Mercredi 30 juillet au soir, à minuit, l'Argentine devrait se déclarer en défaut de paiement. Une situation inédite qui rappelle au pays ses pires années de crise.
L'Argentine a longtemps été dans la perspective de rejoindre le club des pays émergents… jusqu'en 1999. Depuis, une crise sans fin s'est emparée du pays, qui s'est trouvé en situation de faillite en janvier 2002. Malgré la reprise, Buenos Aires n'est jamais parvenu à solder sa dette. A tel point que mercredi 30 juillet au soir, sous la pression de créanciers surnommés les "fonds vautour", l'Etat argentin pourrait de nouveau se déclarer en défaut de paiement.
Les origines de la crise
Pour comprendre la situation, il faut remonter quinze ans en arrière. En 1997, se déclenche une crise financière au Japon. Par effet domino, les économies sud-américaines en ressentent les effets en 1999. L'Argentine entre inévitablement en récession, mais le contexte international n'en est pas la seule cause. En effet, l'Argentine a mis en place quelques années plus tôt un système de parité monétaire (1 peso=1 dollar). Quand la valeur du dollar est brutalement relevée par la banque centrale américaine en 1998, Buenos Aires doit multiplier les plans d'austérité pour rester à l'équilibre. Mais cela n'a pas suffi. Les grèves générales se sont enchaînées et la production industrielle s'est effondrée.
Décembre 2001, le mois qui a fait basculer l'Argentine
Pour éviter la chute de tout le système bancaire, le ministre de l'Economie Domingo Cavallo, père de la parité peso-dollar, fait un geste désespéré début décembre 2001 : le gel de tous les dépôts (près de 70 milliards de dollars). En gelant les dépôts, l'Etat argentin a empêché provisoirement tout mouvement d'argent au sein du pays. Ce "Corralito" (enfermement) déclenche de violentes émeutes sévèrement réprimées et qui ont fait 33 morts. Face à cette explosion sociale, le président de la République Fernando De la Rua signe sa démission et fuit à l'étranger. Le 23 décembre 2001, le défaut de paiement (c'est-à-dire la faillite) est déclaré. Avec 100 milliards de dollars, c'est le plus important de l'histoire. L'un de ses successeurs, Eduardo Duhalde, décide de mettre fin à la parité peso-dollar, coupant ainsi le cordon avec les Etats-Unis. La fin de ce système, qui avait pourtant permis à l'Argentine d'échapper à la crise dans les années 90, a ouvert la porte à une sortie de crise financière.
Les Kirchner ont-ils réussi à changer les choses?
L'impact de la crise sur la vie politique a toutefois été trop important et, en 2003, Nestor Kirchner prend le pouvoir. Avec lui, s'ouvre une nouvelle ère. Plusieurs propositions sont faites aux créanciers étrangers de l'Argentine pour parvenir finalement à un accord en 2005 qui prévoit une décote d'environ deux tiers sur les montants dus. En avril 2010, une nouvelle proposition est faite aux 25% environ des créanciers qui avaient refusé les conditions de l'accord de 2005. Entre temps, la femme de Nestor Kirchner, Cristina (photo), lui a succédé à la tête de l'Etat. Mais la politique reste la même : relance de la consommation, politique de grands travaux, nationalisations de fonds de pension de retraite, développement de nouveaux modèles économiques avec l'apparition des coopératives autogérées par les ouvriers.
Les fonds vautour, les vrais "méchants"?
Mais les Kirchner, malgré les accords de 2005 et 2010, ne se sont pas parvenus à restructurer leur dette. Deux fonds spéculatifs en particulier, NML et Aurelius, réclament des arriérés et intérêts à l'Etat argentin. Ces sociétés sont qualifiées des "fonds vautour". Leur spécialité est d'acheter des créances à des débiteurs proches du défaut de paiement pour une bouchée de pain et faire des profits en obligeant, par la voie juridique ou bien par des négociations, ces Etats de rembourser la dette à sa valeur nominale. Ainsi, en novembre 2012, NML et Aurelius obtiennent la condamnation de l'Argentine par un juge fédéral américain, Thomas Griesa, à leur reverser 1,33 milliard de dollar. Mi-juin 2014, la Cour suprême des Etats-Unis refuse de se saisir d'un recours de l'Argentine et confirme la décision du juge Griesa, à l'origine de la situation actuelle. Une date butoir est fixée : Buenos Aires a jusqu'au 30 juillet, minuit, pour négocier un accord. Passer cette date, le défaut de paiement technique serait prononcé.
Une faillite déclenchée pour une dette d'1,3 milliard de dollar?
En théorie, l'Argentine a les moyens de rembourser les 1,33 milliard de dollars. Mais si elle le faisait, le reste des "hold out", ces 7% de créanciers ayant refusé les accords de 2005 et 2010, pourraient réclamer d'être eux aussi remboursés à 100 % : le pays devait alors débourser 15 milliards de dollars. Et si les détenteurs d'obligations restructurées leur emboîtaient le pas, la note grimperait à 120 milliards. Or, les réserves de changes du pays, qui ont fondu ces derniers mois, ne sont que de 28 milliards de dollars…
Quelles seraient les conséquences d'une nouvelle faillite?
C'est Olivier Blanchard, chef économiste du FMI qui a tiré la sonnette d'alarme devant la presse le 24 juillet dernier : "Le coût d'un défaut de l'Argentine serait considérable (…) même s'il serait moins important qu'en 2001." Le problème, selon la dernière étude du FMI sur ce pays, c'est la situation actuelle de ses finances publiques : l'Argentine est toujours en récession (-2,5%), l'inflation y est galopante (30% par an) et le peso a perdu 20% de sa valeur en douze mois. Il y aurait, de plus, des répercussions économiques sur ses voisins sud-américains, et notamment le géant brésilien dont 8% des exportations ont pour destination l'Argentine. Inquiet, le FMI a appelé, le 24 juillet, à une réflexion sur un mécanisme international de restructuration des dettes plus protecteur.
Source : leJDD.fr 30-07-2014
Informations MONTESQUIEU-VOLVESTRE, FRANCE, MONDE : Vous souhaitez être informé régulièrement sur les nouveautés mise en ligne sur ce Blog, inscrivez vous à la Newsletter (voir dans la colonne ci-contre)