Au cours de la Première Guerre mondiale, le gouvernement américain passe de nombreuses commandes aux industriels américains au titre de l’effort de guerre. La General Motors est ainsi contactée pour fabriquer des moteurs d’avions baptisés « Liberty », que sa division Cadillac pourrait réaliser en modifiant un peu le moteur V8 qui équipe ses voitures. Henry Martin Leland, le président fondateur de la marque, se montre enthousiaste à cette demande mais William Crapo Durant, le président de la General Motors, ne souhaite pas que sa division se convertisse à cette production. Ce désaccord entraîne la démission de Leland qui décide de se lancer, grâce à un prêt fédéral, dans la construction d’une usine destinée à produire le moteur Liberty. Le 29 août 1917, à 74 ans, un âge où il se sent « encore loin de la retraite », Henry Leland fonde alors la Lincoln Motor Company, une société dont le nom rend hommage à Abraham Lincoln, le 16° président des États-Unis, et premier homme pour qui Leland ait voté.
Ayant obtenu une commande pour 6 000 moteurs, il embauche 6 000 personnes, livre le premier moteur en mars 1918 et obtient une cadence de production de 50 moteurs par jour. Mais la fin de la guerre arrive trop vite pour Leland ; si le conflit s’était prolongé de six mois, il aurait pu rembourser l’intégralité de son prêt. Faute de commandes, il procède donc à la reconversion de son usine afin de construire une voiture de luxe à moteur V8 similaire à la Cadillac : la Lincoln L (avec un L comme Leland). Il doit cependant de nouveau emprunter, ce qui accroit encore la dette de la société devenue Lincoln Motor Company of Delaware le 26 janvier 1920. La Lincoln L est une voiture bien construite et performante mais dont le prix de 5 000 dollars et le manque de style limitent la diffusion. Du fait du temps nécessaire à reconvertir l’usine, les premières livraisons subissent en outre des retards importants. En 1920, Leland est obligé de trouver un financement complémentaire mais une partie des actionnaires, entrainés par le premier d’entre eux, Fred Murphy, s’y opposent et demandent la liquidation de la société. La seule solution qui s’offre à Leland est de trouver un repreneur assez solide pour racheter toutes les actions de la société et assez compréhensif pour le laisser continuer à diriger la marque. Le seul homme qui peut se le permettre est Henry Ford.
Les deux hommes se connaissent depuis longtemps. En 1901, Leland fournit des moteurs à deux constructeurs d'automobiles : Oldsmobile et Detroit. Mais la société Detroit ne parvenant pas à se développer, ses dirigeants recrutent le jeune Henry Ford (il a 38 ans) pour développer une nouvelle voiture et la société devient Henry Ford Company. Cependant, Ford et ses associés ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la voiture à construire et trois semaines plus tard Ford démissionne. Ses associés font alors appel à Leland pour évaluer l'usine avant sa liquidation. Leland leur propose alors de réoutiller l'usine et de lancer une voiture dont il a déjà le moteur ; en 1902, la société est rebaptisée Cadillac...
Quand Leland vient le rencontrer dans sa luxueuse propriété de Fairlane, Henry Ford n'est guère enthousiaste pour reprendre son usine. Il faudra toute la conviction de son épouse Clara et de son fils Edsel (président de la Ford Motor Company depuis 1919) pour qu'il accepte de racheter Lincoln le 4 février 1922 pour la somme de 8 Millions de Dollars. Henry Leland reste président de la société, mais Edsel Ford devient vice-président. Sous sa conduite, Lincoln devient une affaire fiable. Mais la mise en œuvre des méthodes de Ford apparaît comme une ingérence insupportable pour Leland ; le 13 juin 1922, il démissionne et prend sa retraite (il décède en 1931 à l'âge de 89 ans).
Edsel devient président et Ernest C. Kanzler, directeur général. La série L est une voiture robuste mais trop chère. Edsel et Kanzler mettent en place des économies de production, réduisant les coûts de fabrication d'environ 1 000 dollars par voiture.
Le châssis de la Lincoln Model L connait peu de changements majeurs ; le V8 à 60° de 5,9 litres de cylindrée reste en production. Pour 1923, plusieurs modèles de carrosserie sont ajoutés à la gamme du modèle L sous la direction d'Edsel, notamment des berlines à deux et trois fenêtres à quatre portes et un phaéton à quatre passagers. Parmi les autres véhicules, la gamme comprend toujours un roadster à deux passagers et une berline et limousine de tourisme à 5 200 $.
Les carrossiers Fleetwood, Derham et Dietrich ont également réalisé une berline, une limousine, un cabriolet et une voiture de ville, et un deuxième cabriolet est conçu par le carrossier Brunn. Les véhicules construits par ces carrossiers ont coûté jusqu'à 7 200 dollars. Les ventes de Lincoln ont augmenté d'environ 45% pour produire 7 875 voitures et la société est rentable à la fin de 1923.
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ultimatecarpage.com
netcarshow.com
favcars.com
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autogaleria.hu
Vous pouvez retrouver d'autres véhicules, tout aussi exceptionnels, dans la rubrique "VOITURES DE LEGENDE" de ce blog ou en vous inscrivant à la Newsletter (voir ci-contre)