Il l’a encore répété lors de sa dernière intervention télévisée : Nicolas Sarkozy souhaite introduire des jurés populaires en correctionnelle. Le nouveau ministre de la Justice, Michel Mercier (photo), a livré vendredi 19 novembre dernier les grandes lignes de cette réforme, précisant qu'elle ne s'appliquerait qu'aux délits « les plus graves » sans d’ailleurs définir clairement ce qu’il entendait par là. Mais pour les syndicats de magistrats, qui expliquent à qui veut bien les écouter que déjà les jury d'assises sont difficiles à constituer, cette mesure est tout simplement inapplicable. Pis encore, elle cacherait la volonté de réduire le coût de la justice; certaines affaires étant traitées par un tribunal correctionnel alors qu’elles auraient du aboutir en cour d’assises.
Sarkozy avait annoncé la réforme. Michèle Mercier en précise les contours. Mardi, lors de son intervention télévisée, le chef de l'État avait confirmé son intention d'introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, sans donner plus de précisions. Vendredi, au micro d'Europe 1, le nouveau ministre de la Justice s'est chargé de révéler les grandes lignes de cette réforme, qu'il entend mener en 2011. "Les délits sont classés en catégories et c'est naturellement les délits les plus graves" qui seront concernés, a-t-il indiqué. A la question de savoir si les jurés populaires seront introduits dès la première instance ou uniquement en appel, Michel Mercier a préféré rester évasif: "Déjà en appel, ça peut être une bonne solution mais ce sont des pistes, je ne veux pas décider tout seul".
Des précisions qui font sourire Benoist Hurel, secrétaire général adjoint du Syndicat de la magistrature "Le ministre de la Justice a conscience que les déclarations de Nicolas Sarkozy sont peu réalisables. Il essaie de limiter considérablement le champ d'introduction des jurés populaires". Du côté de l'Union syndicale de la magistrature (USM), on ne croit pas non plus à l'application de cette mesure: "Cette réforme est inapplicable. C'est une question de moyens, de réalité et de pragmatisme. Matériellement, on ne voit pas comment on va pouvoir s'occuper des jurés, alors qu'on est déjà face à un manque de moyens", expliquait jeudi Virginie Duval, secrétaire nationale de l'USM.
Aussi, Nicolas Sarkozy souhaite que les juges d'application des peines soient épaulés par des civils quand ils se prononcent sur des libérations conditionnelles. "Je pense qu'on peut avoir des assesseurs citoyens auprès des magistrats professionnels", a confirmé le Garde des Sceaux. "On peut très bien imaginer par exemple un assesseur qui soit président d'une association de victimes (...) ou un assesseur président d'une association de probation", a-t-il encore envisagé.
"Je pense aussi qu'il faut qu'on réfléchisse à la décriminalisation de certains crimes qui sont correctionnalisés", a encore lancé le nouveau locataire de la place Vendôme. Une phrase qui en dit long selon Benoist Hurel: "Sous les grands discours, il s'agit en fait d'une manipulation comptable assez incroyable". Et de s'en expliquer: "En favorisant la correctionnalisation des crimes, on évite que les procès ne soient jugés en cour d'assises, qui coûtent trop cher au gouvernement". La correctionnalisation des crimes étant de plus en plus fréquente, certains crimes sont requalifiés en délits pour accélérer la procédure. Pour Benoist Hurel, il n'y a pas de doute: "Le gouvernement veut faire croire au peuple qu'il va l'associer davantage à la justice. Ce qu'ils veulent en réalité, c'est que la justice soit rendue avec moins de coûts".
Si le ministre de la Justice a livré les grandes lignes de cette réforme, la question de son financement reste pour l'heure sans réponse. Michel Mercier est attendu dans la journée au congrès annuel de l'Union syndical de la magistrature, à Rennes. Peut-être l'occasion pour le ministre d'apporter quelques réponses à ces magistrats en colère.
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