Manuel Valls a pris de cours tous les observateurs et commentateurs politiques en annonçant, à la fin du Conseil des Ministres de mercredi 16 avril, le détail du pacte de responsabilité et solidarité. Il a ainsi avancé les annonces de près d’une semaine avec plusieurs objectifs : d’abord montrer qu’il est le seul maitre du calendrier ensuite en mélangeant très habilement pacte de responsabilité et pacte de solidarité il calme les ardeurs de la gauche du PS mais tente aussi de rassurer Bruxelles. En tous cas Manuel Valls a amorcé mercredi un grand renversement pour la gauche.
Un grand coup de rabot sur les dépenses, un grand renversement pour la gauche. Le plan de rigueur annoncé mercredi 16 avril par Manuel Valls prend à revers la politique économique et sociale du PS, celle-là même qui avait servi de référence à François Hollande pendant sa campagne présidentielle. Pour la première fois, un Premier ministre socialiste est contraint de s’attaquer aux prestations sociales et aux allocations, dans des proportions inégalées. Le totem redistributeur du PS est ainsi ébranlé par le poids de la dette. "Je dois la vérité aux Français. Nos dépenses publiques représentent 57% de la richesse nationale. Nous en pouvons pas vivre au–dessus de nos moyens", a dit Manuel Valls, utilisant des mots que ne renieraient aucun centriste, ni aucun leader de centre-droit. Un vocabulaire qui rappelle le titre d’un ouvrage de François Fillon, "la France peut supporter la vérité".
La principale novation du plan de rigueur est bien le gel jusqu’en octobre 2015 des retraites, des allocations logement et des allocations familiales. Une mesure d’ampleur inédite. Même le coup de pouce au RSA promis par Jean-Marc Ayrault est reporté. Cela n’est pas comparable aux mesures mises en œuvre en Grèce, où des baisses eurent lieu, mais cette stagnation va priver les bénéficiaires de gains de pouvoir d’achat. Ils en seront de leur poche. Par exemple, les APL ne bougeront pas tandis que les loyers, eux, continueront d’augmenter.
Taxer les riches pour aider les pauvres, un classique
Manuel Valls avait-il vraiment le choix? L’exécutif a renoncé aux coupes claires et il a voulu répartir les efforts le plus largement. "Il n’y aura pas deux poids, deux mesures", a martelé le chef du gouvernement. Sachant qu’un tiers des revenus des Français (oui, un euro sur trois) provient de la redistribution, essentiellement des retraites, le gel était la décision la plus simple. Elle ne vient pas de nulle part : la Cour des Comptes l’avait préconisé. Seuls y échappent les plus pauvres, qui perçoivent le RSA ou le minimum vieillesse, ces aides continuant d’augmenter au rythme de l’inflation.
Le Premier ministre opère un demi-tour par rapport au début du quinquennat. François Hollande pensait que les hausses d’impôts suffiraient à redresser les comptes, et que l’opinion les accepterait si elles étaient concentrées sur les plus aisés. Taxer les riches pour aider les pauvres, du grand classique. Aujourd’hui, Manuel Valls change de paradigme. Il va - symboliquement - prendre du pouvoir d’achat aux inactifs (les retraités) pour le donner au actifs (les salariés au Smic) avec la ristourne à venir sur les cotisations sociales et les baisses d’impôts au bas du barème. En creux, c’est une forme de réhabilitation de la valeur travail.
La croissance, ce problème non résolu
Ce faisant, le gouvernement procède davantage à des mesures de rigueur qu’à des réformes structurelles. Le périmètre de l’Etat et de la Sécurité sociale est inchangé. Aucun opérateur public n’est privatisé. Aucun fonctionnaire licencié. Les acquis sociaux ne sont pas bouleversés. Manuel Valls prend un risque politique majeur, qui n’épargnera pas à la gauche une déroute aux européennes, mais il tente de préserver l’avenir.
Son seul véritable écueil économique est la croissance. Si elle n’est pas au rendez-vous, le cauchemar du ras-le-bol fiscal reviendra, sous une autre forme. Les Français auront encore le sentiment de faire des efforts pour rien. Tout le pari de l’exécutif est que l’investissement va repartir et la consommation se maintenir, même si les allocations sont cristallisées. Le sort du gouvernement Valls repose désormais dans les mains des chefs d’entreprises et des consommateurs modestes.
Source : leJDD.fr 16-04-2014
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