Le nouveau canal de Suez sera inauguré jeudi en Egypte. François Hollande sera invité d'honneur, et trois Rafale français survoleront le site.
Personne ne connaît Amir Abou Zaid. Il est juste un petit homme tout en rondeur à qui on a confié la tâche titanesque, il y a deux mois seulement, dans la ville d'Ismailia, de faire pousser de l'herbe là où c'est impossible, de construire, déconstruire, innover et réparer l'avenue Al-Daeri, que doivent emprunter les dignitaires du monde entier, jeudi 6 août, pour l'inauguration du nouveau canal de Suez. Amir n'est qu'un minuscule rouage de cette entreprise pharaonique. Mais il est à lui seul un symbole. Il représente aujourd'hui tous les Égyptiens. La main sur le cœur, le regard empreint d'une fierté retrouvée, il dit : "Le canal de Suez, c'est l'histoire de notre pays, c'est une relation d'amour."
La fierté du peuple égyptien
Fédérer le peuple après quatre années de bouleversements, voilà ce que voulait le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi. Pari momentanément gagné. À moins d'une semaine du jour J, le pays est entré dans une sorte de transe, au début certes factice, mais qui, à l'approche de l'événement, semble revêtir les accents d'une réelle sincérité. Tampon spécial "nouveau canal" à l'arrivée à l'aéroport, drapeaux estampillés "New Suez Canal" accrochés partout au Caire ou sur les principales artères d'Ismailia. Le discours de Gamal Abdel Nasser, le président qui a nationalisé le canal en 1956, tourne plus que jamais en boucle à la télévision égyptienne. Les artères du canal version XXL irriguent le cœur de tous les habitants. Même le cheikh Mahmoud Azzam, l'oncle d'Ayman Al-Zawahiri, le leader d'Al-Qaïda, islamiste entre les islamistes, voit en ce projet porté par Al-Sissi un "renouveau pour le pays et les Égyptiens". C'est dire à quel point le nouveau canal de Suez fédère.
La France à l’honneur
Jeudi 6 août au soir, trois Rafale français vont survoler le "nouveau canal de Suez". En 1869, la princesse Eugénie assistait à l'inauguration du canal. Aujourd'hui, pour son élargissement et son doublement, le président Hollande sera l'invité d'honneur de la cérémonie. "C'est un moment important en Égypte, affirme-t-on dans l'entourage de l'Élysée. D'autant que Le Caire a retrouvé un caractère incontournable sur le plan régional."
La France a aussi retrouvé le chemin de l'Égypte. Le renversement puis l'emprisonnement à l'été 2013 du président Morsi, élu démocratiquement, et la prise de pouvoir du maréchal Al-Sissi avaient jeté un froid dans les relations bilatérales. Mais il est difficile d'ignorer longtemps ce poids lourd démographique (85 millions d'habitants), voisin d'une Libye en plein chaos sur sa frontière ouest et bousculé par Daech dans la péninsule du Sinaï à l'est. La vente au Caire en février de 24 avions de combat Rafale et d'une frégate multimissions est venue sceller le réchauffement des relations. Même si Paris reste réservé sur "le prisme sécuritaire extrafort qui conduit à réprimer massivement les Frères musulmans et la répression qui nourrit le radicalisme qu'elle veut éradiquer".
Source : leJDD.fr 02-08-2015