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16 août 2017 3 16 /08 /août /2017 07:00
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MIRABEAU (16)

 

 

 

MIRABEAU CONDAMNE A LA DECAPITATION : 1777

 

 

 

 

 

    C'est un événement assez banal, dont il a connaissance un peu par hasard, qui fournit à Mirabeau le thème qu'il cherche depuis si longtemps pour l'écriture de son prochain ouvrage.

 

    Le royaume d'Angleterre mène une guerre fort coûteuse aux Amériques; une guerre qui nécessite d'envoyer là bas des troupes de plus en plus nombreuses et, si possible, déjà bien entraînées. Il est donc venu l'idée aux Anglais d'aller recruter sur le continent européen les soldats qu'ils ont du mal à enrôler sur leur île.  Le roi d'Angleterre "achète" ainsi des troupes aguerries aux princes allemands !...

  

 C'est une bien curieuse pratique qui, en Février 1777, tourne même au scandale lorsque le landgrave de Hesse Cassel vend à l'Angleterre trois mille de ses meilleurs soldats pour le prix d'un cochon chacun. Les soldats refusent de partir mais ils sont vigoureusement repris en mains par les officiers et la troupe prend le chemin de la côte afin d'embarquer vers l'Angleterre. Lors de la traversée de la Hollande, une mutinerie éclate et la population hollandaise prend fait et cause pour les pauvres soldats. Bon nombre de ceux-ci désertent et vont se cacher dans la campagne avec la complicité des villageois.

    L'affaire fait grand bruit, les libéraux hollandais s'en indignent et Mirabeau qui en a eu vent rédige, en quelques jours seulement, un texte enflammé : « L'avis aux Hessois et autres peuples de l'Allemagne vendus par leurs princes à l'Angleterre ». A peine a-t-il terminé la dernière ligne de son ouvrage que Mirabeau court déjà les libraires. Il parvient, sans trop de difficultés, à vendre son manuscrit à un éditeur d'Amsterdam  et en ressent une double fierté : l'éditeur en question a trouvé son texte intéressant, ce qui n'est déjà pas si mal; mais ce qui est mieux encore c'est que cet éditeur est celui qui publie Jean-Jacques Rousseau !... Quel honneur !

    Il faut dire que la protestation est éloquente. L'oppressé sait trouver les mots justes quand il s'attaque au despotisme !

 

«  .. Vous êtes vendus et pour quel usage, justes dieux ! Pour attaquer des peuples qui défendent la plus juste des causes, qui vous donnent le plus noble exemple. Eh ! Que ne les imitez-vous au lieu de les détruire ?

«  Quand l'autorité devient arbitraire et oppressive, quand elle attente aux propriétés pour la protection desquelles elle fut instituée, quand elle rompt le contrat qui lui assura des droits et les limita, la résistance est le devoir et ne peut s'appeler révolte.. » (1)

 

    La petite somme gagnée à l'occasion de la publication de son ouvrage redonne un léger espoir à Mirabeau et à sa compagne qui tirent le diable par la queue depuis des semaines. Ils commençaient à désespérer bien qu'ils soient maintenant très habitués à vivre avec les dettes, les relances et les visites des créanciers ou les démarches auprès des banquiers.

 

    Le printemps de 1777 apporte à Sophie et à son Gabriel deux nouvelles importantes mais de natures bien différentes. Une bonne nouvelle, tout d'abord : Sophie est enceinte. Elle est folle de joie et encore plus amoureuse de son amant. La deuxième nouvelle est beaucoup plus inquiétante : le vieux de Monnier a déposé officiellement une plainte contre Mirabeau pour enlèvement et séquestration de son épouse. Pour faire bonne mesure, Mirabeau apprend par un courrier de sa sœur que l'Ami des Hommes, qui décidément vieillit très mal, a déclaré une guerre sans merci à son épouse et à son fils. La police du roi a donc des raisons multiples de se remettre activement à la recherche de Gabriel-Honoré de Mirabeau et de Sophie de Monnier. Il va leur falloir être encore davantage sur leurs gardes.

 

    Et effectivement, la traque est relancée : au début du mois de Mai 1777, Vergennes le ministre des Affaires Etrangères, fait envoyer au Duc de La Vauguyon, Ambassadeur de France à La Haye, un ordre de procéder à l'arrestation du Sieur Mirabeau et de l'épouse de Monnier qui l'accompagne. Quelques jours plus tard, La Vauguyon prend les devants et entame, à l'encontre des deux fugitifs, dont on n'a pas encore retrouvé la trace, une procédure d'extradition.

    A partir de cette période, les événements vont se bousculer. Les nuages s'amoncellent tellement au-dessus de la tête des deux jeunes gens que l'orage menace d'éclater à tout instant !

 

    Pendant ce temps, à  Pontarlier, le procès intenté par le vieux marquis de Monnier se tient le 10 Mai 1777. Le comte Gabriel-Honoré de Mirabeau est jugé par contumace et condamné à une peine d'une extraordinaire sévérité pour "séduction et rapt d'une femme mariée" : décapitation... après paiement d'une somme de quatre mille livres à l'époux. Le tribunal de Pontarlier est resté totalement insensible au fait que Mirabeau soit issu d'une famille noble. L'aristocratie de province, en frappant très fort, semble vouloir montrer qu'elle est décidée à se protéger de ces hobereaux qui se targuent de fréquenter la cour du roi et qui ne respectent rien.

    Sophie est, elle aussi, condamnée par contumace pour adultère. Dans son cas également, les peines sont très lourdes : "annulation de son contrat de mariage et des droits afférents, perte de sa dot, réclusion à perpétuité dans une maison de correction après avoir eu les cheveux coupés". (2)

 

    A Amsterdam, Sophie et Gabriel sont rapidement avisés de cette décision de justice, sans doute par une amie de Sophie de Monnier. Ils sentent, cette fois que non seulement l'étau se resserre mais que les choses sont devenues très sérieuses. Aussitôt ils décident de quitter leur logement. Ils rassemblent leurs bagages le 13 Mai et fixent leur départ au 15 ou au 16 au plus tard. Mirabeau a, en effet, besoin d'une journée au moins pour trouver de l'argent car il leur faut absolument un petit pécule pour payer le voyage. Durant toute la journée du 14 il va donc courir les banques d'Amsterdam en essayant de décrocher un prêt. Avant qu'il n'ait le temps de revenir chez lui, Sophie est arrêtée à leur domicile. Gabriel-Honoré apprend la nouvelle par des voisins et se constitue prisonnier.

 

«  Je sus qu'elle était arrêtée. Je ne balançai pas sur le parti qui me restait à pendre. Il fallait, et dans mes sentiments et dans mes principes, être heureux ou malheureux avec elle. Je me livrai.. »  (3)

 

    Mirabeau et sa compagne sont incarcérés à la Maison d'Arrêt d'Amsterdam. Le premier interrogatoire a lieu le 15 Mai : Mirabeau nie farouchement tous les faits dont on l'accuse, en particulier l'enlèvement de Sophie de Monnier. Elle, est terriblement abattue; lui, par contre, est décidé à se battre. Le 18, on leur signifie qu'ils seront transférés à Paris sous quelques jours.

    Le 20 Mai, ce n'est pas une coïncidence, la marquise de Mirabeau est appréhendée sur ordre du roi et enfermée au couvent des dames de Saint-Michel. L'Ami des Hommes poursuit, inlassablement son œuvre destructrice !... Les nombreuses suppliques adressées, ces dernières semaines, au Ministre de la Maison du roi lui ont également permis d'obtenir une nouvelle lettre de cachet contre sa fille Louise de Cabris qui est instamment priée de retourner dans le Couvent de Lyon où elle a déjà séjourné pour des motifs identiques...

 

 

 

 

 

 

 

1 -  Cité par Duc de CASTRIES  "Mirabeau"  op. cit. Page 116

 

2 -  Détails cités par Claude MANCERON  "Les Hommes de la Liberté"  op. cit.  Vol I, page 484

 

3 -  Cité par DAUPHIN MEUNIER  "La Vie de Mirabeau"  op. cit. Page 291

        Et Claude MANCERON  "Les Hommes de la Liberté" op. cit. Vol I, page 489

 

 

 

ILLUSTRATION : Grenadiers britanniques au cous de la guerre d'indépendance américaine

 

 

 

 

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