Lorsque les visiteurs du salon de Turin en octobre 1963 découvrent le petit stand de Lamborghini sur lequel trône une 350 GTV, bien peu d’entre eux, à part peut être quelques agriculteurs italiens qui y ont acheté un tracteur, connaissent cette marque Lamborghini. Ni, encore moins, le patron de la société Ferrucio Lamborghini. Personne non plus ne croit vraiment que le prototype exposé, aux lignes un peu caricaturales, imaginé par Franco Scaglione et construit en toute hâte par Sargiotto de Turin, débouchera un jour sur une voiture sérieuse.
Et pourtant, en y regardant de près, on peut découvrir un ensemble technique particulièrement abouti. Pour la mécanique, rien de moins qu’un V12 en alliage léger de 3,5 litres de cylindrée à quatre arbres à cames en tête, commandés par chaîne triple avec un vilebrequin sur sept paliers et une lubrification par carter sec. Alimenté par six carburateurs double corps, le moteur délivre une puissance maxi annoncée à 360 cv à 8 000 t/mn. Plus de 100 cv au litre !..
Coté suspension la Lamborghini 350 GTV n’est pas en reste. Quatre roues indépendantes à double triangles superposés, freins à disque sur les quatre roues et, pour la transmission, une boite de vitesses ZF à cinq rapports avec embrayage monodisque à sec et différentiel autobloquant. Ce sont pratiquement les caractéristiques techniques d’une voiture de compétition engagée aux « 24 Heures du Mans » !..
Ce que ne savent pas non plus les visiteurs du salon de Turin en 1963 c’est que les concepteurs de cette voiture ont tous moins de trente ans. Gian Paolo Dallara responsable technique a 27 ans ; Paulo Stanzani, le responsable du châssis à 25 ans ; Bob Wallace, le pilote d’essais et metteur au point, le Néo-Zélandais de la bande, a lui aussi 25 ans. Gian Paolo Dallara a débuté chez Ferrari en 1959 puis était passé chez Maserati avant d’être recruté par Lamborghini. Bob Walllace aussi avait fait ses classes chez Ferrari puis Maserati
Pour le moteur, Ferrucio Lamborghini, voulait absolument un V12. Recruter un ingénieur motoriste de chez Ferrari était donc une évidence. Ce sera Giotto Bizzarrini, le vieux loup de 36 ans !.. Il a été metteur au point chez Ferrari où il est à l’origine de la 250 GTO, entre autres. Il a fait partie, avec Carlo Chiti, le Directeur technique et Romolo Tavoni, le Directeur sportif, des cadres de Ferrari qui ont claqué la porte de Maranello en octobre 1961. Il avait entendu dire qu’un certain Lamborghini cherchait un ingénieur pour créer un V12. « J’en avais un dans mes cartons » dira-t-il ; « C’était un 1500 cm3 que j’avais imaginé pour la Formule 1. J’ai augmenté les cotes jusqu’au 3,5 litres que voulait Lamborghini !.. »
L’équipe va travailler d’arrache pied et, en mars 1964, au Salon de l’Automobile de Genève, la première Lamborghini de série, issue du prototype 350 GTV, est présentée sur le stand de la marque sous le nom de 350 GT. On a abandonné le V. Les caractéristiques techniques de la voiture ont légèrement évoluées pour tenir compte en particulier de la principale concurrente : la Ferrari 330 GT. Le prix de la Lamborghini est lui aussi inspiré par la concurrente Ferrari : 5 600 000 lires.
La Lamborghini 350 GT a adopté des carburateurs Weber 40 DCOE moins encombrants afin de baisser le capot. La puissance est désormais de 280 cv à 6500 t/mn pour assurer sans doute une meilleure fiabilité. L’empattement a gagné 100 mm pour passer à 2550 mm. Tout le reste est identique à ce qui avait été présenté sur le prototype quelques mois plus tôt. L’avantage sur Ferrari reste encore le train arrière puisque les 250 GT et 330 GT sont toujours équipées d’un essieu arrière rigide à ressorts semi-elliptiques. Pour un poids à vide de 1350 kg la Lamborghini 350 GT annonce des performances assez exceptionnelles : vitesse maxi de 250 km/heure et 1000 m départ arrêté en 27 secondes.
Coté carrosserie, la Lamborghini 350 GT s’est un peu « civilisée ». Les formes dessinées par Scaglionne ont été retouchées par le carrossier milanais Touring qui prendra également en charge la construction du modèle avec une carrosserie en aluminium et selon sa technique « Superleggera » qu’il a brevetée en 1935
La 350 GT a maintenant des phares ovales en lieu et place des phares escamotables. Le galbe du pavillon a été retouché et pour donner plus de rondeurs à l’ensemble, les vitres latérales sont galbées dans les deux plans horizontal et vertical. Sans doute une première mondiale !..
L’intérieur a été entièrement garni de cuir, y compris la planche de bord. Les finitions sont particulièrement soignées car l’objectif de Lamborghini est très clair : faire mieux que Ferrari !..Une particularité de la 350 GT c’est une 2+1. Un tout petit siège a été logé sur le tunnel à l’arrière. Assez exigu il sera souvent remplacé, sur les voitures de série, par une plate-forme à bagages.
Les ambitions de Lamborghini sont grandes : une usine flambant neuve a été construite à Sant’Agata Bolognese pour produire la nouvelle voiture dont les premiers exemplaires doivent sortir en mai 1964. Le démarrage devra être un peu retardé et la production de 1964 ne sera que de 25 exemplaires. Les débuts sont difficiles car les investissements ont sans doute dépassés les prévisions et les premières voitures sont vendues à perte..
Cependant dès les premiers essais effectués par la presse, les journalistes ne tarissent pas d’éloge : "un superbe moteur", "visibilité réellement exceptionnelle", "finition fort luxueuse", "aucune voiture ne nous a jamais procuré une telle sensation d'équilibre au-dessus de 200 km/h", "elle ne mérite que des éloges, dégageant une impression d'homogénéité tout à fait remarquable". Tout le monde s’accorde à dire qu’une nouvelle grande marque est née et que Ferrari a désormais une rivale !..
Il sera construit 120 Lamborghini 350 GT entre 1964 et 1966. Les dernières voitures seront légèrement modifiées au niveau de la calandre pour annoncer une version 400 GT 2+2. La 350 GT sera également déclinée en spider 350 GTS par Touring et présentée au Salon de Turin en 1965 mais il n’en sera fabriqué que deux exemplaires l’un présenté sur le stand de la carrosserie Touring et l’autre sur le stand de Lamborghini. Zagato tentera également la construction d’un spider dérivé de la 350 GT mais il n’en sera construit qu’un seul exemplaire la 3500 GTZ.
La voiture présentée ici est celle qui trônait dans le stand Lamborghini lors du salon de Turin de 1965.
Je recommande à tous les passionnés de l'automobile et de son histoire les remarquables sites (en anglais) cités ci-dessous. Ils présentent, outre des commentaires et données techniques très complètes, de magnifiques photos sur la production automobile mondiale
ultimatecarpage.com
supercar.net
swisscarsighting.com
mais il y a aussi un site en Hongrois sur lequel il faut se contenter de regarder les photos :
autogaleria.hu
Vous pouvez retrouver d'autres véhicules, tout aussi exceptionnels, dans la rubrique "VOITURES DE LEGENDE" de ce blog ou en vous inscrivant à la Newsletter (voir ci-contre)