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Armoiries de Louis-le-Grand sur une couverture d’un livre de la bibliothèque du Collège
LES ANNEES DE COLLEGE : 1769-1781
La disparition de ses parents fait, du jeune Maximilien, un enfant sérieux. Très tôt, il va devoir affronter à la fois sa solitude et son sens des responsabilités vis à vis de ses jeunes frère et sœurs.
« Auparavant », nous dit Charlotte dans ses mémoires, « il était comme tous les autres enfants de son âge, étourdi, turbulent, léger ; mais dès qu'il se vit, pour ainsi dire, chef de la famille en sa qualité d'aîné, il devint posé, raisonnable, laborieux. Il nous parlait avec une sorte de gravité qui nous imposait... Il partageait rarement les plaisirs de ses camarades ; il aimait à être seul pour méditer à son aise et passait des heures entières à réfléchir. » (1)
Le grand-père Carraut le fait entrer, pour l'année scolaire 1769-1770, au Collège d'Arras. Maximilien n'a que 11 ans à peine. Il commence là une très longue scolarité qui ne s'achèvera qu'en 1781. Il sera alors âgé de 23 ans.
A la fin de l'année 1769, grâce à une intervention de l'évêque d'Arras, et grâce aussi sans doute à ses excellents résultats scolaires, Maximilien obtient une des quatre bourses attribuées par l'Abbaye de Saint-Vaast au Collège Louis-le-Grand à Paris où il est admis en classe de 5ème. Pour le jeune garçon, c’était la seule solution pour qu’il poursuive des études sérieuses car la famille Carraut n’a pas les moyens de les lui payer. Orphelin, boursier, sans pratiquement aucune protection, le jeune collégien comprend qu'il ne peut compter que sur son mérite et son travail. Bien que l'on ait très peu de détails sur sa vie pendant cette période, on sait cependant qu'il est, à Louis-le-Grand, un excellent élève. Ses professeurs le décriront comme un adolescent aimant la solitude, ayant tendance à s'isoler de ses camarades et se liant difficilement.
L’organisation du Collège Louis-le-Grand est très stricte. Elle repose sur le principe que pour élever des jeunes gens et en faire des hommes il faut allier à la culture intellectuelle le progrès moral et religieux. La prière publique, l’assistance à la messe sont au programme de chaque journée. La confession mensuelle est obligatoire. Et Maximilien va se plier à ces règles avec assez de docilité, tout au moins au début.
Il va côtoyer sur les bancs ce cet établissement, un autre jeune homme à qui la Révolution va également faire un nom : Camille Desmoulins*. Ce dernier se plaira à évoquer, beaucoup plus tard, une amitié qui, sans doute, n'a été durant cette période qu'une simple camaraderie entre deux élèves.
Robespierre se distingue en tous cas de ses camarades par son assiduité et le sérieux qu’il met dans son travail. Son nom est cité dans le Concours de l’Université aux années 1772 (classe de 4ème), 1774 (classe de seconde) et 1775 (rhétorique)
Une anecdote suffit à nous apporter la preuve que le jeune Robespierre est l'un des meilleurs élèves du Collège Louis-le-Grand, et peut être même le meilleur. En effet, c'est lui que l'on choisit pour complimenter le nouveau Roi Louis XVI*, au nom du Collège, lors du retour du monarque à Paris, après la cérémonie du Sacre à Reims le 11 Juin 1775. Louis XVI* et la Reine doivent, en effet, faire une halte à Louis-le-Grand.
Le jeune Maximilien a appris, par cœur, un compliment en vers qu’il a pour mission de réciter aux souverains. La petite « Cérémonie » ne va cependant pas se dérouler comme l'avait, sans doute, rêvé le collégien. Selon l'abbé Proyart, sous-Principal au Collège : « Le Roi et la Reine prévenus, consentirent à suspendre leur marche devant le Collège Louis-le-Grand.. » (2)
Louis XVI* et Marie Antoinette* écoutent, sans bouger de leur carrosse (il pleut !..), le discours du jeune élève Robespierre agenouillé, tête nue, devant le marchepied de la voiture royale. Quelques minutes seulement. Aucun mot de félicitations ou de remerciements prononcé par le Monarque (3). Le carrosse emporte à nouveau le couple royal sans même que Maximilien ait eu le temps de les regarder, tant son émotion était grande.
Cloître de l'Abbaye de Saint-Vaast
Robespierre ne retire, bien sûr, qu'une grande déception à la suite de l'échec de cette cérémonie pour laquelle on lui avait confié un si beau rôle.... C’est probablement à partir de cet épisode qu’il se sent débarrassé de toutes contraintes et cesse de remplir ses devoirs religieux pour lesquels il n’avait d’ailleurs jamais éprouvé beaucoup de goût. Il se passionne pour les écrits de Jean-Jacques Rousseau. Bientôt il écrira ces lignes rapportées par sa sœur Charlotte dans ses mémoires :
« Homme divin, bientôt, tu m’as appris à me connaitre ; bien jeune, tu m’as fait apprécier la dignité de ma nature et réfléchir aux grands principes de l’ordre social.. Je t’ai vu dans tes derniers jours, et ce souvenir est pour moi la source d’une joie orgueilleuse. J’ai contemplé tes traits augustes ; j’y ai vu l’empreinte des noirs chagrins auxquels t’avaient condamné les injustices des hommes… »
Robespierre a-t-il réellement rencontré Jean-Jacques Rousseau comme le laisse entendre sa sœur ? C’est possible mais rien ne le prouve puisque Rousseau meurt la même année le 3 juillet 1778.
Au cours de ces longues années de Collège, il va éprouver bien d'autres peines, bien plus cruelles que la petite humiliation devant le couple royal. Jeune provincial, seul dans Paris, Robespierre perd, en 1772, le seul soutien qu'il avait dans la capitale, le Chanoine de Notre Dame qui le recevait le Dimanche et parfois pendant les vacances (4). En 1775, c'est la grand-mère Carraut qui meurt, suivie trois ans plus tard par le grand-père. Après ses parents c’est sa famille adoptive qui s'en va... C'est également à Louis-le-Grand, alors qu'il achève ses études, que Maximilien apprend le décès de sa plus jeune sœur, Henriette, au cours de l'année 1780. « Il était donc dit que notre enfance serait abreuvée de larmes », raconte encore Charlotte, « et que chacune de nos premières années serait marquée par la mort d'un objet chéri. Cette fatale destinée a influé plus qu'on ne le pense sur le caractère de Maximilien, elle l'a rendu triste et mélancolique. » (5)
Maximilien continue cependant à travailler avec beaucoup d'ardeur. Il demeure à Louis-le-Grand où la bourse de Saint-Vaast lui permet de suivre les cours de théologie, de droit ou de médecine. Il choisit sans hésitation, et pour rester fidèle à la tradition familiale, les études de Droit.
« Je sors de ma philosophie, et je me destine au barreau. De toutes les qualités nécessaires pour se distinguer dans cette profession, j'y apporte au moins une vive émulation et une extrême envie de réussir.. » (6)
Jean-Jacques ROUSSEAU
En moins de trois ans il conquiert tous les grades. En effet, le 31 juillet 1780, il obtient ses lettres de baccalauréat en droit de la Faculté de Paris ; le 15 Mai 1781 son diplôme de licence et le 2 août suivant, il est reçu au Parlement de Paris.. Ses brillants succès lui valent un témoignage de reconnaissance de la part du Collège Louis-le-Grand. Chaque année les Administrateurs de l’Etablissement accordent aux boursiers qui se sont distingué pendant leurs études une part de l’excédent des revenus du Collège. C’est à ce titre que Maximilien se voit remettre le 19 juillet 1781 une gratification de 600 Livres.
C’est sa seule richesse, avec le parchemin délivré par le Collège en récompense de ses mérites :
« Sur le compte rendu par Monsieur le Principal des talents éminents du Sieur de Robespierre, boursier du Collège d'Arras, lequel est sur le point de terminer son cours d'étude, de sa bonne conduite pendant douze années et de ses succès dans le cours de ses classes, tant aux distributions des prix de l'Université qu'aux examens de philosophie et de droit, le bureau a unanimement accordé au dit Sieur de Robespierre une gratification de la somme de six cents livres, laquelle lui sera payée par M. le grand-maître des deniers du Collège d'Arras et ladite somme sera allouée à M. le grand-maître dans son compte, en rapportant expédition de la présente délibération et la quittance dudit Sieur de Robespierre. » (7)
Fort de sa bonne réputation, Maximilien avait écrit au père abbé de l'Abbaye de Saint-Vaast (8) pour demander une audience afin de solliciter une bourse en faveur de son jeune frère Augustin-Bon. Sa demande sera acceptée, Augustin-Bon Robespierre succédera à son frère aîné à Louis-le-Grand.
(1) Mémoires de Charlotte Robespierre
cité par Bernard NABONNE, "La Vie Privée de ROBESPIERRE", Paris, HACHETTE, 1938, page 21
(2) Cf. Gérard WALTER "Robespierre"
Gallimard, Paris, 1946, page 26
(3) Cet épisode ne suffit pas, à lui seul, à expliquer le combat que mènera, beaucoup plus tard, ROBESPIERRE contre la royauté. D'autant plus que les avis des historiens sont partagés sur les relations de LOUIS XVI*, ce jour là, à l'égard du jeune élève de Louis le Grand. Albert MATHIEZ rapporte à ce propos : "le Monarque l'écouta avec intérêt et lui témoigna sa satisfaction ".
A. MATHIEZ "Etudes Robespierristes", Armand Collin, 1917, page 296
(4) Monsieur de la Roche Chanoine du Chapitre de Notre Dame
(5) cité par André STIL "Quand Robespierre et Danton..." op. cit. page 18
(6) Lettre de Maximilien Robespierre d'Octobre 1779
cité par André STIL "Quand Robespierre et Danton..." op. cit. page 22
(7) cité par Claude MANCERON "Les Hommes de la Liberté"
Vol 3 "Le Bon Plaisir" Robert Laffont, Paris, 1976, page 231
(8) L'Abbé commanditaire de Saint Waast auquel Maximilien va demander audience pour obtenir la bourse de son frère n'est autre que le Cardinal de Rohan.
A SUIVRE :
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (3/50)
LES PREMIERES PLAIDOIRIES : 1781 - 1783