François Hollande veut réviser la Constitution pour durcir l'état d'urgence, notamment en allongeant sa durée de trois à six mois. Mais des voix hostiles se font entendre, à gauche comme à droite.
L'été en France sous état d'urgence ? Ce n'est pas impossible. Matignon a en effet adressé mardi 1er décembre dernier au Conseil d'Etat un texte prévoyant de modifier la Constitution. Objectif : permettre au gouvernement de rendre l'état d'urgence juridiquement plus solide et, surtout, de maintenir certains dispositifs répressifs au-delà des trois mois prévus actuellement par la loi.
Le tout pour faire face à la menace terroriste.
Prolongé avec l'accord des parlementaires à partir du 26 novembre, l'état d'urgence prévu dans la loi du 3 avril 1955 s'étend jusqu'au 26 février 2016. Jusque-là, les pouvoirs de police sont donc renforcés. Mais après ? Entre respect des libertés individuelles et protection des Français, le gouvernement cherche à éviter un régime d'état d'urgence permanent tout en se donnant les moyens d'une lutte antiterroriste au long cours. D'où cette nouvelle formule soumise à l'avis du Conseil d'Etat : « permettre le maintien en vigueur au-delà de trois mois de certaines dispositions individuelles prises dans le cadre de l'état d'urgence », indique-t-on à Matignon.
En clair, il s'agit par exemple de continuer à autoriser plus facilement des assignations à résidence pour les personnes suspectes. Cette prolongation pourrait s'étaler « jusqu'à six mois » et, précise un proche de ce dossier, elle ne porterait que « sur les seuls cas de terrorisme ». De fait, si François Hollande le décidait, l'Euro 2016 organisé en juin pourrait ainsi se dérouler sous le régime de cet état d'urgence « new-look ». Afin d'échapper à toute remise en cause juridique, le président souhaite l'inscrire dans le marbre de la Constitution.
«Il y a un risque de dérive possible, l'Etat de droit est aussi notre force»
Mais ne change pas la Constitution qui veut. S'il veut arriver à ses fins, le président a besoin des 3/5 des voix du Parlement, députés et sénateurs à nouveau réunis en Congrès à Versailles. Or, dans les rangs de la gauche, le malaise est palpable sur la question de la déchéance de nationalité, qui pourrait aussi se trouver au menu de la prochaine révision constitutionnelle. Quant à la possibilité de faire jouer les prolongations à l'état d'urgence, là aussi le gouvernement marche sur des œufs. Certaines voix, pas seulement à gauche, mettent déjà en garde contre « la dérive sécuritaire ». C'est le cas par exemple de Dominique de Villepin. « Il y a un risque de dérive possible », a ainsi mis en garde l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, estimant que « l'Etat de droit est aussi notre force ». Dans la majorité aussi, les critiques affleurent. « L'état d'urgence conduit toujours à des dérapages », avertit l'ex-député PS Julien Dray.
Preuve que le sujet des abus est sensible, les députés se sont dotés hier d'un dispositif permettant un suivi « en temps réel » des mesures exceptionnelles en vigueur depuis quinze jours. Sans vraiment faire frémir le gouvernement. Une fois obtenu l'avis du Conseil d'Etat, la réforme constitutionnelle doit être présentée le 23 décembre en conseil des ministres. Fort de sa popularité retrouvée, auprès d'une opinion demandeuse de sécurité, François Hollande a envie d'avancer vite...
Un nouvel obstacle pourrait également se dresser sur sa route : l’attitude de Christiane Taubira, Garde des sceaux qui, on le sait, et elle n’en fait d’ailleurs pas mystère, est opposée à ce type de virage sécuritaire !..