Lundi dernier tout semblait aller pour le mieux entre le Royaume Uni et l’Union Européenne. L’accord permettant enfin d'avancer dans les longues discussions sur son départ de l'Union européenne paraissait quasiment ficelé et ce n’était plus qu’une question de jours !... Mais une concession de Theresa May a mis le feu à sa majorité et menace maintenant l'unité du pays.
Un accord presque conclu
Lundi matin, tout semblait enfin au beau fixe : il devait s'agir d'une étape cruciale, Britanniques et Européens étaient prêts à enfin conclure un accord et commencer à discuter sur le volet commercial du Brexit. A 13h50, les agences de presse signalaient enfin, après des mois sans avancées : "Brexit : l'UE et Londres proches d'un accord". A l'issue de la journée de discussions, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, annonçait qu'il n'avait pas "été possible d'arriver à un accord complet" tout en précisant que ce dernier devait voir le jour "dans le courant de la semaine". Et puis, tout s'est très vite effondré.
Cet accord repose sur trois piliers :
** Le règlement financier de l'ardoise que laisse le Royaume-Uni en quittant l'Union. Le Royaume-Uni a accepté de payer une facture de 50 Milliards d’Euros. Insuffisant pour Bruxelles qui affirme que les comptes ne sont pas soldés mais beaucoup trop pour les amis de Theresa May qui l’accusent de céder face à l’UE
** La question des droits des citoyens européens sur le territoire britannique une fois le Brexit opéré. Un accord semble avoir été trouvé sur ce délicat problème.
** La difficile résolution du dilemme sur la frontière irlandaise. Avec le Brexit, la frontière séparant l'Irlande de l'Irlande du nord (qui fait partie du Royaume-Uni et donc quitterait l'UE) serait à nouveau une véritable démarcation entre les deux entités. La réapparition de postes-frontières affaiblirait ces deux économies imbriquées et fragiliserait, selon Dublin, l'accord de paix de 1998, qui a mis fin à trente années d'un conflit sanglant.
Les alliés de Theresa May ne veulent pas de l'accord
Sauf que le Royaume-Uni a été contraint de reculer sur le dossier de l'Irlande du Nord. La cause ? Dans les discussions sur le dossier irlandais, Theresa May a accepté de faire une concession aux Européens : elle s'est engagée à garantir un alignement réglementaire entre les deux Irlande, pour permettre aux citoyens de circuler librement sur l'île. Une exigence de Dublin, qui menaçait de voter contre l'accord UE-Royaume-Uni. Sauf que cette concession a fait l'effet d'une bombe, qui menace désormais l'unité du gouvernement de Theresa May, et même du Royaume-Uni.
Pour comprendre ce nouveau rebondissement, il faut revenir à la constitution difficile du gouvernement de Theresa May après les catastrophiques élections générales de juin dernier. Les alliés que la Première ministre a choisis sont les membres du petit parti loyaliste nord-irlandais du DUP. Loyalistes (ou Unionistes), c’est-à-dire qu'ils sont favorables au maintien de l'Irlande du Nord dans le Royaume-Uni. Résultat, ils sont fermement contre cette proposition : "Nous n'accepterons aucune forme de divergence réglementaire qui séparerait économiquement ou politiquement l'Irlande du Nord du reste du Royaume-Uni", a répondu Arlene Foster, patronne du DUP.
L'Ecosse et le Pays de Galles veulent aussi un statut particulier
Et comme la majorité de la chef du gouvernement est vraiment fragile, certains conservateurs, de son propre parti, ont donc soutenu la position de la Nord-irlandaise. Theresa May a donc cherché à rassurer son alliée lundi. Mais, en réalité, c'est une petite boite de Pandore qu'a ouverte la chef du gouvernement. Car, en plus des Unionistes nord-irlandais, ce sont ensuite les gouvernements du Pays-de-Galles et de l'Ecosse qui ont profité de la brèche.
Les deux nations constitutives du Royaume-Uni (tout en étant opposées à la vision du DUP) aimeraient bien profiter des dérogations prévues pour l'Irlande du Nord : "Si une partie du Royaume-Uni peut garder un alignement réglementaire avec l'UE et rester dans le marché unique (ce qui est la bonne solution pour l'Irlande du Nord), il n'y a sûrement aucune raison pratique à ce que d'autres ne puissent le faire", a expliqué Nicola Sturgeon, la première ministre de l'Ecosse. Même sentiment chez Carwyn Jones, au Pays de Galles. Puis à Gibraltar. Et aussi chez Sadiq Khan, maire de Londres, qui a poliment rappelé le vote des Londoniens contre le Brexit…
Le chaos ?
"Nous sommes très proches mais nous n'y sommes pas encore", a déclaré mardi à Bruxelles le ministre britannique des Finances Philip Hammond, tout en se disant "très confiant". Le ministre a précisé que Theresa May reviendrait à Bruxelles "plus tard dans la semaine".
Source : LeJDD.fr 05-12-2017