En 1938 Alfa Roméo achète et dissout la Scuderia Ferrari pour créer l'Alfa Corse avec comme patron Wifredo Ricart. Enzo Ferrari qui ne supporte pas d’être dirigé par qui que ce soit quitte Alfa Roméo à la fin de l'année. Wifredo Ricart demeure ingénieur moteur pour Alfa Roméo jusqu'à la fin de la guerre. En Janvier 1946 il regagne son pays natal et fonde à Madrid le Centre pour les techniciens de l'automobile (CETA) avec une équipe d'ingénieurs et de techniciens venant de chez Alfa Roméo afin de reconstruire l'industrie automobile espagnole. En Octobre 1946 l'Institut National de l'Industrie fait appel à lui pour créer à Barcelone, dans les anciens locaux d'Hispano-Suiza récemment racheté, l'ENASA (Empresa Nacional de Autocamiones SA) une entreprise d’État espagnole destinée à remédier à la pénurie de transport lourd en Espagne. Dans un premier temps l'usine d'outillage est rénovée puis quelques autobus sont construits sous le nom d'Hispano-Suiza. Le premier camion est appelé Pegaso et le terme sera repris pour le nom de la marque. En 1949 le gouvernement cherche un symbole fort pour redorer l'image industrielle de l'Espagne, il est donc demandé à l'ENASA, sous la marque Pegaso, de construire une voiture de sport...
Dans le but de faire briller l'industrie espagnole une grande partie de cette voiture de sport sera fabriquée en Espagne avec peu de sous-traitance extérieure. Les coûts de production en petite série étant très élevés, Pegaso se tourne vers une voiture de sport haut de gamme et de haute qualité afin de justifier le prix final. Le premier projet d'une berline de luxe Z 101 doté d'un V12 de 4,5l est abandonné. Après quelques années d'études le prototype Z 102 est finalement présenté au Salon de Paris en octobre 1951.
Les très riches clients ont la possibilité de faire habiller leur Pegaso Z 102 par quatre carrossiers, l'Enasa lui-même, le carrossier français Saoutchik, l'italien Touring ou le catalan Serra. Le châssis type 102 sera ainsi décliné sous forme de coupé, de cabriolet ou de spider pour la compétition. Le dessin fait par Medardo Biolino pour l'Enasa est moderne, équilibré mais peu original. Les premiers modèles recevront un pare-brise en V en deux parties puis un plus moderne, en une seule partie. Ils ont la particularité d'avoir des portes antagonistes.
En 1953 le carrossier français Saoutchik fabriquera 16 coupés et 2 cabriolets. Fidèle à lui-même, le designer d'origine ukrainienne Iacov Saoutchik habillera les Pegaso de carrosseries plus baroques et surchargées. Les carrosseries des Pegaso étant en acier, celles-ci sont assez lourdes et Ricart fait appel à son ami Anderloni Bianchi de la Carrozzeria Touring en 1953 afin de pouvoir équiper ses voitures de la fameuse carrosserie Superleggera en aluminium propre à Touring. Le dessin est très peu retouché par Touring mais néanmoins affiné. Il remplace la grille avant par une grande croix chromée, intègre des aérations sur le capot moteur dont le dessin est repris sur le coffre. C'est Touring qui habillera le plus grand nombre de Pegaso Z 102 avec 42 exemplaires. On apprécie notamment la grande sobriété et l'élégance de leur dessin.
La Pegaso Z 102 devant être une vitrine technologique, Wifredo Ricart exploite ce qui se fait de mieux pour concevoir son moteur. La plupart des technologies sont encore très rares sur la route et ne sont utilisées qu'en compétition. Il choisit de fabriquer un magnifique V8, entièrement en aluminium pour limiter le poids, ouvert à 90° avec des chemises amovibles en acier nitruré et des pistons en aluminium forgé. Les culasses disposent de chambres de combustion hémisphériques mais chacune ne comporte que 2 soupapes, dont celles d'échappement sont creuses et remplies de sodium pour améliorer leur refroidissement (solution reprise de chez Alfa Roméo). Ces soupapes sont commandées par 4 arbres à cames en tête qui sont montés sur roulements à aiguilles, la distribution est à cascade de pignons et la lubrification se fait par carter sec et avec un radiateur d'huile. En option, la Pegaso Z-102 pouvait être équipée de quatre carburateur Weber 36 DCF3 à simple ou double corps et même d'un compresseur type Roots soufflant à 0,6 bar. La première version présentée en 1951 cube 2474 cm3 pour une puissance de 140 à 160 ch à 6500 tr/min avec un à deux carburateurs. Avec le compresseur Roots la puissance passe à 200 ch, puis 250 ch avec deux compresseurs. En 1952 la Z 102 B reçoit un moteur dont la cylindrée est augmentée à 2816 cm3 grâce à un alésage de 80 mm au lieu de 75. La puissance est portée à 200 ch à 6500 tr/min pour 243 Nm à 3600 tr/min avec le meilleur taux de compression. Avec le compresseur, celle-ci faisait un bond à 260 ch à 6800 tr/min et 324 Nm à 4000 tr/min. Tous ces beaux V8 espagnols transmettent leur puissance aux roues arrière par une copie de boîte de vitesse ZF à 5 rapports non synchronisés. Là aussi, Pegaso introduit une particularité avec un montage de type transaxle. Ce qui veut dire que l'embrayage reste sur le volant-moteur mais la boite est accolée au pont. Cette technologie, encore très peu utilisée, améliore directement la répartition des masses.
La marque Pegaso s’éteint brusquement en 1958 après avoir fabriqué 84 exemplaires de la Z 102 : 64 berlinettes et 20 cabriolets ou spyders. Les technocrates qui forment le nouveau gouvernement espagnol ont décidé de couper les subventions à l’entreprise automobile.
Je recommande à tous les passionnés de l'automobile et de son histoire les remarquables sites (en anglais) cités ci-dessous. Ils présentent, outre des commentaires et données techniques très complètes, de magnifiques photos sur la production automobile mondiale
ultimatecarpage.com
supercar.net
swisscarsighting.com
mais il y a aussi un site en Hongrois sur lequel il faut se contenter de regarder les photos :
autogaleria.hu
Vous pouvez retrouver d'autres véhicules, tout aussi exceptionnels, dans la rubrique "VOITURES DE LEGENDE" de ce blog ou en vous inscrivant à la Newsletter (voir ci-contre)