Il a remis son rapport à Jean-Marc Ayrault ce matin 5 novembre comme prévu et l’on peut dire que ce document était attendu. Après les fuites publiées dans « Le Figaro » puis les commentaires tant du Président de la République que du Premier Ministre, certains craignaient que le rapport en ait été influencé. Mais le commissaire à l'Investissement, Louis Gallois, a confirmé qu'il recommandait une baisse du coût du travail de 30 milliards d'euros, parmi les 22 propositions du rapport sur la compétitivité qu'il a remis mardi au Premier ministre. Il se refuse pourtant à isoler la mesure concernant le coût du travail des autres mesures qu’il a préconisé. Il appelle ces mesures "un choc de compétitivité, qui est en fait un choc de confiance". Dans l’après midi de lundi il a détaillé l’ensemble des mesures desquelles se dégagent les points essentiels qui sont résumés ci-après. J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire ici, la compétence et l’honnêteté de Louis gallois ne sont absolument pas à mettre en doute. Patron de gauche il ne s’est laissé influencer ni par le Medef, ni par les syndicats ni par le parti socialiste. Le gouvernement serait bien inspiré de mettre en œuvre, du mieux qu’il pourra, ce plan de sauvetage de notre économie qui en a bien besoin..
« Il faudra que les Français soutiennent cet effort collectif »
François Hollande et son gouvernement avaient déjà pris leurs distances avec "le choc de compétitivité" préconisé par Louis Gallois dans le cadre de son rapport sur la compétitivité. L'exécutif préfère une "trajectoire", un "pacte", qui étalerait dans le temps les mesures. Qu'importent, en rendant lundi 5 novembre en milieu de journée son texte au premier ministre Jean-Marc Ayrault, l'ex-patron d'EADS ou de la SNCF a maintenu son idée initiale devant la presse, à sa sortie de Matignon. Il préconise un "un choc de compétitivité, qui est en fait un choc de confiance". Il a ainsi proposé dans son rapport une baisse du coût du travail de 30 milliards d'euros. Ces 30 milliards devaient être répartis en 20 milliards de baisse des cotisations patronales et 10 milliards des cotisations salariales. Et ceci sur les salaires représentant jusqu'à 3,5 SMIC (près de 4.990 euros), qui ne serait donc pas réservée aux seuls bas salaires. "Dans ces conditions, 35% de l'avantage créé iraient directement vers l'industrie et les services à haute valeur ajoutée associés", note Louis Gallois.
Comment seront compensés ces allègements? Par une hausse de la CSG? De la TVA? Louis Gallois a bien proposé quelques pistes amis il laisse le gouvernement dont c’est le rôle, faire ses choix. Il a tout de même indiqué qu'"il faudra que les Français soutiennent cet effort collectif".
Par contre, il propose de baisser les cotisations sociales en deux ans maximum, et de préférence en une seule année, pour apporter un "ballon d'oxygène" suffisant aux entreprises. "Si les contraintes des finances publiques ou la volonté de limiter l'impact sur la demande des ménages l'imposaient, il ne faudrait pas, à notre sens, aller au-delà de la réalisation sur deux ans, sinon on courrait un risque de dilution", note Louis Gallois.
« Il faudra de la méthode et de la persévérance »
"Je crois que nous avons besoin d'une véritable mobilisation et, je ne crains pas de le dire, d'un véritable patriotisme. Il faut que le club France travaille de manière solidaire et s'engage dans cette reconquête", a-t-il ajouté. "Cela prendra du temps, cela veut dire qu'il faudra de la méthode et de la persévérance", a ajouté Louis Gallois, avant d’appeler à "un nouveau dynamisme, un nouvel élan" du dialogue social en France. L'application des mesures préconisées est "l'affaire du gouvernement, qui a évidemment d'autres contraintes que les miennes", a reconnu l'ex patron d'EADS. Le gouvernement doit annoncer de premières mesures mardi 6 novembre, à l'issue d'un séminaire. Dès lundi matin, le président François Hollande a promis de tirer "toutes les conclusions" du rapport Gallois et assuré que "tout sera fait pour l'emploi".
Le commissaire à l'investissement recommande également "22 mesures" "pour arrêter le décrochage", "la glissade" de l'industrie française face à ses concurrents. Ces mesures ont été dévoilées lors de la Conférence nationale pour l'Industrie qui s’est tenue lundi après midi à 16h, à Matignon encore. Louis Gallois a souhaité un "pacte social" pour pouvoir "mener la reconquête industrielle", et en a appelé au "patriotisme", a-t-il déclaré dans la cour de Matignon. "Nous avons besoin que se noue une sorte de pacte social entre tous les partenaires", a-t-il déclaré.
Le détail des 22 propositions figure ci après
1/ L'engagement de l'Etat à la stabilité des règlementations
«La France a une réputation bien établie de sur-réglementation et plus encore d'instabilité de la réglementation». C'est sur ce constat que le rapport Gallois préconise à l'Etat, dans sa première proposition, de s'engager à ne pas modifier cinq dispositifs, au moins, au cours du quinquennat :
· le crédit impôt recherche,
· les dispositifs dits «Dutreil» favorisant la détention et les transmissions d'entreprises,
· la contribution économique territoriale («68 modifications de la taxe professionnelle en 35 ans!», s'étonne l'auteur du rapport),
· les incitations «sociales» aux jeunes entreprises innovantes, rétablies à leur niveau de 2010 et enfin
· les dispositifs en faveur de l'investissement dans les PME, notamment «l'IR PME» et «l'ISF PME».
2/ Des salariés au conseil d'administration
Dans les entreprises, «le poids des actionnaires doit être équilibré, en privilégiant ceux qui jouent le long terme et en donnant la parole aux autres parties prenantes de l'entreprise», avance le rapport. La deuxième proposition de Louis Gallois est d'introduire dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises de plus de 5000 salariés, au moins 4 représentants des salariés, sans dépasser le tiers des membres, avec voix délibérative, y compris dans les comités des conseils. «La France rejoindrait ainsi les 12 pays européens qui ont mis en place la représentation des salariés dans les organes de gestion des entreprises privées d'une certaine taille».
Le Medef, par la voix de sa Présidente, ne s’est pas opposé à cette mesure sous réserve que l’attitude des syndicats « évolue »
3/ Création d’un commissariat à la prospective
La troisième proposition concerne l'action publique: elle vise à créer un commissariat à la prospective, lieu d'expertise et de dialogue social et à accompagner chaque Loi de Finances d'un rapport sur la situation de l'appareil productif fondé sur les travaux du Commissariat.
4/ Créer un choc de compétitivité
La quatrième idée, est évidemment la mesure phare que l’on vient d’évoquer plus haut. On en parle depuis plusieurs mois et elle est déjà contestée par les syndicats et par certains élus socialistes. Elle consiste à créer un choc de compétitivité en transférant une partie significative des charges sociales (jusqu'à 3,5 smic, de l'ordre de 30 milliards d'euros, soit 1,5 % du PIB) vers la fiscalité et la réduction de la dépense publique.
Ce transfert concernerait pour 2/3 les charges patronales, et pour 1/3 les charges salariales. «Certes, la hausse de certains taux intermédiaires de la TVA (hors produits de première nécessité) devrait être envisagée (5 à 6 milliards d'euros). Il en est de même de la fiscalité écologique (taxe carbone), de la fiscalité immobilière, du réexamen de certaines niches et de l'éventuelle taxation des transactions financières (2 à 3 milliards d'euros au total). Mais, si on ne peut pas faire appel au taux normal de la TVA, la plus grande part devra provenir - probablement de l'ordre des 2/3 - du relèvement de la CSG, soit l'équivalent de 2 points (20 à 22 milliards d'euros)», souligne le rapport.
5/ Relancer les recherches sur le gaz de schiste
Le rapport propose aussi, dans sa cinquième proposition phare, de mener les recherches sur les techniques d'exploitation des gaz de schiste. «La France pourrait d'ailleurs prendre l'initiative de proposer avec l'Allemagne à ses partenaires européens un programme sur ce sujet», note le rapport. «Le gouvernement ne retiendra pas, parmi ses mesures pour relancer la compétitivité, la reprise des recherches sur l'exploitation des gaz de schiste» a pour sa part fait savoir Matignon.
Le gouvernement fait sans doute là, sous l’impulsion des écologistes, une très grave erreur car si la technique d’exploitation actuelle, notamment celle utilisée aux Etats-Unis, est dangereuse pour l’environnement il faut évidemment accélérer la recherche. Car nous aurons bonne mine demain si des technologies nouvelles voyaient le jour alors que nous aurions pris plusieurs années de retard !..
6/ Aligner les conditions de crédit et des garanties export
«Les grands groupes publics et privés, quant à eux, devraient être appelés - certains le font déjà avec succès - à soutenir les entreprises de leur filière à l'exportation», souligne le rapport. La sixième proposition est donc d'aligner les conditions de crédit et des garanties export, en volume, quotité et taux sur le meilleur niveau constaté dans les pays avancés et créer un «prêteur direct» public.
7/ Effort sur l'innovation
La septième proposition est de sanctuariser le budget de la recherche publique et celui du soutien à l'innovation sur la durée du quinquennat. S'agissant de la recherche privée, les dispositifs existants - le Crédit d'impôt recherche (CIR), le soutien aux jeunes entreprises innovantes (remis au niveau de 2010), les actions d'OSEO, ou le soutien aux pôles de compétitivité - devront être préservés dans la durée.
8/ Orienter la commande publique vers des innovations
La huitième proposition est de créer un mécanisme d'orientation de la commande publique vers des innovations et des prototypes élaborés par des PME: objectif de 2 % des achats courants de l'État. Une mesure qui actuellement semble incompatible avec la règlementation européenne qu’il faut faire évoluer. Les Etats-Unis pratiquent cette mesure avec succès.
9/ et 10/ «Small business act» pour les PME
La neuvième proposition est de créer, au sein de la BPI, un produit constitué d'actions de préférence sans droit de vote (bénéficiant en contrepartie d'une rémunération privilégiée), pour faire face à des besoins de fonds propres pour des entreprises en croissance dont les propriétaires veulent garder le contrôle.
«C'est la conjonction de ces mesures, auxquelles s'ajoutent, bien entendu, tous les dispositifs de soutien aux PME qui peut permettre à l'État d'impulser une dynamique de croissance des entreprises». La dixième proposition allant dans ce sens est d'élaborer un équivalent du «Small Business Act», comme cadre de cohérence des dispositifs en faveur de la croissance des PME.
11/ et 12 Plus de synergies
«Des dispositifs peuvent pousser les acteurs à développer leurs synergies et leurs coopérations». La onzième proposition est de conditionner les soutiens de l'État aux actions des grandes entreprises à leur capacité à y associer leurs fournisseurs et sous-traitants. La douzième est de renforcer la gouvernance et les moyens des comités de filières de la CNI.
13/ Responsabilité des régions
La treizième proposition est de donner aux régions la responsabilité de coordonner l'action des différentes structures régionales en charge de promouvoir l'innovation et le développement de l'industrie, ainsi que d'animer le dialogue social.
14/ et 15/ Effort accentué sur la formation
La quatorzième proposition est de systématiser la présence des entreprises dans la gouvernance de l'enseignement technique et professionnel au niveau des établissements (conseils d'administration), des régions (établissement des cartes de formation) et au niveau national. Il faudrait aussi, selon la quinzième proposition, doubler le nombre de formations en alternance sur la durée du quinquennat.
16/ Compte individuel de Formation
Selon la seizième proposition, il faudra aussi demander aux partenaires sociaux de négocier les modalités de mise en œuvre d'un compte individuel de formation, «crédité» soit au début de la vie active, soit chaque année, et attaché non au statut, mais à la personne.
17/ Rapport sur le crédit inter-entreprises
Concernant le crédit inter-entreprises, «les exigences de la loi de modernisation de l'économie de 2008 sont trop souvent contournées», affirme le rapport. La dix-septième proposition est de confirmer aux Commissaires aux comptes qu'ils doivent obligatoirement joindre à leur avis sur les comptes de l'entreprise, un rapport sur le crédit interentreprises. Il faudra aussi prévoir des sanctions administratives (DGCCRF) en cas de manquement aux règles sur les délais de paiement.
18/ Assurance-vie
La dix-huitième proposition est d'allonger la «durée» des contrats d'assurance vie par une adaptation de leur régime fiscal ; avantager fiscalement les contrats en unités de compte (c'est-à-dire investis en actions) et les «contrats diversifiés» par rapport aux contrats dits en euros (placements essentiellement obligataires).
19/ Partenariat public-privé
Le rapport propose dans sa dix-neuvième proposition de doubler en cinq ans la capacité de France Investissement (BPI) à développer des partenariats public-privé dans le domaine du capital-investissement pour soutenir les entreprises ayant de forts besoins d'investissement au moment de l'industrialisation de leurs innovations.
20/ Priorités techniques et industrielles du CGI
Au-delà de son action générale en faveur de la recherche et de l'innovation, le Commissariat général à l'Investissement (CGI) pourrait être porteur de trois priorités techniques et industrielles «décisives», selon la vingtième proposition: les technologies génériques, la santé et l'économie du vivant et la transition énergétique.
21/ Avis d'experts
«La politique de la concurrence doit être davantage mise au service de l'industrie européenne et de sa compétitivité», explique le rapport. Il faut donc, selon la vingt-et-unième proposition, accompagner toutes les décisions européennes concernant la concurrence d'un avis d'experts économiques et industriels extérieurs à la Commission. Cet avis serait public.
22/ Des salariés comme présidents des comités d'entreprise
Enfin, la vingt-deuxième proposition est d'autoriser les entreprises qui le souhaitent à faire présider le comité d'entreprise par un représentant des salariés. «Cela entraînerait une prise de responsabilité de tous les acteurs de l'entreprise. Il serait à cet égard important que la formation des représentants du personnel soit renforcée et organisée pour mieux les préparer à ces responsabilités nouvelles», conclut le rapport.
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