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Louis Philippe d'Orléans, duc de Chartres puis duc d'Orléans, dit Philippe Egalité après 1792
LES DEBUTS DE LA CORRUPTION :
DECEMBRE 1789 - MARS 1790
Les brillants succès remportés par Danton lors des élections au poste de Président du District des Cordeliers n’ont pas manqué d'attirer l'attention sur le fonctionnement interne de cette assemblée.
Ceux qui veulent y voir clair et qui observent un peu attentivement constatent d'abord, qu'au sein même du District, le pouvoir de Danton est devenu, en quelques mois, quasiment tyrannique : le Président ne supporte aucune contradiction, d'où qu'elle vienne. Entouré de quelques fidèles, dont Fabre d'Eglantine et l'avocat Paré (1), le champenois pratique une démocratie pour le moins douteuse !
Les contradicteurs sont vite écartés par les militants Cordeliers dévoués corps et âme à leur chef, ce qui déjà peut expliquer les élections triomphales de Danton à la Présidence du District. Ainsi, si l'on regarde au-delà des chiffres, l'élection du 29 Mars qui accorde 127 voix à Danton sur 133 Votants, score on ne peut plus honorable, on s'aperçoit que le district comprend 1500 électeurs et que près de 1400 ne votent pratiquement jamais !. Alors comment Danton a-t-il pu s'attacher les services d'une poignée de 100 à 120 militants Cordeliers dont la fidélité ne sera jamais défaillante ? Par l'argent ? C'est effectivement le bruit qui court. Mais quel argent puisque Danton, nous l'avons vu, s'est endetté bien au-delà de ses limites pour acheter sa charge ?
Et là, on est bien obligé d'accorder quelque crédit aux rumeurs et d'envisager la vénalité de Danton. D'abord parce que cette hypothèse cadre non seulement avec les faits mais également avec le personnage : le Président des Cordeliers n'est pas animé par une idéologie révolutionnaire, comme des Robespierre* ou Saint-Just*; il ne le sera d'ailleurs jamais. Ses actes ne seront toujours que des « coups ». Il profite de sa force physique qui impose, de ses indéniables talents d'orateur, de la puissance de sa voix (« qui fait peur » selon sa propre expression); autant d'atouts qu'il mettra, bien souvent, au service de ses intérêts personnels.
Ensuite parce que, au-delà des rumeurs, on pourra bientôt trouver des témoignages et même des preuves de cette vénalité.
La situation financière de Danton, vers la fin de 1789 et le début de 1790, semble, en effet, s'être considérablement améliorée puisqu'il a pu rembourser rapidement près de 30 000 Livres de ses dettes. Une somme qui est bien supérieure aux revenus de sa charge, compte tenu du peu d'affaires qu'il plaide et surtout du train de vie qui est le sien.
Albert Mathiez, avec une grande rigueur, a fait la démonstration de la vénalité de Danton en raisonnant sur les quatre années pendant lesquelles il a été propriétaire de sa charge d'avocat au Conseil du Roi (2).
Il admet un train de vie de 10 000 Livres par an, ce qui est raisonnable car Danton dépense sans compter; soit 40 000 Livres sur quatre ans auxquels il faut ajouter 60 000 Livres de remboursement d'emprunts; soit en tout 100 000 Livres de dépenses. Il est, selon lui, impossible qu'une charge ait rapporté en quatre ans 128 % de sa valeur initiale. Et encore, ne compte-t-il pas, en dépenses, les achats de terres faits par Danton en 1791.
Les dénégations de l’historien Louis Barthou qui voue à Danton une admiration sans bornes, ou les soi-disant preuves apportées par les fils de Danton (3) ne tiennent pas. Il faut bien admettre que le tribun des Cordeliers reçoit des subsides. De qui ? En premier lieu, du Duc d'Orléans qui, d'Avril à Octobre 1789 en particulier, a financé très largement tous les agitateurs de la capitale. Pourquoi Danton, personnage en vue et qui compte parmi les acteurs de la Révolution, aurait-il, moins que d'autres, bénéficié des largesses du Duc ? En tous cas, Danton sait être discret car il ne semble pas que, durant cette période, il y ait eu des contacts entre le Duc d'Orléans et lui-même, mais plutôt des rencontres entre leurs hommes de confiance : Camille Desmoulins* pour Danton, Laclos (4) pour le Duc.
Mais d'Orléans n'est sûrement pas le seul pourvoyeur de fonds du champenois. Dès 1789, de l'argent royal parviendra dans les poches de Danton par l'intermédiaire du Ministre Montmorin (5) qui, lui aussi devait « arroser » un peu tous ceux qui étaient susceptibles de porter tord à la monarchie.. Plus tard, peut-être dès 1790, ce sont les fonds secrets des Affaires Etrangères, puis ceux de la liste civile qui alimenteront les caisses de Danton.
On a vite su, à la Cour, la vénalité du Président des Cordeliers. Tous ceux qui ont, en cette période, une quelconque influence sur le peuple de Paris sont approchés par les émissaires de la Cour. Certains, guidés exclusivement par leur idéal révolutionnaire, résisteront; mais la tentation est bien grande ! Danton, dont la popularité va croissante, sera l'un de ceux par qui l'on cherchera à dévier le cours de la Révolution.
On remarquera d'ailleurs, dans la suite des événements, que si Danton recevait de l'argent, il se souciait bien peu de servir les intérêts de ceux qui l'avaient payé. Danton prenait. Mais il pensait, sans doute avec raison, que la majorité des révolutionnaires de l'époque étaient corrompus comme lui. Il ne se sentait nullement engagé par ce qui, finalement, lui semblait bien banal !
Danton avec beaucoup de cynisme aurait dit :
« ... Si les Rois ont enrichi les nobles, il faut que la Révolution enrichisse les patriotes ! » (6)
Arnaud Marc Aurèle comte de Montmorin Saint-Hérem
(1) PARE (Jules François) : Né le 11 Août 1755. Condisciple de Danton au Collège de Troyes, premier Clerc de son étude à Paris, il deviendra secrétaire au Conseil Exécutif Provisoire quand Danton sera appelé au Ministère de la Justice le 11 Août 1792.
Le 20 Août 1793 il deviendra Ministre de l'Intérieur mais, dénoncé comme dantoniste par Couthon, il devra démissionner de ce poste le 5 Avril 1794 mais réussira à échapper à la guillotine.
Il mourra le 29 Juillet 1819.
(2) Albert MATHIEZ "La Fortune de Danton"
Annales Révolutionnaires, Tome 5, N°4 (juillet-septembre 1912) pages 453 à 477
(3) Louis BARTHOU "Danton" op. cit.
Les Fils de Danton : "Mémoire écrit en 1846 pour détruire les accusations de vénalité contre leur père"
(4) LACLOS (Pierre Ambroise François Choderlos de) : Né à Amiens le 18 Août 1741. Elève de l'Ecole d'Artillerie de la Fère en 1759, il fait une carrière dans l'armée et acquiert la célébrité en 1782 avec ses "Liaisons Dangereuses".
Puis, il devient le Secrétaire du Duc d'Orléans sur lequel il aura longtemps une très grande influence. Un des premiers inscrits au Club des Jacobins, Laclos lance le "Journal des Amis de la Constitution" financé, bien sûr, par d’Orléans.
Initiateur, avec le Duc, des journées des 5 et 6 Octobre 1789, il partage son "exil" en Angleterre dans les mois qui suivent. Rentrés en Juillet 1790, ils intriguent, en particulier lors de la fuite du roi à Varennes, pour faire placer son frère sur le trône.
Danton le nommera, après le 10 Août 1792, commissaire du Pouvoir Exécutif, puis il sera détaché auprès de Luckner pour le surveiller. Il parvient à se faire nommer général, puis Chef d'Etat Major de l'armée des Pyrénées et enfin Gouverneur des Etablissements Français en Inde.
Arrêté avec d'autres Orléanistes le 31 Mars 1793, il échappera à la guillotine. Il contribuera quelque temps plus tard, au coup d'Etat du 18 Brumaire et réintégrera l'armée avec son grade de Général le 16 Janvier 1800.
Il mourra de dysenterie à l'armée de Naples le 5 Septembre 1803.
(5) MONTMORIN (Armand Marc, Comte de Montmorin-Saint-Hérem) : Né à Paris le 13 Octobre 1745. Ambassadeur de France de 1777 à 1783, il est appelé au Ministère des Affaires Etrangères le 14 Février 1787 et soutient Necker. Il quitte le ministère avec Necker le 12 Juillet 1789 sur ordre du Roi et revient avec lui le 17 Juillet.
Après le retrait définitif de Necker, il devient le ministre le plus influent et s'allie à Mirabeau* pour préserver la monarchie constitutionnelle. Il quittera finalement le ministère le 20 Novembre 1791 mais continuera à conseiller le Roi.
En Juillet 1792, Brissot* accusera Montmorin d'être le chef d'un "Comité autrichien". Il sera arrêté le 21 Août, emprisonné et massacré par les émeutiers au début des massacres de Septembre : le 2.
(6) cité par Frédéric BLUCHE "Danton" op. cit. Page 89
A SUIVRE :
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : DANTON (8/52)
LES ECHECS ELECTORAUX : MAI - SEPTEMBRE 1790