François Hollande a reconnu mercredi 17 octobre dernier, 51 ans après les faits, la "répression sanglante" du 17 octobre 1961 à Paris. Retour sur ces faits, en pleine guerre d'Algérie. Etait-il utile de revenir, aussi longtemps après les faits, sur un épisode de notre histoire aussi tragique et surtout aussi peu clair ? Dans une période agitée, la police a sans aucun doute commis des exactions mais le détail des opérations n’est toujours pas clarifié et les historiens ne sont toujours pas d’accord sur l’ampleur de ce que certains qualifient de « répression sanglante ».
Pour François Hollande, et donc pour l'Etat, il s'agit d'une "répression sanglante". Alors que les négociations ouvertes six mois plus tôt entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) sont bloquées, le Front de Libération Nationale (FLN) appelle à une manifestation "pacifique" à Paris le soir du 17 octobre. Le contexte est tendu. Après une série d'attentats contre des policiers (11 morts entre fin août et début octobre), des mesures ont été prises par le ministre de l'Intérieur Roger Frey et le préfet Maurice Papon (par ailleurs condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l'humanité pendant la Seconde guerre mondiale) : couvre-feu, fermeture des cafés "maures" à partir de 19 heures, renvoi en Algérie des gens qui ne justifient pas d'une occupation.
Depuis le 5 octobre, ceux que l'on désigne comme les "Musulmans algériens", sont priés de ne pas sortir dans Paris et la banlieue, entre 20h30 et 05h30. Avec cet appel à manifester, le FLN entend protester contre ces mesures "à caractère raciste" mais qui entravent surtout ses activités, et appelle les Algériens à venir protester sur les Grands boulevards (au cœur de Paris) entre 18h00 et 20h00, leur demandant de sortir en famille et en proscrivant tout ce qui peut être assimilé à une arme.
Trois morts selon le bilan officiel, plusieurs centaines selon un historien
En fin d'après-midi, le 17 octobre, des groupes de manifestants se réunissent en divers points de la capitale, notamment les Grands boulevards et les Champs-Elysées. Bien que la police surveille les gares pour interrompre le flot arrivant de banlieue, en multipliant les interpellations, le nombre grossit. Vers 19h00, jusqu'à 20.000 ou 25.000 personnes défilent sous la pluie, sans gêner la circulation. Avec 7.000 hommes, la police est en nombre insuffisant, jugera le Conseil des ministres le lendemain. Elle est submergée et vers 19h30, les affrontements commencent à la Madeleine, l'Opéra ou la Concorde.
Des affrontements sanglants : on parle de manifestants jetés dans la Seine, tués par balle ou morts le crâne fracassé par des manches de pioche ou des crosses de fusils. Mais aussi de rafales de mitraillettes tirées sur le service d'ordre qui fait deux morts en répliquant au Pont de Neuilly. Toutefois, les événements les plus violents auraient eu lieu place Saint-Michel, aux abords de la Seine. A 22h30, le calme revenu, plus de 12.000 manifestants sont arrêtés.
Le lendemain matin, alors que le ministre de l'Intérieur s'est expliqué devant l'Assemblée nationale, le Conseil des ministres décide, autour du général de Gaulle, que six compagnies de CRS et quatre escadrons de gendarmes vont renforcer la police parisienne. Il ajoute que 1.500 manifestants seront reconduits en Algérie dans les 48 heures.
Cent personnes sont mortes du fait des exactions de la police, soutiendra en 1988 Constantin Melnik, qui fut conseiller pour la police et le renseignement au cabinet du Premier ministre Michel Debré pendant la guerre d'Algérie. Mais le bilan réel se situe probablement autour de 200 morts, voire "plusieurs centaines", selon l'historien Jean-Luc Einaudi qui a levé le voile sur cette tragédie en publiant « La bataille de Paris » en 1991. Trente ans après les faits.
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