Retraites : Borne actionne le 49-3 pour faire passer le texte à l'Assemblée, plusieurs motions déposées

L'exécutif a décidé de faire passer la réforme des retraites sans le vote des députés en utilisant l'article 49-3 de la Constitution. L'opposition devrait déposer une motion de censure.

Emmanuel Macron a finalement tranché. Ce jeudi, Élisabeth Borne a engagé la responsabilité du gouvernement et a décidé d’utiliser l’arme constitutionnelle du 49-3 pour faire passer, sans vote, la réforme des retraites. Alors que la séance a débuté à 15h00 au Palais Bourbon, le président de la République, ses ministres et les chefs de la majorité ont multiplié les réunions de crise avant de prendre cette décision. Un Conseil des ministres a ensuite été convoqué pour valider le déclenchement de cet article. Lors de son entrée dans l’hémicycle, la cheffe du gouvernement a été accueillie par des huées et des députés de gauche qui ont entamé l’hymne national. Son discours a aussi été chahuté par de nombreux parlementaires.

Pour rappel, le Sénat, à majorité de droite, avait, plus tôt dans la journée, adopté le texte de compromis qui entérine notamment le recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Le vote a été acquis par 193 voix contre 114.

Depuis plusieurs semaines, les membres du gouvernement avaient indiqué à de nombreuses reprises leur volonté d’aller jusqu’au vote. L’usage du 49-3 montre sans doute que l’exécutif a craint que le nombre d’élus de droite votant le projet ne soit pas suffisant pour atteindre une majorité. Cela démontre aussi l’incapacité des Républicains à se rassembler autour d’un projet commun, alors même qu’Eric Ciotti et Olivier Marleix avait appelé l’ensemble des députés LR à voter pour le projet. Désormais, l’opposition devrait déposer une motion de censure.

Les motions de censure

Dorénavant, le gouvernement va devoir faire face à plusieurs motions de censure. Tout d’abord, la présidente du groupe RN à l’Assemblée, Marine Le Pen, a indiqué que son groupe en déposerait bien une. Elle a ensuite été suivie par l’élue de La France insoumise, Mathilde Panot. « Qui sème le chaos récolte la censure », a-t-elle justifié.

Le groupe Liot a, lui aussi, fait une annonce dans ce sens. Bertrand Pancher a notamment déclaré que son groupe allait déposer « dans les prochaines heures une motion de censure transpartisane ». La seule condition pour qu’elle ne soit pas déposée est une démission du gouvernement et un retrait du texte.

Réforme des Retraites : le 49-3 choisi par Macron, des huées à l'Assemblée nationale

La Première ministre Elisabeth Borne s'exprime sous les huées, alors que le gouvernement va utiliser l'article 49-3 pour la réforme des retraites.

"C'est une honte pour la démocratie ". La déclaration du député communiste Fabien Roussel va sans doute être partagée par de nombreuses voix politiques de l'opposition. Mercredi soir, le chef de l'Etat avait pourtant fait savoir qu'il souhaitait un vote sur cette réforme, plutôt que d'utiliser la procédure de l'article 49.3, souvent comparée à un passage en force. Mais, devant l'incertitude, cela a finalement été l'option choisie.

"La Première ministre a demandé au président de pouvoir engager la responsabilité de son gouvernement sur le texte issu de la commission mixte paritaire" qui a réuni mercredi des députés et des sénateurs, a déclaré à l'AFP la présidence de la République.

Selon un participant à une ultime réunion du camp présidentiel autour d'Emmanuel Macron, "il a été considéré qu'il y avait trop d'incertitudes sur le vote" en raison du risque d'absence de majorité.

"Le président voulait aller au vote mais la Première ministre a considéré qu'en raison des incertitudes, elle devait demander au président de la République d'engager la responsabilité du gouvernement via le 49.3", a ajouté ce participant.

La Marseillaise chantée à l'Assemblée nationale

Dans la journée de mardi, un compromis avait pourtant été scellé entre sept députés et sept sénateurs, après plus de huit heures de débats derrière les portes closes d'une commission mixte paritaire (CMP). Il avait ouvert la voie à un vote devant les deux assemblées pour ce projet reculant à 64 ans l'âge de départ à la retraite. Le gouvernement était néanmoins dépendant des députés de droite du parti Les Républicains, divisés et beaucoup plus sceptiques sur la réforme que leurs collègues sénateurs.

Les députés de la Nupes ont entonné une Marseillaise dans l'Assemblée nationale pour protester. Sous les huées et les appels à sa démission, la Première ministre Elisabeth Borne s'est exprimée tant bien que mal et a engagé la responsabilité du gouvernement.

« Fiasco » : l’opposition bouillonne après le recours au 49-3 sur la réforme des retraites

La présidente du groupe La France insoumise à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot, a évoqué un basculement autoritaire", après l'annonce du recours au 49-3.

La tension et la colère n’étaient pas retombées chez les députés de l’opposition, quelques minutes après l’annonce par la Première ministre d’un recours au 49-3 pour faire passer la réforme des retraites. La résistance s’organise.

Les députés de l’opposition n’avaient pas de mots assez durs pour qualifier le recours du gouvernement au 49-3, décidé ce jeudi après-midi, afin de faire passer la réforme des retraites sans vote, à l’Assemblée nationale : « Fiasco absolu » ; « échec » ; « aveu de faiblesse » ; « terrible défaite ».

« C’est du jamais-vu qu’un texte soit autant rejeté, par tout un peuple et par le Parlement, décrypte Alexis Corbière, député La France insoumise. Elisabeth Borne n’a aucun argument à opposer, le gouvernement n’a convaincu personne. » La cheffe du groupe LFI, Mathilde Panot, parle, elle, d'un « basculement autoritaire ».

« Il n’y a pas de majorité à l’Assemblée et chez les Français, c’est un échec total pour un gouvernement et un président qui affirmaient avoir une majorité solide il y a deux jours… » poursuit Thomas Ménagé, porte-parole du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, un de ceux qui hurlaient « Dehors » ou « Démission » en direction de la Première ministre, dans un hémicycle en fusion, quelques minutes auparavant.

Plusieurs motions de censure mais un risque limité pour le gouvernement ?

Mais l’opposition est déjà tournée vers la suite. Avant vendredi 15 heures, plusieurs motions de censure émanant de la gauche, du Rassemblement national, mais aussi du groupe centriste Liot, seront déposées. « Nous en déposerons une et voterons celles des autres » confirme Thomas Ménagé. Concrètement, elles pourraient être étudiées lundi mais ont peu de chance d’aboutir et de renverser le gouvernement. A moins que le groupe Liot, le plus « consensuel », parvienne à rallier tout le monde, dont une bonne partie des députés Les Républicains. Compliqué. C’est pour cette raison que la Nupes évoque déjà une saisine du Conseil constitutionnel puis le lancement d’une procédure pour aboutir à un référendum d’initiative partagé (RIP).

Il nécessite la signature de 187 parlementaires et 4,7 millions de citoyens, pour soumettre une proposition de loi (donc pas le texte de la réforme en l’état) à référendum. L’opposition la plus virulente pourrait néanmoins venir de la rue. Comment vont réagir ceux qui se mobilisent depuis plusieurs semaines ? On a peut-être eu un début de réponse avant même l’annonce officielle du recours au 49-3, dans la petite foule de manifestants qui se tenait aux abords du Palais Bourbon, vers 14 heures ce jeudi. « Le 49-3 ? S’ils font ça, je ne laisse pas passer, j’irai jusqu’au bout ! » s’énervait un jeune homme, autocollant CGT collé sur sa veste. Le patron de la centrale syndicale, Philippe Martinez, a déjà appelé à « amplifier la mobilisation », bien au-delà du Palais Bourbon.

Retraites : de la place de la Concorde, Mélenchon observe un « effondrement de la minorité présidentielle »

La foule grossit place de la Concorde, où les manifestants hostiles à la réforme des retraites se rassemblent. Présent, le chef de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon a critiqué l'utilisation du 49.3 par le gouvernement.

Jean-Luc Mélenchon a observé un "effondrement de la minorité présidentielle" jeudi depuis un rassemblement organisé place de la Concorde à Paris après le 49.3 utilisé par Elisabeth Borne pour faire adopter la réforme contestée des retraites.

"La minorité présidentielle s'est écroulée sous vos yeux, avec Mme Borne qui a pleinement joué son rôle de fusible et qui a brûlé au cours de cette séance en quelque sorte", a raillé M. Mélenchon.

Selon lui, après cet "échec spectaculaire", le mouvement social a "de bonnes chances d'avoir le dernier mot". "Nous sommes en face d'un texte pas adopté dans les formes d'une démocratie parlementaire", a insisté le chef insoumis, alors que le rassemblement, à l'appel de Solidaires, gagnait de l'ampleur.

"Il n'y aura pas eu de vote à l'Assemblée sur un texte qui n'a donc aucune légitimité parlementaire" et "n'en a pas dans la rue", a-t-il dénoncé.

"Les syndicats appellent à la poursuite de l'action", a expliqué Jean-Luc Mélenchon

Il a été "adopté seulement par le Sénat, mais ni par la masse des Français, ni par l'Assemblée nationale, ni par les syndicats, ni par les assemblées de travailleurs", a ajouté l'ancien candidat à la présidentielle.

"Les syndicats appellent à la poursuite de l'action et c'est à ça que nous allons nous atteler", a-t-il indiqué. Emmanuel Macron "ne peut pas imaginer passer à ce point par la force", aux yeux du tribun.

Réforme des retraites : Marine Le Pen annonce le dépôt d'une motion de censure

Le combat politique continue. Après l'utilisation du 49.3 sur le texte de la réforme des retraites par Elisabeth Borne, Marine Le Pen, la cheffe des députés RN, a annoncé le dépôt prochain d'une motion de censure.

Marine Le Pen (RN) a annoncé jeudi qu'elle déposerait une motion de censure contre le gouvernement après l'utilisation du 49.3 sur le texte de la réforme des retraites par Elisabeth Borne, en considérant que cette dernière "ne peut pas rester" à Matignon.

"Nous espérons que ceux qui s'apprêtaient à voter contre cette réforme des retraites voteront cette motion de censure. En ce qui nous concerne, nous déposerons une motion et nous voterons l'intégralité des motions de censure qui seront déposées", a ajouté la présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l'Assemblée nationale, qui compte 88 députés.

La triple candidate malheureuse à la présidentielle a estimé que l'utilisation du 49.3 "est un constat d'échec total pour Emmanuel Macron", "un échec personnel" du président de la République, autant qu'un "aveu extraordinaire de faiblesse" du gouvernement.

Selon elle, Elisabeth Borne "ne peut pas rester" à Matignon. "Il faut qu'elle parte. Le fait de rester serait considéré comme une gifle supplémentaire à l'égard du peuple français", a ajouté Marine Le Pen, en considérant que la situation était celle d'une "crise politique".

Retraites : des milliers de manifestants place de la Concorde après le 49.3, ambiance tendue avec les forces de l'ordre

Le texte de la réforme n'a pas été voté à l'Assemblée nationale. Sous les cris de l'opposition, le gouvernement a engagé sa responsabilité. Une manifestation sauvage est organisée place de la Concorde à Paris. D'autre rassemblements ont aussi lieu en France.

L'ambiance se tend place de la Concorde, des CRS se préparent à charger

En raison de plusieurs feux allumés place de la Concorde, des brigades de CRS sont mobilisées. «On est casqués car on a un pressentiment, c'est de la prévention», confie l'un des gendarmes. «Pour le moment, on n'attaque pas.» Certains manifestants ont des barrières en main, d'autres jettent des débris et des bouteilles sur les CRS. Ces derniers ont répliqué avec de premiers tirs de gaz lacrymogènes.