Le quotidien « Le Parisien » dévoile lundi 5 juin un avant-projet de loi de l'exécutif sur sa réforme du Code du travail, qu'il veut mettre en œuvre par ordonnances. Ce "document de travail", selon Matignon, détaille plusieurs pistes : la redéfinition des contrats de travail par accord d'entreprise, l'instauration de barèmes aux Prud'hommes voire la refonte de l'assurance chômage.
S’git-il d’un ballon d’essais lancé par l’exécutif ou d’une fuite malheureuse ? Le quotidien précise qu’il s’agit « d’une version de travail de dix pages et daté du 12 mai 2017 ». Il relève toutefois que certains thèmes "vont bien au-delà des éléments annoncés par Emmanuel Macron jusqu'à présent". L'exécutif envisage de mener ces réformes par ordonnances afin d'aller plus vite qu'une loi discutée au Parlement. En introduction, le document précise néanmoins que les sujets qu'il évoque ne "doivent pas forcément donner lieu à ordonnances", ce ne serait même "ni possible ni souhaitable", précise-t-il. Les chantiers sont donc définis par priorité.
Le cabinet du Premier Ministre a assuré lundi qu'il s'agissait d'un simple "document de travail, qui date d'avant l'annonce de la composition du gouvernement" et ne "l'engage donc" pas. Avant cela, le ministère du Travail avait lui aussi relativisé la portée de ce texte, en précisant que cette fuite "n'émane pas du gouvernement". "Suite aux consultations récentes avec les partenaires sociaux, la ministre du Travail Muriel Pénicaud leur adressera comme prévu un programme de travail mardi 6 juin en fin de journée qui servira de base à la concertation qui aura lieu durant les prochaines semaines", poursuit le communiqué de la rue de Grenelle. Réponse donc ces prochains jours pour connaître le texte "officiel" de cette réforme. En attendant, voici les principales pistes couchées sur papier par l'équipe d'Emmanuel Macron.
Favoriser les accords d'entreprises, y compris sur les CDI et CDD
La première ordonnance envisagée est sans doute la plus importante pour le gouvernement et conforme à la promesse d'Emmanuel Macron pendant la campagne électorale : l'objectif est d'adapter au niveau des entreprises les règles légales régissant le contrat de travail. Les conditions de licenciement en CDI, notamment, sont fortement encadrées par la loi. Il s'agirait donc ici de revoir ce cadre en le soumettant à un accord d'entreprise. Il en va de même pour le recours au CDD, qui doit répondre à un certain nombre de points. De façon moins prioritaire, le gouvernement pourrait également renvoyer à ces accords d'entreprise la redéfinition des horaires de nuit (aujourd'hui entre 21h et 6h), qui pourraient être raccourcies, ou des niveaux de salaires, puisqu'ils sont actuellement fixés en fonction des accords de branche.
Revoir les barèmes des condamnations aux Prud'hommes
Ce sujet sensible - la loi El Khomri avait reculé sur ce point - est notamment porté par le Médef : le gouvernement envisage dans une deuxième ordonnance d'instaurer "un plafond et un plancher" pour le montant des dommages et intérêts versés au salarié, en cas de condamnation de son entreprise aux Prud'hommes. Les montants en question ne sont pas ici précisés. Cette réforme est toutefois estampillée "prioritaire" dans cet avant-projet de loi.
Des référendums d'entreprise convoqués aussi par l'employeur
En cas de refus des syndicats majoritaires de conclure un accord avec l'entreprise, il était possible avec la loi El Khomri que d'autres syndicats convoquent un référendum d'entreprise pour le soumettre aux salariés. Le gouvernement envisage d'élargir cette possibilité à l'employeur lui-même.
Des accords de branche moins importants
C'est le pendant logique aux accords d'entreprises que veut mettre en avant le gouvernement : le quatrième projet d'ordonnances veut redéfinir la place des accords de branche. Comprenez par là lui enlever sa primauté. L'esprit de cette réforme est toujours de coller au plus près à chaque situation. « Le Parisien » rappelle qu'il y a actuellement six thèmes de négociations obligatoires dans la branche sur lesquels les employeurs ne peuvent pas déroger à la baisse, comme les salaires, la pénibilité ou l'égalité hommes-femmes.
Revoir les institutions représentatives du personnel
L'exécutif pourrait envisager de fusionner en une seule instance les institutions représentatives du personnel, à savoir le comité d'entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). « Le Parisien » se demande notamment s'il ne s'agit pas d'une remise en cause du CHSCT, qui peut aller en justice et lancer des enquêtes ou des expertises.
La création d'un chèque syndical
Cette sixième ordonnance vise plutôt à favoriser les syndicats, puisqu'elle envisage la création d'un chèque syndical pour que les salariés puissent accorder au syndicat de leur choix des ressources supplémentaires, financées par l'employeur. Elle souhaite également renforcer la formation des représentants de salariés et de lutter contre la discrimination syndicale quand il s'agit d'évoluer dans l'entreprise.
Mieux représenter les salariés dans les conseils d'administration
L'idée est ici d'inciter les entreprises à augmenter le nombre de salariés dans ses conseils d'administration. Les conditions ne sont pas précisées et cette disposition pourrait se heurter avec le statut juridique des entreprises.
L'assurance chômage financée par l'impôt?
Non-attendue, cette huitième et dernière ordonnance pourrait revoir en profondeur le système d'assurance chômage, en le faisant reprendre en main par l'Etat - au lieu des partenaires sociaux - et financé par l'impôt. Les démissionnaires pourraient obtenir ce droit à l'indemnisation, même si les contreparties à ce financement ne sont pas encore définies. Ce chantier est toutefois jugé "non prioritaire" dans ce document et pourrait être mis de côté.
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