«Je m'intéresse plus à l'histoire qu'à la politique.»
Trente ans après, Valéry Giscard d'Estaing l'historien n'a certes rien oublié. Mais VGE le politique n'a également presque rien pardonné. L'ex-président de la République est revenu hier sur les moments clés de la fin de son septennat, devant quelque deux cents personnes réunies au Sénat pour le cinquième colloque sur «Les années Giscard». Avec une invitée remarquée pour la clôture des travaux, Rachida Dati.
Intitulé des débats : «1978-1981 : les institutions à l'épreuve ?». Dans l'esprit de l'auditoire, comme dans celui de l'ex-président, le point d'interrogation est superflu. Les dernières années du mandat de Giscard d'Estaing s'ouvrent avec les législatives de 1978 qui voient la majorité se diviser en deux pôles : l'UDF, créée par le chef de l'État, et le RPR dirigé par son ancien premier ministre, Jacques Chirac. Ce seront des années de lutte au sein de la majorité dans la perspective de la présidentielle de 1981. L'historien Mathias Bernard évoque un enlisement de la vie politique française et rappelle que Michel Debré assimilait la «crise de la majorité» à une «crise de régime». Pour illustration de cette bataille, Olivier Stirn raconte qu'il avait été convoqué en 1976 par Jacques Chirac à Matignon. "Il m'explique qu'il va démissionner avec fracas et me demande de le suivre", témoigne l'ancien secrétaire d'État aux DOM-TOM. "Je lui ai dit non." Dans la salle, un auditeur rappelle que la présidentielle de 1981 a été perdue parce que le RPR avait appelé à voter contre Giscard.
L'affaire de la Mairie de Paris
En 1977 déjà, les chiraquiens avaient défié le président lors des municipales pour lesquelles les Parisiens allaient pour la première fois élire leur maire. «Chirac était à fond contre» cette réforme, explique aujourd'hui Giscard d'Estaing. Une fois la réforme adoptée, «le premier ministre m'a dit que c'était à moi de désigner le futur maire de Paris», poursuit-il. Le président opte pour Michel d'Ornano. «La candidature de Jacques Chirac n'est venue qu'après, raconte VGE, soufflée par Pierre Juillet, grand stratège qui croyait en la force en politique.»
La montée du RPR l'agace moins, affirme-t-il, que l'emploi que Chirac et ses fidèles font du mot gaulliste. «C'est très irritant car c'est très inexact», note l'ex-président qui propose sa définition : «Les gaullistes, ce ne sont pas les gens qui se chauffaient les pieds chez eux en écoutant la radio d'occupation. Ce ne sont pas non plus ceux qui ont participé à des actions politiques de parti pour lesquelles ils se sont autodésignés comme gaullistes. Ce sont ceux qui ont été liés à l'aventure historique du général de Gaulle.» La salle rit de bon cœur quand Giscard s'interroge naïvement : «De Gaulle aurait-il supporté l'existence du RPR ?»
Le RPR, selon Valéry Giscard d'Estaing, est prêt à faire feu de tout bois pour reconquérir le pouvoir. En 1979, les dirigeants du RPR votent contre la confirmation de la loi IVG votée en 1974. «Ce que par la suite on s'est efforcé d'effacer», raconte VGE, avant de rappeler que le PS de François Mitterrand, lui, «a joué le jeu». Il invite également à consulter les archives du Conseil constitutionnel, qui témoigneront de l'opposition du RPR à l'organisation des élections européennes au suffrage universel en 1979. Et alors qu'il fait le récit de la bataille qui opposa pro et anti-européens, RPR et UDF, à la fin des années 1970, on se prend à rêver des minutes du Conseil constitutionnel où siègent aujourd'hui Valéry Giscard d'Estaing et son meilleur ennemi Jacques Chirac.
«Ne divisez pas l'Auvergne»
Invité de la chaîne Public Sénat, Valéry Giscard d'Estaing a dit lundi son opposition à tout démantèlement de la Région Auvergne qu'il a présidée : «Ne séparez pas les Auvergnats, ne divisez pas l'Auvergne», a-t-il prévenu. Il a également déploré «le non français à l'inepte référendum» de 2005 qui prive aujourd'hui l'Europe d'un «président stable qui pourrait dire “we can”.»
Source : LeFigaro.fr 03-03-2009