Depuis cinq jours, le gouvernement ne cesse de s'expliquer et de se contredire dans l'affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy. Récit d'une communication abracadabrantesque.
Tout démarre vendredi 7 mars dernier. Ce jour-là, « Le Monde » révèle que Nicolas Sarkozy et son avocat, Maître Thierry Herzog ont été placés sur écoute dans le cadre d'une nouvelle enquête judiciaire lancée le 26 février pour violation du secret de l'instruction et trafic d'influence. Jean-Marc Ayrault est interrogé au micro d'i-Télé et de BFMTV. Le savait-il? "Ah non, je n'ai pas à être au courant, je ne vois pas comment je pourrais être au courant. Il s'agit du travail de la Justice, et la Justice travaille en toute indépendance. Et je ne vois pas pourquoi l'exécutif aurait à connaître des enquêtes. Laissons les juges travailler, et la police judiciaire travailler (...)." Cette fois, la réponse est donc limpide. Jean-Marc Ayrault ne savait rien de ces écoutes, ni de leur existence, ni de leur contenu :
Lundi 10 mars au matin, Christiane Taubira est invitée sur « France Info ». La ministre de la Justice assure qu'elle ne "dispose pas des éléments de la procédure" et "ne dispose pas du contenu de la procédure." Finalement, le soir même, elle vient donner une version similaire sur le plateau de TF1 : "Je n'avais pas l'information." Le mardi 12 en fin de journée, « Le Canard Enchaîné » publie un tweet. L'hebdomadaire à paraître le lendemain affirme que Christiane Taubira et Manuel Valls étaient au courant depuis le 26 février, date à laquelle, selon « Le Canard », les écoutes ont été versées au dossier, soit neuf jours avant les révélations du Monde.
Ayrault, Valls, Taubira : à chacun sa version
Invité du 20 heures de France 2, Jean-Marc Ayrault confirme l'information. L'exécutif "n'a pas appris le contenu des écoutes" judiciaires mais connaissait leur existence depuis le 26 février, explique-t-il. Une version bien différente de celle livrée la veille par sa ministre de la Justice. Immédiatement, la droite s'enflamme et réclame la démission de la Garde des Sceaux, qu'elle accuse d'avoir menti aux Français.
Mercredi 12 mars au matin sur RTL, Manuel Valls livre la même version que celle donnée par la ministre lundi soir. Le ministre de l'Intérieur explique avoir appris l'existence de ces écoutes "à l'occasion des révélations du Monde" le 7 mars. Et pas avant. Simultanément sur Europe 1, le procureur général de Paris, François Falletti, confirme avoir informé la Chancellerie le 26 février de la mise sur écoutes.
Pourquoi alors Christiane Taubira a-t-elle affirmé ne pas avoir au d'information? La question devient si pressante que la ministre de la Justice vient exceptionnellement prendre la parole lors du traditionnel point presse qui suit le Conseil des ministres. "Non, je n'ai pas menti" et "non, je ne démissionnerai pas", déclare-t-elle, visiblement en colère. Elle raconte cette fois avoir été informée de l'existence des écoutes le 28 février, soit deux jours après l'ouverture d'une information judiciaire visant Nicolas Sarkozy. Comment expliquer qu'il y ait un délai de deux jours entre le moment où la Direction des affaires criminelles est avertie et le moment où elle en informe le cabinet de la ministre? Pas de réponse.
"Il n'y a pas de problème", assure Ayrault
Tout juste Christiane Taubira finit par reconnaître "un malentendu" mais "dit très clairement qu'il n'y a pas de mensonge". Elle concède qu'elle aurait pu être "plus précise" dans ses propos. La ministre assure encore qu'elle n'a "pas d'information" sur "la date, la durée et le contenu" des écoutes visant Nicolas Sarkozy et brandit les comptes-rendus des documents manifestement succincts adressés à la Chancellerie par le parquet.
Enfin, comme pour clore définitivement la polémique dans laquelle le gouvernement s'est engouffré, Jean-Marc Ayrault vient faire une allocution dans la cour de l'Elysée, une heure après la fin du Conseil des ministres. "Oui, elle a sa place au gouvernement. Ce qui n'a pas sa place, c'est la rumeur, c'est la désinformation, c'est le dénigrement, en particulier le dénigrement de la justice qui travaille en toute indépendance dans notre pays, que cela gêne ou ne gêne pas. Il n'y a pas de problème, il faut que la justice passe et elle passera." Pas de problème donc, si ce n'est celui de la cohérence de la communication gouvernementale.
Source : leJDD.fr 12-03-2014
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