Meurtri, le Président s’est brièvement ressourcé, samedi 6 avril dernier, en Corrèze. Mais pas de grands bains de foule, pas de bisous. Une ballade dans les rues de Tulle en prenant soin d’éviter les manifestants anti-mariage pour tous. Sa majorité et ses ministres l'exhortent à agir. Le problème de Hollande est simple : quoi faire ?....
François Hollande l’a théorisé depuis longtemps : "On voit dans le regard des gens ce qui va et ce qui ne va pas." Qu’a-t-il lu dans les yeux de ses anciens administrés, samedi 6 avril dernier, en improvisant une longue balade dans les rues de Tulle? La déception? La colère? La mansuétude pour "leur François qui ne mérite pas ça"? Du soutien? Sorti le matin par une porte dérobée de l’aéroport de Brive à cause d’une poignée de manifestants anti-gaz de schiste, entré par la porte arrière dans la préfecture de Tulle car 50 opposants au mariage pour tous se faisaient entendre, le Président voulait se prouver qu’il n’était pas totalement bunkérisé.
Même à Tulle, l’enthousiasme n’est plus là
Alors pendant une heure et quart, François Hollande fonce sur tous ceux qu’il croise, se penche dans les voitures pour embrasser des Tullistes, entre dans toutes les boutiques pour serrer des mains et demande à ceux qu’il connaît "comment ça va, toi?". L’enthousiasme n’est plus là, sa Corrèze est désenchantée. Mais lui voit dans ces joues embrassées, ces mains serrées des "signes d’encouragement". Au Salon du livre jeunesse, un jeune homme lui lance : "Faudrait pas oublier d’être de gauche, Monsieur." Le chef de l’État ne répond pas. Peu importe, François Hollande est rassuré. Ici, il peut encore se promener et c’est peut-être la première bonne nouvelle d’une semaine qui restera la pire de ses onze premiers mois de Président
Hollande était à Tulle pour décorer des Corréziens exemplaires. Et lancer un message en pleine tourmente Cahuzac : "Dans un moment où des valeurs doivent être portées, où une exigence morale vaut pour tous ceux qui ont une responsabilité à quelque niveau que ce soit, une cérémonie comme celle-là a du sens. […] Chacune et chacun à sa place doit servir la République. Et d’une manière exemplaire."
"La gauche est atteinte dans ses valeurs, dans son identité"
Pendant la primaire socialiste en 2011, ses amis lui avaient dit : "Il faut que tu réussisses un quinquennat sans affaires." Au Bourget, en pleine présidentielle, Hollande avouait : "J’aime les gens quand d’autres aiment l’argent." Et finalement, son début de quinquennat ressemble à la fin des années Mitterrand. Le désarroi règne dans son sillage. "En dix mois, on a eu 1983 et 1993, la rigueur et les affaires", se désole un ministre, désabusé. "C’est un naufrage total, la gauche est atteinte dans ses valeurs, dans son identité. La goutte d’eau, c’est l’histoire Augier. Tu ne peux pas être de gauche et faire des affaires dans les paradis fiscaux. Quelque chose s’est bousillé, c’est irréparable", se lamente un autre.
Alors que faire? "Je sens mal les choses, déplore un poids lourd du gouvernement. François est à la barre, il tiendra, c’est à lui de choisir. On sait que le quinquennat se joue dans les jours qui viennent." Hollande a exclu de remanier maintenant mais ses ministres l’exhortent à bouger. "On n’est pas au bout de l’histoire, tout est possible. Mais on ne peut pas faire le dos rond et attendre que ça passe. François Hollande doit forcer sa nature car on a l’impression qu’il n’y a plus de pilote dans le Boeing", ose l’un d’eux. "Il faut bouger, c’est intenable. Le truc qui consiste à dire 'on serre les dents et on attend que ça passe' est une connerie", se lamente un autre ministre. "On ne remanie pas, d’accord mais qu’on remanie la politique", demande un troisième. "Si François ne bouge pas, c’est la cata, mais s’il bouge, ça peut aussi être la cata. Ça va continuer. Quelque chose s’est cassé, est-ce réparable?", s’interroge un ami de Hollande.
"On se demande qui est le prochain?"
Harlem Désir a appelé à un référendum sur la moralisation de la vie politique, mais peu y croient. "Ce n’est pas la bonne solution, les Français répondront non à Hollande et on ne va pas dissoudre, reconnaît un ministre. Reste le remaniement, pour nous donner un peu d’air. Le gouvernement n’est pas responsable, oui, mais le gouvernement est touché. Demain, les socialistes se feront cracher dessus. Quand remanier? On attend la fin des catastrophes car on se demande qui est le prochain?" Un ami de trente ans résume : "François est face à ses choix, des choix humains mais surtout politiques. Avec une question : est-ce qu’il rompt avec le jospino-rocardisme ou est-ce qu’il ne le fait pas?"
Avant de changer de politique ou même d’équipe, Hollande compte sur le choc de moralisation qu’il entend faire passer dans une loi. Ses mesures semblent populaires. À l’Élysée, on assume : "Le remaniement ne serait qu’une réponse en terme d’autorité, il faut répondre sur le fond et dire que la République exemplaire c’est maintenant. Si le Président montre sa volonté d’aller jusqu’au bout dans ce nettoyage, les Français le croiront. Ça ne veut pas dire que cette affaire ne laissera pas de trace. Mais la particularité de Hollande, c’est qu’il est président de la République, il ne sera jugé que dans quatre ans et sur des résultats." Quatre ans, que cela semble long après une telle semaine.
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