On entend, ici où là, des voix s'élever contre Florence Aubenas, coupable d'avoir écrit un très bon livre qui se vend. Un très bon livre qui ne se vend pas, hélas, ne suscite pas la jalousie. Hélas, parce que c'est le talent qui devrait susciter la jalousie, pas ses conséquences. Florence Aubenas est à la fois courageuse et talentueuse; et comme ce n'est pas la première fois qu'elle le prouve on ne s'étonne pas qu'elle puisse susciter des critiques ....
On a entendu, ainsi, version rabat-joie-je-peux-faire-la-même-chose?: "Facile d'aller chez les pauvres pendant six mois quand on sait qu'on peut retourner ensuite chez les privilégiés." Version avide ?: "L'argent qu'elle va se faire sur le dos de ces pauvres gens...?" Version perverse, enfin ?: "Quand on pense qu'elle a pris le travail de quelqu'un qui en avait vraiment besoin." Tout juste si ces cancaneurs ne rêvent pas qu'on vienne inculper l'ex-otage pour arnaque à Pôle emploi. De qui se moque t-on ?? Pourquoi ne pas se réjouir ?? Se réjouir d'avoir ce livre entre les mains ?? Se réjouir que ça existe encore, de se tenir à cette idée toute simple qui veut que, quand on écrit sur un sujet, on s'y immerge, on touche, on voit, on sent, on... frotte. Grâce à Florence Aubenas, la France entière frotte. La France entière a l'impression de "faire les sani", en "perdant deux heures pour en gagner une". "À l'impression", parce que ça reste quand même un livre.
BioN'empêche ?: savoir, ça aide à ne pas penser pareil. À penser tout court. Non qu'il faille culpabiliser d'avoir un travail qui ne vous rend pas malade (de rage, de froid, d'angoisse), mais juste ouvrir les yeux. Va-t-on alors dégainer l'argument ultime ?: "C'est politiquement correct" ? Réfléchir, être ému ou simplement attentif sera donc aussi politiquement correct. Plagiaire, Aubenas ?? Elle ne dit pas qu'elle l'a inventée, cette "idée simple". Au contraire, elle en parle dès l'introduction, des Günter Wallraff et consorts, qui ont fait avant elle ce voyage dans les mondes dont on ne parle pas, parce que ceux qui y vivent n'ont pas le loisir d'en parler. On entend aussi ?: "Elle ne peut pas dire qu'elle est devenue précaire, prétendre qu'elle nous raconte l'enfer de l'intérieur..." Contresens sur le projet ?: d'abord, elle ne le dit pas. Et puis on s'en fiche, de l'intérieur de Florence Aubenas, elle la première. C'est l'intérieur de ces précaires dont il s'agit et qu'elle nous révèle, sans filtre. On le sait bien, qu'on ne vous parle pas de la même façon si vous êtes journaliste ou si vous ne l'êtes pas. À elle, ils ont tout dit. Malhonnête, Aubenas?? Difficile d'être malhonnête quand on dit la vérité.
Le Quai de Ouistreham , de Florence Aubenas (L'Olivier, 274 pages, 19 euros).
Source : lepoinr.fr Christophe Ono-Dit-Bio 26-03-2010
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