Le projet de loi constitutionnelle adopté jeudi 28 janvier dernier par la commission des Lois de l’Assemblée nationale a suscité un vif débat, notamment sur l’extension de la déchéance de nationalité. Une réforme voulue par François Hollande qui occupe le débat politique depuis plus d’un mois alors qu’il y a beaucoup d’autres sujets prioritaires a traiter..Une réforme qui pourrait bien sonner le glas de son quinquennat si elle n’était pas adoptée au final par le Congrès assemblé à Versailles !..
La commission des Lois de l’Assemblée nationale a adopté jeudi 28 janvier le projet de réforme constitutionnelle défendu par le gouvernement. Le texte contient l’inscription dans la Constitution de l’état d’urgence et de l’extension de la déchéance de nationalité. Explications.
1. Déchéance de nationalité : ce que veut faire le gouvernement
C’est l’inscription de l’extension de la déchéance de la nationalité qui a provoqué le plus de débats. Il faut d’abord rappeler que la déchéance de nationalité est déjà inscrite dans l’article 25 du Code civil : les binationaux qui ont acquis la nationalité depuis moins de dix ans sont concernés.
Le gouvernement souhaitait la rendre applicable pour tous les binationaux, y compris ceux qui sont nés Français. Des voix ont alors accusé l’exécutif de créer deux catégories de Français en faisant des binationaux des citoyens différents des autres. Dans l’objectif de parvenir à un consensus, le gouvernement a proposé mercredi 27 janvier dernier d’élargir la déchéance à toute personne qui dispose de la nationalité française. Mais évidemment on ne parle plus de déchéance de « nationalité ». Un genre d’entourloupe de vocabulaire qui semble-t-il calme les ardeurs des plus réticents ?..
2. Le problème des apatrides
La loi Guigou de 1998 relative à la nationalité interdit de créer des apatrides. Impossible de déchoir de sa nationalité un individu uniquement français. Le gouvernement a donc retravaillé le texte en ajoutant la possibilité de déchoir un individu "des droits attachés" à la nationalité. Mais un condamné binational pourra perdre sa nationalité française tandis qu’un condamné uniquement français perdra justes certains droits, comme par exemple le droit de vote ou le droit d’être employé de la fonction publique.
On voit alors de façon évidente que ce type de modification constitutionnelle est purement « symbolique. Un symbole qui tourne d’ailleurs au ridicule. Penser qu’un individu né Français et condamné pour acte de terrorisme va être empêché de voter et d’être employé dans la fonction publique c’est un concept digne du « Canard Enchainé »..
3. Pourquoi déchoit-on une personne de sa nationalité ?
Le texte précise que la déchéance de nationalité concerne des personnes "condamnées pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation." Mais à quel moment un crime ou un délit devient-il une atteinte grave à la vie de la Nation?
Aujourd’hui, l’article 25 du Code civil définit les conditions de la déchéance pour les naturalisés. Dans le cadre de la révision constitutionnelle à venir, le Parlement devra redéfinir quels actes ont pour conséquence la perte de sa nationalité. "Cela ne fait pas référence uniquement aux actes terroristes. Il y a plusieurs autres crimes et délits qui peuvent entrer dans cette catégorie même si ça implique quand même un certain niveau de gravité", précise Serge Slama, maître de conférences en droit public à l'Université Paris Ouest Nanterre, CREDOF.
De son coté, Manuel Valls affirme que cela "se limite strictement au terrorisme et aux formes graves d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation." Encore un beau débat en perspective sur un sujet qui ne le mérite pas..
4. L’état d’urgence, une mesure déjà dans la loi
L’inscription de l’Etat d’urgence dans la Constitution reprend quasiment mot pour mot une loi votée en 1955, dans le contexte de la guerre d’Algérie, en réponse à une série d’attentats perpétrés par le Front de libération national (FLN) : "L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire (…), soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique."
Concrètement, en cas de menace, qu’elle soit naturelle ou provoquée par des individus, l’Etat d’urgence confère à la police des pouvoirs exceptionnels, sous l’autorité des préfets et du ministre de l’Intérieur. Ceux-ci peuvent ainsi prendre des mesures limitant les libertés publiques. Par exemple, interdire la circulation d’une personne, interdire des rassemblements, limiter l’accès à certains lieux publics ou encore mener des perquisitions de jour comme de nuit.
5. L’état d’urgence sans fin?
Dans son application, l’état d’urgence est décrété par le Conseil des ministres pour une durée de douze jours. "La prorogation de l’état d’urgence au-delà de cette période ne peut être autorisée que par la loi. Celle-ci en fixe la durée", détaille le texte, qui reprend là encore un article de la loi de 1955 et ses modifications ultérieures. C’est donc au Parlement de décider ou non de la prolongation de l’état d’urgence.
Dans le délai des douze jours, il doit se prononcer sur la prolongation mais aussi fixé sa durée. Le texte ne précise aucun plafond pour la durée d’application de l’état d’urgence ni de justification pour sa prolongation. "Le texte devrait être plus précis. Il devrait notamment conditionner le maintien de l’état d’urgence au maintien du péril ou de la calamité qui l’a justifié douze jours avant", remarque Serge Slama. Critiqué sur ce point, Manuel Valls tente de rassurer en affirmant que le régime d'état d'urgence est "un régime d'exception, nécessairement borné dans le temps".
Source - leJDD.fr 29-01-2016