement que cela est bien fait pour cela. J'ai établi chez moi un concert tous les lundis qui est charmant. Toute étiquette en est ôtée. J'y chante avec une société de dames choisies qui y chantent aussi. Il y a quelques hommes aimables mais qui ne sont pas de la jeunesse (..) Cela dure depuis six heures jusqu'à neuf heures et ne paraît long à personne.. »  (9)

 

    Une telle insouciance ne peut qu'exaspérer un peu plus le pauvre Mercy qui doit déployer des trésors d'imagination et de patience pour essayer de convaincre la reine que sa vie est auprès de son époux. Marie-Antoinette écoute, fait mine d'entendre pour oublier aussitôt et retourner à ses distractions sans lesquelles, avoue-t-elle, elle mourrait d'ennui !...

 

    Insouciante reine de vingt ans emportée dans son tourbillon de plaisirs !...

 

 

 

 

 

 

(1) MAUREPAS (Jean Frédéric Phélyppeaux, Comte de) : Né à Versailles en 1701, il reçoit de son père la charge de Secrétaire d'Etat à la Marine et à la Maison du Roi, charge qu'il occupe de 1723 à 1749. Disgracié en 1749 pour avoir diffusé un écrit contre madame de Pompadour, il est rappelé par Louis XVI* en 1774 auprès duquel il joue un rôle de ministre conseiller.

 

(2) VERGENNES (Charles Gravier, Comte de) : Né à Dijon en 1719, il est d'abord Ambassadeur à Constantinople puis à Stockholm. Louis XVI* le nomme Ministre des Affaires Etrangères, poste dans lequel il sera l'un des artisans de la guerre d'Indépendance des Etats Unis en 1783.

Il meurt à la veille de la Révolution française le 13 Février 1787.

 

(3) TURGOT (Anne Robert) : Fils du Prévôt des Marchands de Paris, Turgot achète une charge au Parlement de Paris en 1752. Collaborateur de l'Encyclopédie, il est nommé Intendant à Limoges en 1761 et acquiert une célébrité par ses idées et ses réformes économiques. Louis XVI* lui confie le Secrétariat d'Etat à la Marine puis le Contrôle Général des Finances en 1774.

Turgot a la volonté d'équilibrer le budget de l'Etat en augmentant les recettes par de nouveaux impôts que paieraient tous les Français sans exception et en diminuant les dépenses inutiles. Il préconise le libéralisme économique. Mais Turgot rencontre une vive opposition et n'est pas soutenu par le Roi qui abandonne son Ministre en 1776.

Retiré de la vie publique, Turgot meurt cinq ans plus tard en 1781.

 

(4) Du MUY (Louis Nicolas Victor de Félix d'Ollières, comte), comte de Grignan, né à Aix-en-Provence le 23 septembre 1711 et mort à Versailles le 10 octobre 17751, est un militaire et homme d'État français.

Issu d'une famille originaire de Provence, établie au château de la Reynarde près de Marseille, il est le second fils de Jean-Baptiste Félix, marquis du Muy

Pendant la guerre de Sept Ans, en Allemagne, il fait la connaissance de Marie Antoinette von Blanckart (de), chanoinesse de Neuss, qu'il épousera en 1774. Il commande l'armée française en Westphalie mais subit une sévère défaite à la bataille de Warburg le 31 juillet 1760. Il est nommé membre de l'Ordre du Saint-Esprit en 1764.

Ancien menin du Dauphin Louis-Ferdinand et membre du parti dévot3, il lui était resté si attaché qu'il demanda à être enterré à ses pieds en la cathédrale Saint-Étienne de Sens. Ce trait était bien fait pour plaire à Louis XVI ; aussi Maurepas le fait-il nommer secrétaire d'État à la Guerre le 5 juin 1774. Il est élevé à la dignité de maréchal de France en 1775 mais meurt peu de temps après des suites d'une opération de la pierre.

 

 (5)   Lettre de Marie-Antoinette à Marie-Thérèse cité par André CASTELOT  "Marie-Antoinette"  op. cit. Page 104.

 

(6)   idem page 105.

 

(7) idem.

 

(8)   ROSENBERG (comte de) : Homme de confiance de l’Impératrice Marie-Thérèse

 

(9) Cité par Evelyne LEVER  " Marie-Antoinette "  op. cit. page151.

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MARIE-ANTOINETTE, REINE DE FRANCE (7/35)

 

DES VIVATS DE REIMS AUX LIBELLES DE VERSAILLES : JUIN – DECEMBRE 1775

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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