Si les ventes annuelles de Ferrari atteignent des sommets (7.500 en 2015, un record), ses prestations en Formule 1 ont laissé à désirer ces dernières années. Ultime titre constructeur en 2008. Et seulement trois Grand Prix arrachés de 2014 à 2015. Score vierge l'année suivante. Un vrai caillou dans la bottine de Sergio Marchionne, à la tête de l'empire Fiat depuis 2004, de Ferrari depuis trois ans. Qu'il a ôté cette saison avec déjà deux victoires de son pilote allemand Sebastian Vettel (Australie, Bahreïn). Difficile, en effet, de vendre l'ADN de la course lorsque les monoplaces rouges sont ridiculisées par des artisans britanniques sur tous les circuits du monde. Devant les micros, le sexagénaire italien a d'abord dénoncé, menacé, trépigné. Avant de prendre les choses en main lorsque le début de la campagne 2016 a tourné au vinaigre.
Réforme des méthodes de management
Pour la gestation de la "progetto 668", la monoplace marquant le 70e anniversaire de Ferrari et l'ouverture d'une nouvelle ère réglementaire en F1 (ailerons et pneus plus larges, notamment), Marchionne s'implique alors personnellement dans tous les secteurs. Quitte à froisser certains ego. Il mène des entretiens à tous les niveaux de la hiérarchie et ne retient pas que le discours des chefs d'équipe. Cherche à savoir d'où vient le manque d'ingéniosité et d'innovation qui semble frapper ses hommes depuis plusieurs années. En conséquence, il restructure le département technique et réforme les méthodes de management afin de laisser s'exprimer les individus et les personnalités.
Bouquet d'astuces
Le boss identifie vingt ingénieurs de talent autrefois brimés par une organisation trop hiérarchisée et leur donne carte blanche. Il change le format et la durée des réunions. Il tient à casser la tradition selon laquelle chaque membre du bureau d'études garde la tête basse afin de ne pas devoir assumer un éventuel échec. Rapidement, trois faiblesses sont identifiées : l'aérodynamique, l'utilisation des pneumatiques et la fragilité de la boîte de vitesses. Les bases de 2017 sont alors posées. Le directeur technique s'oppose aux changements? Il le met dehors : "On n'a pas besoin de stars britanniques", sera son seul commentaire ; James Allison trouvera alors refuge chez Mercedes. Le directeur de l'aérodynamique tousse à son tour? Il le renvoie.
Lors de sa présentation officielle, fin février, la nouvelle voiture est un bouquet d'astuces. Pour la première fois depuis l'ère Todt-Schumacher, Ferrari mène aux points de la créativité. "Même à l'arrêt, elle semble rapide", commente Kimi Räikkönen, dernier champion du monde en rouge (2007). Dès ses premiers tours de roue, la voiture confirme. Résultat : après quatre Grands Prix la Scuderia a repris des couleurs. Au volant d'une SF70H qu'il surnomme affectueusement "Gina", Sebastian Vettel a terminé deuxième en Espagne et reste leader du championnat.
Comme le Vatican
Qu'en dit le boss? "Era ora" : il était temps. "Nous pouvons désormais causer quelques soucis à Mercedes. Mais pas question de se relâcher ne serait-ce qu'une seconde." Il laisse les journalistes italiens échafauder des thèses fumeuses sur les possibles triches qui expliqueraient le sursaut de leur équipe nationale (plancher déformable, combustion d'huile moteur pour booster la puissance). Il impose un black-out médiatique afin de protéger la structure de toute pression extérieure. Les déclarations officielles sont à peine murmurées. Tout juste si le vrai patron sportif de la Scuderia, Maurizio Arrivabene, a voix au chapitre. Vettel se confie du bout des lèvres : "Nous avons effectué un grand pas en avant côté moteur cet hiver. La voiture est saine et rapide. Mais ce n'est pas le plus important. Depuis l'année dernière, nous travaillons en équipe. Les choses fonctionnent naturellement." Gina correspond à son style de pilotage, train arrière planté dans l'asphalte.
Autoritaire, capricieux, mégalo, Sergio Marchionne pourrait être sur le point de réussir son pari. Seule ombre au tableau : malgré sa volonté de murmurer à l'oreille du cheval cabré jusqu'en 2021, le patron serait menacé. Car il le sait, le succès attise les convoitises. Et comme le Vatican, Ferrari fait le nid des intrigues. La rumeur lui donne quelques mois avant de raccrocher, à bientôt 65 ans. Plus qu'il n'en faut pour remettre la vieille dame de Maranello en piste.
Informations MONTESQUIEU-VOLVESTRE, FRANCE, MONDE : Vous souhaitez être informé régulièrement sur les nouveautés mise en ligne sur ce Blog, inscrivez vous à la Newsletter (voir dans la colonne ci-contre)