La réforme territoriale, votée mardi 25 novembre en seconde lecture à l'Assemblée nationale est fort bien mal engagée on s’en aperçoit chaque semaine un peu plus. La carte des régions ne fait toujours pas l’unanimité. Votée à une courte majorité à l’Assemblée, elle ne convient toujours pas au Sénat. Quand on regarde un peu dans le détail on constate des aberrations encore plus étonnantes. Par exemple la réforme ne revient pas sur les indemnités accordées aux élus régionaux, qui pourraient ainsi augmenter mathématiquement de plusieurs millions d'euros. Le gouvernement avait pourtant déposé un amendement sur le sujet, en vain.
C'est un volet qui n'est pas abordé dans le projet de loi sur la réforme territoriale, votée pour la seconde fois par les députés mardi 25 novembre. La question des indemnités des élus régionaux est pourtant directement concernée par le texte du gouvernement. Celles-ci pourront augmenter dans une majorité des 12 nouvelles régions (hors Corse) redessinées par l'Assemblée nationale. Selon le décompte fait par le JDD, le coût supplémentaire s'élèverait à 5,77 millions d'euros par an, soit 30,3 millions d'euros sur l'ensemble de la prochaine mandature, de janvier 2016 à mars 2021*. Une somme qui contraste avec les dizaines de milliards d'économies que le gouvernement espèrait réaliser grâce à cette réforme.
Pourquoi une telle hausse?
Si les indemnités des élus sont votées par les conseils régionaux, leur montant maximal est fixé par les législateurs. Ce "plafond" est déterminé en fonction de la population de chaque région. Il existe aujourd'hui quatre échelons, pour la rémunération des Conseillers régionaux, qui ne sont pas remis en cause dans le projet de loi :
- Pour les élus d'une région de plus de trois millions d'habitants, le plafond est de 2.661,03 euros bruts par mois. Aujourd'hui, cela concerne les régions Ile-de-France, Aquitaine, Bretagne, Nord-Pas-de-Calais, Pays-de-la-Loire, PACA et Rhône-Alpes, selon les populations valables au 1er janvier 2014 authentifiées par décret.
- Pour les élus d'une région de deux à trois millions d'habitants, il est de 2.280,88 euros par mois. A savoir : Centre, Languedoc-Roussillon, Lorraine et Midi-Pyrénées.
- Pour les élus d'une région d'un à deux millions d'habitants, il est de 1.900,74 euros par mois. C'est le cas des régions Alsace, Auvergne, Basse-Normandie, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Haute-Normandie, Picardie et Poitou-Charentes.
- Enfin pour les élus d'une région de moins d'un million d'habitants, il est de 1.520,59 euros par mois. Ici la Lorraine et Corse (mais qui n'est pas concernée par la réforme actuelle)
Un amendement du gouvernement n'aboutit pas
Avec la nouvelle carte des régions, presque toutes les nouvelles entités - à l'exception du Centre qui reste seul et de la fusion Bourgogne-France Comté qui rassemblera 2,9 millions d'habitants - seront concernées par le seuil maximal. Ainsi, un élu du Limousin qui bénéficiait de 1.520 euros pourra demain être indemnisé à hauteur de 2.660 euros. De même, les conseillers normands touchant 1.900 euros pourraient voir leurs indemnités augmenter de 700 euros. Dans le détail, la nouvelle région Alsace - Champagne-Ardenne - Lorraine est celle dont le coût engendré par cette hausse des indemnités est le plus élevé (1,5 million d'euros sur un an, 8 millions sur un mandat), devant l'Aquitaine - Limousin - Poitou-Charentes (5,8 millions d'euros en 5 ans) et la Normandie (4,9 millions). Au total, sept régions sur 12 - celles crées par fusion de régions - sont concernées par ces nouveaux plafonds.
Un nouveau barème avait été voté le mois dernier par le Sénat mais annulé par la commission des Lois de l'Assemblée nationale. En séance publique, deux autres amendements avaient été déposés pour revoir ces montants maximaux : l'un porté par l'UDI, l'autre par... le gouvernement. Présent devant les députés la semaine dernière, le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale, André Vallini, proposait ainsi un autre tableau pour "éviter la hausse des indemnités des conseillers régionaux". "Le gouvernement veut créer les conditions pour ne pas accroître les dépenses de fonctionnement des régions, et c’est le sens de notre proposition", justifiait-il. Mais le groupe socialiste et le rapporteur PS du texte, Carlos Da Silva, avaient émis des avis défavorables, faisant valoir un problème "d'équité" voire d'inconstitutionnalité : certains élus auraient vu selon ce barème leur plafond d'indemnités baisser, d'autres augmenter.
"Je n'imagine pas que les élus décident de s'augmenter"
Contacté par leJDD.fr, Carlos Da Silva assume ce désaccord et mise sur la bonne foi des élus régionaux. "La loi fixe le plafond, mais beaucoup d'élus ne sont pas indemnisés à hauteur maximale de ce qui leur est permis", explique le suppléant de Manuel Valls. Et d'ajouter : "Je n'imagine pas, dans la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui, que les élus décident de s'augmenter". Le représentant de l'Essonne se dit toutefois "disponible pour aborder de nouveau ce sujet" avant la fin du parcours législatif du texte, qui doit passer en fin de semaine par une commission mixte paritaire composée de députés et de sénateurs. "C'est un sujet sérieux qui mérite un vrai débat. Mais je ne souhaite pas qu'on l'aborde avec démagogie", fait-il remarquer. En nuançant toutefois : "On est aussi dans une perspective où les conseils régionaux vont avoir des compétences renforcées. La question est donc de savoir quelle est la juste indemnité pour un juste investissement. Ce n'est pas à travers ce texte redéfinissant la carte des régions qu'il convenait de la poser."
* Les calculs ont été effectués à effectif constant pour chaque conseil régional, tel que le prévoit le projet de loi. Ces sommes sont rapportées à la totalité des conseillers de chaque région bien que, dans le détail, les élus membres de la commission permanente, les vice-présidents et le président de la région perçoivent des indemnités supérieures à celles des autres conseillers.
Source : leJDD.fr 25-11-2014
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