C'est un effort "juste" qu'a demandé Manuel Valls aux Français le 16 avril dernier. Il n'en reste pas moins que la facture du Premier ministre s'avère bel et bien salée. Sans compter que les spécialistes n'arrivent à retracer encore que 17 milliards d'économies sur les 50 annoncés d'ici 2017. En effet, si les grandes têtes de chapitres ont été chiffrées, le détail des économies ne concerne que les dépenses de protection sociale. Le reste se limite à des grands principes ou à des promesses d'économies à long terme. Par définition, difficilement quantifiables. Donc malgré les promesses de « parler vrai » il reste encore beaucoup de zones d’ombres dans le plan présenté par le Premier Ministre. De quoi inquiéter les Français alors que l’objectif était de leur redonner confiance ….
"Nous ne sommes qu'au début du processus de communication, estime Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne. Mais ce n'est pas vraiment le choix du changement. C'est un choix de rabotage, une solution de facilité".
En effet si l’on examine chacun des chapitres évoqués par manuel Valls on y trouve bon nombre de doutes qui planent toujours au-dessus de l'avenir de la dépense publique.
Sur la part de l'Etat (18 milliards)
"L'Etat prendra toute sa part, avec 18 milliards d'euros" d'économies, a indiqué mercredi 16 avril le Premier ministre. Concrètement, aucune évaluation chiffrée ne vient étayer le propos de Manuel Valls. Ce que l'on sait c'est qu'il s'agira de s'attaquer aux "dépenses immobilières, à la mutualisation des fonctions supports et à la réduction du train de vie de l'Etat", a précisé le Premier ministre. Le détail, ministères par ministères ne sera connu qu'après l'envoi des lettres de cadrages, d'ici cet été.
Autre élément présenté par Manuel Valls, les agences de l'Etat (APCE, Méteo France...). Là encore, elles seront "rationalisées" et verront leurs dépenses de fonctionnement "revues à la baisse". Ces agences sont en fait dans le viseur des pouvoirs publics. En 2010, l'Etat a déjà vendu le siège historique de « Météo France » et ces derniers mois, c'est l'Agence pour la création d'entreprises qui est dans le collimateur (son avenir est en sursis, écrivait « Le Monde » mercredi).
Mais sur les 18 milliards d'euros annoncés, quelles économies réelles sont encore possibles? La plupart des cibles potentielles étaient déjà mentionnées dans le Budget 2014, où l'Etat s'était engagé dans une réduction de 9 milliards d'euros. A vrai dire, la seule mesure d'économie annoncée officiellement par Manuel Valls a été le maintien du gel du point d'indice des fonctionnaires jusqu'à la fin du quinquennat. Et c'est bien le seul point quantifiable pour le moment: soit 1,8 milliard d'euros par an selon « Le Figaro ». Reste une zone d'ombre de plus de 12 milliards à éclaircir...
« Ce qui m'inquiète », commente Laurent Bigorgne, « c'est qu'il n'y a aucune réforme de structure. Quand on sait que les hypothèses de croissance du gouvernement sont vraiment audacieuses, ça demandait davantage des précisions. Pour faire un chiffrage de désindexation, on n'a pas besoin de trois mois, mais plutôt de trois heures ».
Sur les dépenses de protection sociale (11 milliards d'euros)
C'est le seul domaine où le compte du gouvernement est bon. Pour l'essentiel, il entend geler les revalorisations de la plupart des prestations sociales. Retraites, allocations familiales, aide au logement, garde d'enfants ne seront pas indexées sur l'inflation jusqu'en octobre 2015. Mécaniquement, c'est donc 1,3 milliard d'économies sur les pensions du régime de retraite de base et 2 milliards rien que sur les retraites complémentaires.
Par ailleurs, les caisses de sécurité sociale sont appelées à dégager "1,2 milliard d'économies en exploitant la dématérialisation, la simplification et la meilleure articulation entre les différents organismes". Enfin, le gouvernement compte sur les réformes déjà en cours (famille, retraites, Agirc-Arrco) pour dégager 3 milliards supplémentaires, ainsi que sur la récente signature de la réforme de l'assurance-chômage (2 milliards d'euros). Soit au total les 11 milliards promis.
Là encore Laurent Bigorgne se montre critique : « Dès lors que l'on désindexe ou que l'on gèle, vu les assiettes considérables que représentent les retraites par exemple, les rendements sont importants. Mais les problèmes ne sont pas réglés pour autant. Je ne pense pas que le gouvernement soit en panne d'innovation, mais il y a des dizaines de travaux et d'études sur la table pour les inspirer."
Sur les collectivités locales (11 milliards d'euros)
Lors de son discours de politique générale, Manuel Valls avait annoncé la fusion à venir des régions, histoire de diviser par deux la couche régionale du millefeuille territoriale. . Problème, cette simplification n'est pas forcément synonyme d'économies massives. Pourtant, c'est bien 11 milliards d'euros que les communes, départements et régions sont censés dégager d'ici la fin du quinquennat. Pour cela, le gouvernement attend beaucoup de la loi sur la décentralisation qui doit permettre "des mutualisations entre les communes et les intercommunalités".
En attendant, l'Etat va continuer à couper dans les subventions selon « Le Figaro ». "Les dotations représentant 23% du budget des collectivités, les réduire ne peut qu'inciter les élus locaux à être plus économes. Sauf qu'il y a un risque : que les élus préfèrent augmenter les impôts locaux plutôt que de tailler dans les dépenses", note le quotidien. Reste que la situation des municipalités est fragile. "Les élus n'ont pas de marge fiscale, ils ne peuvent emprunter plus et les dépenses de personnel représentent plus de la moitié du budget des villes", expliquait aux Echos ce matin le maire PS du Mans, Jean-Claude Boulard. En résumé, encore une fois, si le chiffrage des économies attendues par le gouvernement sur les collectivités locales est connu, le détail pour y parvenir est encore bien flou.
Sur l'Assurance-maladie (10 milliards d'euros)
Engagée depuis longtemps sur sa "stratégie nationale de santé" (SNS), Marisol Touraine est sortie du remaniement regonflée (et surtout confortée) avec un objectif précis: maintenir sur les rails le budget de la Santé. Là encore, les 10 milliards d'euros d'économies relèvent d'une trajectoire. Manuel Valls propose de "mieux organiser le parcours de soins". Pour cela, le Premier ministre mise par exemple sur la chirurgie ambulatoire, à savoir limiter les hébergements systématiques post-opératoires pour privilégier le retour à domicile du patient après intervention.
Ainsi, dans un rapport publié en septembre 2013, la Cour des comptes soulignait le faible développement de la chirurgie ambulatoire en France. Les Sages rappelaient que les économies attendues pour l'assurance-maladie pouvaient atteindre, à terme, 5 milliards d'euros.
En revanche, sur l'épineux dossier des médicaments, le gouvernement souhaite maintenir la pression en "optimisant" la dépense "par une consommation plus raisonnée, avec un plus grand recours au générique". Mais il ne précise pas ses intentions.
Il faut dire que les négociations entre l'Etat et les entreprises du médicament sont tendues. Les médicaments remboursables représentant chaque année, près des 3/4 du chiffre d'affaires du secteur en France.
Source : L’EXPANSION.fr 17-04-2014
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