"Il restera un problème absolument considérable que je porterai tout au long de cette année, c'est celui des disparités monétaires."


Lors de la présentation de ses voeux aux forces économiques, à Cholet, dans le Maine-et-Loire, le 6 janvier, Nicolas Sarkozy s'est de nouveau engagé à soulever "la question des taux de change" dans les arènes internationales. Et pour cause, rien ne sert de réformer la taxe professionnelle dans un sens favorable aux entreprises si le gain est rogné par la hausse de la monnaie unique...

Début décembre, déjà, le Président a annoncé son intention de faire de la mise en place d'un nouveau système monétaire international un des grands chantiers de la présidence française du G20, en 2011, alors que l'euro avait franchi, fin octobre, la barre symbolique des 1,5 dollar. "Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, il n'y avait qu'une seule grande puissance, les États-Unis. Il était normal qu'il n'y ait qu'une grande monnaie. Aujourd'hui, le monde est multipolaire. Le système doit être multimonétaire. On ne peut être soumis au diktat d'une seule monnaie dans le monde tel qu'il est", expliquait alors le chef de l'État. Mais le volontarisme affiché par Nicolas Sarkozy risque bien de se heurter à la réalité internationale.

"Nous sommes déjà dans un système multimonétaire avec une compétition entre différentes monnaies", rappelle Henri Sterdyniak, professeur associé à l'université de Paris-Dauphine. Selon lui, inciter des pays à ne plus utiliser le dollar comme réserve internationale aurait l'effet inverse de celui recherché puisque cela provoquerait une dépréciation de la monnaie américaine.

Convaincre la Chine

Pour cet économiste, la faiblesse actuelle du dollar s'explique par des facteurs objectifs comme "le déficit extérieur extrêmement important" des États-Unis. Le vrai déséquilibre provient des "excédents monétaires accumulés" par certains pays, notamment par la Chine, pays qui a choisi de se protéger des fluctuations de change en ancrant sa monnaie au dollar. Une stratégie de développement "fondée sur l'investissement et les exportations" rendue possible grâce à une monnaie maintenue artificiellement bas face au dollar. Résultat, la zone euro, qui réalise 28 % de ses échanges à l'extérieur, est doublement pénalisée. Non seulement elle subit la faiblesse du dollar, mais elle s'apprécie aussi face au yuan. Pour rééquilibrer les taux de change, Nicolas Sarkozy devra donc "convaincre les Chinois de changer de stratégie" et de miser un peu plus sur la consommation intérieure et les importations, explique Henri Sterdyniak. C'est dire si la tâche s'annonce difficile... voire impossible.

Derrière son discours volontariste, le président français se résout déjà en partie à subir la situation. En visite dans une usine du groupe d'électronique de défense Thales, il a expliqué mercredi qu'il n'était "pas anormal, avec une telle disparité des parités monétaires, qui est un problème considérable pour une entreprise (...) vendant en dollars, qu'on ait quelques éléments de production en zone dollar". Une manière de reconnaître que face à la hausse de l'euro, la délocalisation est une solution pour les entreprises françaises...


Source : lepoint.fr  06-01-2010

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