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8 mars 2018 4 08 /03 /mars /2018 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (35/50)

 

Victoire de Jemmapes – 6 novembre 1792

 

 

 

   

LA CONVENTION ET LA GUERRE :

NOVEMBRE 1792 - MARS 1793

   

 

 

 

 

    Le débat long et passionné sur le procès du Roi a occulté, au moins partiellement pendant près de deux mois, les difficultés militaires de la France.

    Certes, le général Dumouriez, après quelques victoires relativement faciles, a remporté la bataille de Jemmapes (6 Novembre 1792) qui a permis la conquête de la Belgique. Et c'est avec beaucoup d'enthousiasme que l'Assemblée a adopté, le 19 Novembre le célèbre décret : « La Convention nationale déclare au nom de la Nation française qu'elle accordera fraternité et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté... » (1) A ce décret s'en est ajouté un second, pris un mois plus tard : la protection accordée précédemment s'assortit d'une condition « les peuples accepteront la dictature révolutionnaire de la France ». C'était la période euphorique de la guerre : les armées de la République se devaient de libérer tous les peuples « opprimés ». Encore fallait-il que cette armée en ait la puissance et les moyens. Ce n'est malheureusement pas le cas, même si certains se laissent aller à imaginer que l'armée française est devenue invincible. Le jugement, puis l'exécution de Louis XVI*, vont, par ailleurs, bousculer les plans des députés en modifiant le cours des événements.

 

    Le 1er Février 1793, sur le rapport de Brissot, la Convention déclare la guerre à la fois à l'Angleterre et à la Hollande. Or l'armée de la République est dans l'incapacité de soutenir une campagne tant elle est désorganisée, mal nourrie, à peine vêtue. Les fournisseurs, protégés par Dumouriez, détournent les approvisionnements. Les volontaires, comme la loi les y autorise, rentrent chez eux après avoir achevé leur première campagne. Ainsi, alors qu’au 1er Décembre 1792, les armées comptaient environ 400 000 hommes, le 1er Février 1793 elles n'en comptent plus que 230 000. Comment se battre, et surtout comment faire face, sur plusieurs fronts à la fois, avec une telle armée ?

 

    La Convention est donc contrainte de prendre des mesures d'urgence pour essayer de rendre, à cette armée affaiblie, la combativité nécessaire. Il faut en priorité adapter d'urgence les moyens de cette armée aux ambitions militaires de la République.

    Sur la proposition de Dubois-Crancé, est engagée une unification : les volontaires seront réunis aux bataillons de ligne qui constituent l'armée de métier. Mais le rapport présenté, sur ce thème, par Dubois-Crancé à la Convention le 7 Février va constituer un nouveau sujet d'affrontement entre Girondins et Montagnards. Le 12, Saint-Just* soutient énergiquement le projet (2) alors que la Gironde s'y oppose, en particulier parce qu'elle désapprouve la procédure d'élection des officiers préconisée par le texte. Il s'ensuit quelques polémiques et des débats animés. Robespierre dans la « Lettre à mes Commettants » de Février, soutient lui aussi la réforme et reprend les principaux thèmes évoqués par Saint-Just* :

 

«  Il faut effacer dans l'armée cette monstrueuse différence entre les citoyens qui combattent pour la même Patrie, qui conserve le règne de l'ancien régime à côté du nouveau; donner aux uns tous les droits que l'intérêt public et la justice a sollicité pour les autres; voilà sans contredit l'opération la plus analogue, à la fois aux besoins actuels de l'Etat et aux maximes sur lesquelles repose notre liberté (...)

« Vous désorganisez, a-t-on ajouté, la manière d'être de l'armée de ligne, et vous changez sa morale; car l'armée de ligne a sa morale particulière. Nous ne désorganisons rien. Nous ne changeons que des noms et des habits; nous effaçons des institutions vicieuses qui ne tiennent point à l'essence de la discipline militaire; l'armée reste tout entière avec son mécanisme et sa moralité; la morale de l'armée est bien changée depuis que l'amour de la Patrie a remplacé l'amour des rois et que la vertu républicaine a succédé au point d'honneur (..)

« Ce qui paraît blesser surtout les adversaires de notre système, c'est le droit d'élire à une partie des grades laissés aux subalternes, quoiqu'il soit soumis au mode le plus sage, le plus simple et le plus facile. »  (3)

 

    La loi de « l'amalgame », puisque c'est ainsi qu'on l'appelle, est finalement votée le 21 Février; mais elle ne rentrera dans les faits, pour des raisons techniques et financières, qu'au début de l'année suivante. Et pourtant, c'est bien cette loi qui devait permettre la levée en masse de 300.000 hommes décrétée le 24 mais qui, aussitôt, va rencontrer les plus vives résistances.

    Reste que Robespierre qui a été longtemps un des adversaires les plus acharnés de la guerre, prône maintenant une idée qui est en train de faire son chemin : «  le véritable objet de notre politique doit être de détacher les peuples de la cause des tyrans ligués contre nous.. » Autrement dit : il faut « exporter » notre Révolution. C'est ce qu'il exprime dans sa « Lettre à mes commettants » :

 

«  Ne perdons jamais de vue que nous sommes en spectacle à tous les peuples, que nous délibérons en présence de l'univers. Songeons que chacun de nos discours retentit d'un pôle à l'autre, que les amis de l'humanité les recueillent avec empressement et que tous les partisans du despotisme les épient avec méchanceté pour calomnier la cause de la liberté (...) »

«  Mais le plus sûr moyen d'attirer les étrangers à nous, c'est notre conduite à l'égard des peuples chez qui nous sommes obligés de porter la guerre. Déjà la Convention nationale a déclaré à la face de l'univers, au nom de la Nation française, qu'elle ne faisait point la guerre aux peuples opprimés, mais aux gouvernements oppresseurs. Elle a fait plus; elle a appliqué ce grand principe par un décret immortel qui consacre la souveraineté des nations et qui défend aux généraux et aux citoyens français d'y porter aucune atteinte. Le moment est venu de renouveler cette déclaration solennelle et surtout de la faire exécuter religieusement (..) »

«  En leur offrant (à ces peuples), en leur garantissant l'exercice de leur souveraineté, le droit de se donner librement une constitution, nous remplissons tous leurs vœux; nous ne blessons ni leurs droits, ni leur orgueil, ni leurs préjugés. Ils nous sauront gré de les avoir délivrés de leurs tyrans et seront naturellement disposés à se liguer avec nous contre l'ennemi commun. Au contraire, si nous violons ce principe sous prétexte de hâter les progrès de la liberté, nous courons le risque de les aliéner... »  (4)

 

    Cette analyse, séduisante pour l'esprit d'un révolutionnaire parisien, va très vite s'avérer complètement erronée dans les faits. En particulier en Belgique où le peuple, dans sa grande majorité, ne voit pas du tout d'un bon œil le fait que les troupes françaises occupent son territoire, même si c'est dans le but de lui apporter la liberté !

 

    Comme si les difficultés ne semblaient pas assez évidentes, comme si la République n'avait pas déjà assez à faire sur ses frontières du nord et de l'est, le 7 Mars la guerre est déclarée à l'Espagne, puis la France rompt avec les souverains italiens et avec le Pape. « Un ennemi de plus pour la France », dit fièrement Barère, « n'est qu'un triomphe de plus pour la Liberté ».

    La France est donc maintenant en guerre avec l'Europe tout entière; une guerre que les Girondins ont voulue mais qu'ils n'ont pas su préparer et dont personne aujourd'hui ne peut prévoir l'issue. Les revers militaires qui, somme toute étaient prévisibles, compte tenu du déséquilibre des forces en présence, ne tardent pas à se produire.

    C'est Lacroix (5) qui, le 8 Mars, vient à la tribune rapporter les nouvelles désastreuses en provenance de la Belgique. Robespierre demande alors la parole pour prêcher courage et fermeté :

 

«  Vous venez d'entendre, de la bouche de l'un de vos commissaires, le récit de revers qu'a éprouvé l'une de nos armées dans la Belgique. Citoyens, quelque critique que paraissent les nouvelles circonstances dans lesquelles se trouve la République, je n'y puis voir qu'un nouveau gage du succès de la liberté; le moment d'un échec est celui qui présage d'un triomphe éclatant, et les avantages passagers des satellites du despotisme sont les avant-coureurs de la destruction des tyrans. Nous nous sommes trouvés dans des circonstances bien autrement difficiles, et nous sommes sortis victorieux du fond de l'abîme. Rappelez-vous l'époque glorieuse du 10 Août, vos défaites du mois de Septembre : alors vous n'aviez point d'armée; des généraux perfides nommés par la cour, et d'intelligence avec nos ennemis, avaient livré nos places sans défense. Nos soldats nus, mal approvisionnés, étaient disséminés sans ordre sur une frontière immense... »  (6)

 

    Et Maximilien conclut en rappelant que, malgré les difficultés, la France avait vaincu à Fleurus et à Jemmapes mais que la Convention devait, à nouveau prendre des mesures contre les conspirateurs, les traîtres, les généraux perfides et assurer sa protection aux amis de la liberté.

    Il est grand temps, en effet, de prendre des mesures énergiques. Sur la proposition de Danton*, on envoie, le soir même, des commissaires de la Convention dans toutes les sections de la capitale pour appeler les citoyens aux armes. Dans les jours qui suivront, l'Assemblée enverra d'autres émissaires dans les départements. Paris connaît une telle effervescence que les Girondins vont même tenter de faire accréditer l'idée que le climat dans la capitale est propice à des événements identiques à ceux de Septembre dernier...

    Robespierre, dans un de ses plus importants discours, avance, le 10 Mars, une idée neuve qui, selon lui, peut seule permettre de faire face à une situation nouvelle : le « gouvernement révolutionnaire ».

 

«  Pour moi, j'avoue que mes notions en politique ne ressemblent en rien à celles de beaucoup d'hommes. On croit avoir tout fait en ordonnant qu'il serait fait un recrutement dans toutes les parties de la République, et moi je pense qu'il faut encore un régulateur fidèle et uniforme de tous les mouvements de la Révolution (..) »

«  Je vous conjure, au nom de la patrie, de changer le système actuel de notre gouvernement; et pour cela, il faut que l'exécution des lois soit confiée à une commission fidèle, d'un patriotisme épuré; une commission si sûre, que l'on ne puisse plus vous cacher ni le nom des traîtres, ni la trame des trahisons (..) »

«  Il nous faut un gouvernement dont toutes les parties soient rapprochées. Il existe entre la Convention et le Conseil Exécutif une barrière qu'il faut rompre, parce qu'elle empêche cette unité d'action qui fait la force du gouvernement. Le Conseil Exécutif, presque isolé, ne communique avec vous pas seulement par les moyens des comités, mais par celui de tel ou tel individu plus intimement lié à telle ou telle partie du ministère. Les comités se saisissent d'une affaire; sur leur rapport vous prenez des décisions précipitées. Ainsi vous avez déclaré la guerre tantôt à un peuple, tantôt à l'autre, sans avoir consulté quels étaient vos moyens de soutenir vos résolutions : ainsi la Convention marche sans se rendre compte de ce qu'elle fait et de ce qu'elle a à faire. »  (7)

 

    Et , après avoir une fois encore dénoncé les généraux félons, il prend le parti de Dumouriez :

 

«  Dumouriez n'a eu jusqu'ici que de succès brillants, et qui ne me sont pas à moi une caution suffisante pour me prononcer sur lui. Mais j'ai confiance en lui, parce que son intérêt personnel, l'intérêt de sa gloire même, est attaché au succès de nos armes... »  (8)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (35/50)

 

Le Général DUMOURIEZ et son Etat-major à Jemmapes

6 novembre 1792

 

 

    Danton* succède à Robespierre à la tribune et, dans un discours enflammé, il exhorte à l'énergie et au courage avant de faire un éloge appuyé de Dumouriez (9). Le soir même, alors que les députés sont sur le point de quitter leur banc, Danton* bondit, une nouvelle fois, à la tribune pour exiger que les mesures dont on a parlé tout au long de la journée soient prises sur-le-champ : organisation d'un tribunal criminel extraordinaire (ce sera fait le soir même), envoi des commissaires de l'Assemblée dans les départements (ce sera fait le lendemain); mise à disposition du Conseil Exécutif de tous les moyens nécessaires pour faire face à la situation. C'est l'esquisse du gouvernement demandé par Robespierre quelques heures auparavant ! Les deux hommes sont, dans cette période de crise, en parfaite harmonie.

 

 

    Une semaine plus tard, le 18 Mars, se produit l'événement que beaucoup redoutaient : Dumouriez subit une défaite cuisante à Neerwinden puis, de nouveau, à Louvain le 21 Mars. Les frontières naturelles conquises à l'automne 1792 sont perdues, au début du printemps 1793, en quelques semaines.

 Toute la Belgique doit être évacuée à la fin du mois de Mars. Dumouriez entre alors en relation avec l'ennemi : son idée est de marcher sur Paris avec son armée, de dissoudre la Convention et de remettre sur le trône un nouveau Roi en la personne de Louis XVII.

     Robespierre qui a pris conscience du danger; Robespierre qui s'est rendu compte qu'en accordant, il n'y a pas si longtemps, sa confiance à Dumouriez il avait commis une grave erreur de jugement; Robespierre tonne à la tribune contre les ennemis de la République :

 

« Quand la République était tranquille au-dedans, et partout victorieuse dans ses armées, il était permis un instant d'essayer l'usage des principes de la générosité que nous dictaient nos mœurs... Mais quand l'aristocratie lève les armées au-dedans et tend les mains aux armées extérieures, quand le trône parait n'avoir été renversé que pour se rétablir à la voix d'un nouveau tyran (Dumouriez), c'est alors que le moment est venu pour les patriotes de reprendre dans toute son énergie cette haine vigoureuse et immortelle dont ils se sont montrés animés pour le nom des rois.. »  (10)

 

    Le 3 Avril, Dumouriez est déclaré traître à la Patrie et la Convention, devant la gravité de la situation, va siéger sans désemparer jour et nuit pratiquement jusqu'au 15. La veille, coïncidence qui va relancer l'affrontement entre les deux partis rivaux, Brissot faisait paraître, dans son journal, un fervent éloge du général.

    L’occasion est trop belle pour Robespierre de déclencher une nouvelle attaque contre la Gironde. Il ne la laisse pas passer et se lance dans un discours mémorable :

 

« Citoyens, dans ce moment-ci je me dois à moi-même, je dois à la patrie une profession de foi. Nommé membre du comité de défense générale, mais convaincu que les principes qui doivent sauver la patrie ne peuvent pas y être adoptés, je déclare que je ne me regarde plus comme faisant partie de ce comité. »

« Je ne suis pas bien convaincu qu’un système où la royauté serait combinée avec une sorte de constitution aristocratique déplairait à certains membres de ce comité; je ne suis pas bien convaincu qu’un pareil système ne conviendrait pas à certaines gens qui, quelquefois, parlent de patriotisme, mais qui nourrissent et  conservent dans leur âme une haine profonde pour l’égalité. Je ne veux pas délibérer avec ceux qui ont parlé le langage de Dumouriez, avec ceux qui ont calomnié les hommes à qui maintenant Dumouriez déclare une guerre implacable, avec ceux qui, à l’exemple de Dumouriez, ont calomnié Paris et la portion de l’assemblée vraiment amante de la liberté. »

 

« S’il ne m’est pas donné de sauver la liberté, je ne veux pas du moins être le complice de ceux qui veulent la perdre; je ne veux pas être membre d’un comité qui ressemble plutôt à un conseil de Dumouriez qu’à un comité de la Convention nationale. »  (Murmures à la droite de la tribune.)

« J’invoque à l’appui de ce que je dis le témoignage de Dumouriez lui-même, car, dans une de ses lettres, il a dit que le comité dont je parle était excellent, à l’exception de six membres: or, ces six membres, dont je m’honore de faire partie, ne peuvent obtenir la majorité; enfin, je ne veux pas être d’un comité dont la plupart des membres poursuivent avec acharnement les patriotes, tandis qu’ils gardent le silence sur les crimes de nos généraux. »

« Je ne puis vous dissimuler ma surprise de voir que ceux qui, depuis le commencement de la dernière révolution, n’ont cessé de calomnier ce _côté_(désignant le côté gauche) qui fut et qui sera toujours la patrie de la liberté, soient restés muets sur les crimes de Dumouriez, et qu’il n’y ait que nous, tant calomniés, qui ayons élevé la voix sur les perfidies de ce traître. »

 

    Brissot demande alors la parole et Robespierre profite de l'interruption du Girondin pour l'attaquer nommément :

 

« Pour étouffer la voix de la vérité dans les moments critiques pour le salut  public, on a coutume d’amollir le courage des patriotes par certaines idées de réunion qu’on a l’adresse de jeter en avant; mais moi, je fais profession de croire que l’amour seul de la liberté doit réunir les hommes, et je me défie de ces protestations brusques faites dans des moments critiques où l’on croit avoir besoin de feindre un rapprochement que l’on est bien loin de désirer: je me défie de ceux qui, dans des moments critiques, m’ont tendu la main, et qui, le lendemain, m’ont calomnié. Et, puisque Brissot demande la parole pour me foudroyer, je vais faire sur Brissot l’application de ce que je viens de dire. Je ne veux point sacrifier la patrie à Brissot, et, Brissot eût-il la confiance de cette assemblée, je déclare que si j’avais des faits certains à alléguer contre lui, je ne balancerais pas un moment à le démasquer ».

 

« J’applique à Brissot le principe que j’ai avancé. J’ai dit que je ne voulais point délibérer avec les amis de Dumouriez: eh bien ! Brissot a été et est encore l’intime ami de Dumouriez; c’est l’histoire de Dumouriez à la main que je veux le juger. Brissot est lié à tous les fils de la conspiration de Dumouriez. Je déclare qu’il n’y a pas un homme de bonne foi, qui ait suivi la vie politique de Brissot, qui puisse ne pas être convaincu de ce que j’avance. »

 

« Je déclare qu’il n’y a pas une seule circonstance où Brissot n’ait pris la défense de Dumouriez. Le système de Dumouriez a été de nous engager dans une guerre funeste et périlleuse, afin de la faire tourner contre la liberté. Dumouriez et Brissot furent les premiers à proposer la guerre contre l’Autriche. Et remarquez que nous leur disions: Avant de déclarer la guerre à l’Europe, abattez la cour et remplacez vos généraux. Que nous répondait-on? On excusait la cour; on nous disait que dire du mal de Lafayette* et des généraux, c’était troubler la discipline militaire, c’était se déclarer les ennemis de la patrie; on nous montrait tous les peuples, et principalement la Belgique, disposés à venir au devant des Français, et on nous faisait voir l’étendard de la liberté flottant sur le palais des rois ».

 

« Cependant cette guerre commença par des revers, et, malgré cela, on protégeait les généraux, et on les investissait d’un pouvoir dictatorial sur la motion des chefs de parti, ennemis jurés des patriotes. »

« Après l’époque du 10 août, nous étions cernés de despotes qui avaient juré la perte de la liberté, et qui avaient combiné leurs projets avec les ennemis de l’intérieur; au mois de septembre, nous apprîmes la prise de Verdun et que l’ennemi se portait sur Paris : personne jusqu’alors n’avait donné avis de son approche. Cependant quels étaient les ministres ? C’étaient ceux qu’avait fait nommer Brissot. Quels étaient les membres qui composaient la commission des Vingt-et-Un ? Brissot et ses partisans. Et ces ministres, nommés par Brissot, vinrent proposer à l’assemblée d’abandonner Paris avec le roi et sa famille, qui étaient alors au Temple ! Et si un autre ministre, qui n’est pas du parti Brissot, n’était venu apprendre au peuple ce que lui cachaient les hommes qui le dirigeaient; si la France ne s’était pas levée en masse, les ennemis seraient venus à Paris, et la république serait anéantie! »

« Dumouriez fut alors nommé pour commander l’armée qu’avait abandonnée Lafayette*,et ce furent Brissot et ses partisans qui le portèrent à cette place. Je ne sais ce qu’eut fait Dumouriez, si la France ne s’était levée tout entière; mais ce que je sais, c’est que Dumouriez conduisit poliment le roi de Prusse aux frontières; ce que je sais, c’est que l’armée française était furieuse de voir échapper les ennemis, quand elle eut pu les écraser; ce que je sais, c’est que Dumouriez se montra aussi respectueux envers le monarque prussien, qu’il se montre maintenant insolent envers les représentants du peuple français; enfin, ce que je sais, c’est qu’il ravitailla l’armée ennemie lorsqu’elle était prête à périr de misère et de faim. »

 

« Dumouriez, au lieu d’exterminer les Prussiens, qui s’étaient si imprudemment engagés dans le cœur même de la France, vient à Paris. Après avoir passé quelques jours avec les détracteurs des amis de la liberté, dans des festins scandaleux, il va dans la Belgique, où il débute par des succès éclatants pour ceux qui ne l’avaient pas apprécié. »

 

« Dumouriez, après avoir établi son empire dans cette partie de la Belgique, part pour la Hollande: s’il fût parti trois mois plus tôt, le succès de cette expédition était assuré. J’ai cru un moment que la gloire retiendrait pendant quelque temps Dumouriez dans les bornes de ses devoirs, et qu’il n’attenterait à la liberté de son pays qu’après avoir abattu les despotes conjurés contre elle; alors Dumouriez, dont les projets auraient été à découvert, me paraissait facile à renverser. »

 

« Dumouriez, après s’être emparé de quelques places de la Gueldre, se découvre tout à fait, et, tandis que tout était arrangé pour évacuer la Belgique, les généraux allemands, en partie donnés par Brissot, qui commandaient l’armée devant Maëstricht, nous trahissent. Si l’on ose nier ces faits, j’en donnerai des preuves plus authentiques. »

 

« A son retour de la Gueldre, Dumouriez se plaint-il d’avoir été trahi ? Non. Il jette au contraire un voile sur tous les faits : il fait l’éloge des généraux; il loue Miranda et Lanoue, généraux très connus par leur incivisme; il impute tous nos malheurs aux soldats; il veut persuader à la France que ses armées ne sont composées que de lâches et de voleurs. Nos revers se succèdent. Il donne une bataille, il la perd; il en accuse l’aile gauche de son armée, qui, dit-il, a plié; mais cette aile gauche était commandée par Miranda, par son ami, et l’on doit se rappeler que Dumouriez disait à son armée: “Ne vous découragez pas; surtout ayez confiance en vos généraux: ils sont mes élèves, ils sont mes amis. »

 

« Dumouriez avait établi l’aristocratie dans la Belgique, en réintégrant les officiers municipaux destitués par vos commissaires; Dumouriez avait fait des emprunts énormes; Dumouriez s’était emparé du trésor public, après en avoir fait emprisonner les gardiens: Dumouriez avait assuré sa fortune et sa trahison; ensuite il déclare la guerre à la Convention nationale; il distingue deux partis qui la composent: l’un qui est subjugué (et Brissot doit se ranger dans ce parti) et l’autre qui domine. »

 

« Dumouriez dit qu’il vient protéger ce parti, qu’il dit être opprimé; il dit que Paris donne la loi à la nation, et qu’il faut anéantir Paris, et c’est dans ce moment que nous délibérons, et que l’on me fait un crime de penser que Dumouriez a ici des partisans, et que ces partisans sont les hommes qu’il veut protéger! »

« On m’en fait un crime, lorsqu’ils tinrent toujours un langage qui devrait les faire reconnaître ! on m’en fait un crime, lorsqu’ils firent tout pour se partager la puissance ! on m’en fait un crime, lorsque les Anglais, accusés d’avoir des partisans dans cette enceinte, menacent nos côtes ! enfin, l’on m’en fait un crime, lorsque Dumouriez s’efforce de décourager la nation, en lui disant que les troubles qui nous agitent nous mettent dans l’impossibilité de résister aux ennemis extérieurs, en même temps que nous réduirons les révoltés de l’intérieur; lorsque Dumouriez méprise la nation au point de dire qu’elle n’a plus d’autre parti à prendre que de transiger avec les ennemis! Et il se propose pour médiateur, lorsqu’il propose de diviser son armée et de marcher avec une partie sur Paris… ».

 

« Voilà une partie de mes doutes; voilà la source dans laquelle nous devons puiser les moyens de sauver la liberté. Sauver la liberté !… Mais la liberté peut-elle se sauver, lorsque les amis du roi, lorsque ceux qui ont pleuré la perte du tyran, et qui ont cherché à réveiller le royalisme, paraissent nos protecteurs, paraissent les ennemis de Dumouriez, lorsqu’il est évident à mes yeux qu’ils sont ses complices. »

 

« Voilà mes faits: ils ne convaincront que les hommes de bonne foi, mais je déclare que lorsque Dumouriez est d’intelligence avec l’homme que j’ai nommé, et avec tous ceux…..

 

UNE VOIX : « Nommez-les donc !... »

 

« Je ne veux point convaincre les conspirateurs ni les ennemis de la France; je ne veux que dire la vérité, et, quand les hommes que j’ai désignés auront assassiné la liberté et ses défenseurs, on dira qu’au moment où ils allaient exécuter leur complot  liberticide, je disais la vérité, et que je démasquais les traîtres. »

 

« Je déclare que la première mesure de salut à prendre, c’est de décréter d’accusation tous ceux qui sont prévenus de complicité arec Dumouriez, et notamment Brissot ». (Applaudissements des tribunes.)  (11)

 

    Le coup porté à Brissot est rude. Les accusations portées contre la Gironde, Robespierre les reprend le soir même à la tribune du Club des jacobins :

 

« Il faut savoir que Dumouriez est le général de tous les contre-révolutionnaires de France, de tous les royalistes, de tous les Feuillants ; il faut savoir qu’il est d’intelligence avec les puissances étrangères ; il faut savoir qu’il veut nous forcer de transiger sur notre liberté. »  (12)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (35/50)

 

Danton entre eu Comité de Salut Public – 6 avril 1793

 

 

    Le 5 Avril, Dumouriez, qui n'a pas été suivi par son armée dans sa tentative de « coup d'état », passe dans le camp des autrichiens.

 

    Devant tous ces périls, la Convention a tenté, pas à pas, de se structurer. Elle a nommé, on l'a vu, un Comité de Sûreté Générale, mis en place un Tribunal révolutionnaire. Elle a dépêché des représentants en mission auprès des chefs militaires les moins « sûrs ». Enfin, le 6 Avril, elle crée le Comité de Salut Public destiné à « surveiller et accélérer » l'action du Conseil exécutif. Ce Conseil Exécutif, composé de six ministres, qui avait été formé en Août dernier a, en effet, donné depuis longtemps la preuve de son incapacité.

    Ce premier Comité de Salut Public comprend Barère, Lindet, Danton* et six autres membres de la fraction dantoniste de la Montagne. Danton* en est le maître incontesté d'abord du fait de sa personnalité, ensuite parce qu'il a reçu, lors de son élection à ce poste, un soutien massif de ses collègues.

    Un pas vient d'être fait vers le gouvernement révolutionnaire réclamé par Robespierre, il y a quelques jours à peine.

 

    Même si les nuages s'accumulent dans le ciel de la République, les rancunes, à l'Assemblée, ne sont pas sur le point de s'apaiser. Le 10 Avril, Robespierre, intervenant à la suite de Pétion puis de Danton*, se présente à la tribune dans un climat extrêmement tendu, et dresse  un véritable acte d'accusation de la Gironde :

 

« Une faction puissante conspire avec les tyrans de l’Europe, pour nous donner un roi avec une espèce de constitution aristocratique; elle espère nous amener à cette transaction honteuse par la force des armes étrangères et par les troubles du dedans. Ce système convient au gouvernement anglais, il convient à Pitt, l’âme de toute cette ligne; il convient à tous les ambitieux; il plaît à tous les aristocrates bourgeois, qui ont horreur de l’égalité, à qui l’on a fait peur, même pour leurs propriétés; il plaît même aux nobles, trop heureux de trouver, dans la représentation aristocratique et dans la cour d’un nouveau roi, les distinctions orgueilleuses qui leur échappaient. »

« La république ne convient qu’au peuple; aux hommes de toutes les conditions qui ont une âme pure et élevée, aux philosophes amis de l’humanité, aux sans-culottes, qui se sont en France parés avec fierté de ce titre, dont Lafayette* et l’ancienne cour voulaient les flétrir (..) »

« Tous les ambitieux qui ont paru jusqu’ici sur le théâtre de la révolution ont eu cela de commun, qu’ils ont défendu les droits du peuple aussi longtemps qu’ils ont cru en avoir besoin. Tous l’ont regardé comme un stupide troupeau, destiné à être conduit par le plus habile ou par le plus fort. Tous ont regardé les assemblées représentatives comme des corps composés d’hommes ou cupides ou crédules, qu’il fallait corrompre ou tromper, pour les faire servir à leurs projets criminels. Tous se sont servis des sociétés populaires contre la cour, et, dès le moment où ils eurent fait leur pacte avec elle ou qu’ils l’eurent remplacée, ils ont travaillé à les détruire. Tous ont successivement combattu pour ou contre les jacobins, selon les temps et les circonstances. (…) »

 

« La faction dominante aujourd’hui était formée longtemps avant la Convention nationale. A la fin de juillet dernier, ils négociaient avec la cour, pour obtenir le rappel des ministres qu’ils avaient fait nommer au mois de janvier précédent. L’une des conditions du traité était la nomination d’un gouverneur au prince royal (il n’est pas nécessaire de dire que le choix devait tomber sur l’un d’entre eux). A la même époque, ils s’opposaient de tout leur pouvoir à la déchéance de Louis, demandée par le peuple et par les fédérés; ils firent décréter un message et des représentations au roi. Ils n’ont rien négligé pour empêcher la révolution du 10 août; dès le lendemain, ils travaillèrent efficacement à en arrêter le cours. Le jour même du 10, ils firent tout ce qui était en eux pour que le ci-devant roi ne fût pas renfermé au Temple; ils tâchèrent de nous rattacher à la royauté, en faisant décréter par l’assemblée Législative qu’il serait nommé un gouverneur au prince royal. A ces faits, consignés dans les actes publics et dans l’histoire de notre révolution, vous reconnaissez déjà les Brissot, les Guadet, les Vergniaud, les Gensonné, et d’autres agents hypocrites de la même coalition.(..) »

 

« Eux seuls recueillirent les fruits de la victoire du peuple; ils s’en attribuèrent même tout l’honneur. Leur premier soin, après l’acte conservatoire du prince royal et de la royauté, fut de rappeler au ministère leurs créatures, Servan, Clavière et Roland. Ils s’appliquèrent surtout à s’emparer de l’opinion publique, ils avaient eu soin de faire remettre entre les mains de Roland des sommes énormes pour la façonner à leur gré. Auteurs ou payeurs des journaux les plus répandus, ils ne cessèrent de tromper la France et l’Europe sur la révolution qui venait de renverser le trône. Ils dénoncèrent chaque jour le peuple de Paris et tous les citoyens généreux qui y avaient le plus puissamment concouru. » (13)

 

    Et l’Incorruptible rappelle tous les griefs qu'il a accumulés contre Dumouriez : Valmy, où les soldats de la République ont été retenus de pourchasser l'ennemi autrichien; Jemmapes : « ce succès moins fatal au despotisme qu'à la liberté ». De Dumouriez, Robespierre passe à la Gironde et montre combien les intérêts de l'un coïncident avec ceux des autres. Au passage, il fait plusieurs allusions à Danton*, chaque fois pour prendre sa défense.

    C'est Vergniaud qui improvisera une réponse à Robespierre réfutant, une à une, avec un grand talent, les accusations portées contre la Gironde. Cependant, pour la première fois, les Girondins se sentent vraiment en danger : ils imaginent alors de mobiliser autour d'eux les possédants et les exhortent à bouger pour préserver leurs propriétés menacées, selon eux, par les lois de la République.  Pétion, dans une « Lettre aux Parisiens » diffusée mi-avril, appelle à la lutte :  « Vos propriétés sont menacées et vous fermez les yeux sur ce danger. On excite la guerre entre ceux qui ont et ceux qui n'ont pas, et vous ne faites rien pour la prévenir. Quelques intrigants, une poignée de factieux vous font la loi, vous entraînent dans des mesures violentes et inconsidérées, et vous n'avez pas le courage de résister (...) »

« Parisiens, sortez enfin de votre léthargie et faites entrer ces insectes dans leurs repaires.. » (14)

 

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (35/50)

 

Bertrand BARERE de VIEUZAC

 

 

    Depuis le 3 Avril, la Convention est en session permanente et les esprits ne cessent de s'échauffer malgré la fatigue. La Gironde qui a lancé la contre-attaque ne peut plus reculer. Il faut qu'elle parvienne à frapper durement cette députation de Paris qui devient chaque jour un peu plus menaçante. Elle va l'atteindre par le plus vulnérable et surtout par le plus symbolique de ses membres : Marat*. Le journaliste est mis en accusation le 13 Avril, malgré le soutien que lui apporte Robespierre. Il sera acquitté par le tribunal révolutionnaire, le 24 Avril suivant, et porté en triomphe jusqu'à la Convention par une foule en liesse qui reconnaît toujours, dans l'Ami du Peuple, le véritable défenseur des faibles. Nouvel échec pour les Girondins qui s'attendaient au moins à ce que Marat* soit condamné à une peine symbolique !..

    La Réplique de l'Incorruptible aux attaques de la Gironde va être très vive : dans son discours sur la Déclaration des Droits du 24 Avril, il précise ses conceptions de la propriété :

 

«  L'égalité des biens est une chimère. Pour moi, je la crois moins nécessaire encore au bonheur privé qu'à la félicité publique. Il s'agit bien plus de rendre la pauvreté honorable que de proscrire l'opulence.. »  (15)

 

«  La propriété est le droit naturel qu'a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion des biens qui lui est garantie par la loi, droit borné à l'obligation de respecter les droits de tous les autres co-associés, sans pouvoir porter préjudice à leur sûreté, à leur liberté, à leur existence et à leur propriété.. » (16)

 

    La notion de propriété, telle qu'elle a été admise jusqu'à présent, celle que les Girondins défendent, lui paraît non seulement périmée mais nuisible pour le succès de la Révolution. Robespierre met tous ses talents d'orateur au service de ses convictions dans ce discours qui restera célèbre 

 

«  Posons donc de bonne foi les principes du droit de propriété, il le faut d'autant plus qu'il n'en est point que les préjugés et les vices des hommes aient cherché à envelopper de nuages plus épais. »

« Demandez à ce marchand de chair humaine ce que c'est que la propriété; il vous dira en vous montrant cette longue bière qu'il appelle un navire, où il a encaissé et serré des hommes qui paraissaient vivants : voilà mes propriétés, je les ai achetées tant par tête. Interrogez ce gentilhomme qui a des terres et des vassaux ou qui croit l'univers bouleversé depuis qu'il n'en a plus; il vous donnera de la propriété des idées à peu près semblables. »

« Interrogez les augustes membres de la dynastie capétienne; ils vous diront que la plus sacrée des propriétés est, sans contredit, le droit héréditaire dont ils ont joui, de tout antiquité, d'opprimer, d'avilir et de s'assurer légalement et monarchiquement les 25 millions d'hommes qui habitaient le territoire de la France sous leur bon plaisir... »  (17)

 

    A l'adresse des Girondins, défenseurs des propriétaires, et des bourgeois en général

 

«  Vous avez multiplié les articles (de la Déclaration des Droits) pour assurer la plus grande liberté à l'exercice de la propriété, et vous n'avez pas dit un seul mot pour en déterminer le caractère légitime; de manière que, votre déclaration parait faite, non pour les hommes, mais pour les riches, pour les accapareurs, pour les agioteurs, pour les tyrans.. »  (18)

 

    Puisque les Girondins ont alerté les propriétaires, Robespierre, lui, va rallier les sans-culottes en leur donnant un espoir de faire de la Révolution une vraie démocratie avec de véritables changements sociaux. Il donne alors lecture de son projet de Déclaration des Droits présenté aux Jacobins trois jours plus tôt. Un projet novateur, qui ne correspond pas au texte qui vient d'être voté par la Convention, mais dont une part importante sera reprise dans le texte final :

 

«  Le but de toute association politique est le maintien des droits naturels et imprescriptibles de l'homme...Ses principaux droits sont celui de pourvoir à la conservation de son existence et la liberté.. Ces droits appartiennent également à tous les hommes...L'égalité des droits est établie par la nature...La liberté a la justice pour règle, les droits d'autrui pour bornes, la nature pour principe, et la loi pour sauvegarde. Le droit de propriété est borné, comme tous les autres, par l'obligation de respecter les droits d'autrui....Tout trafic qui viole ce principe est essentiellement illicite et immoral...La société est obligée de pourvoir à la subsistance de tous ses membres...Les secours indispensables à celui qui manque du nécessaire, sont une dette de celui qui possède le superflu...La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens...Le peuple est le souverain,; le gouvernement est son ouvrage et sa propriété; les fonctionnaires publics sont ses commis...Toute loi qui viole les droits imprescriptibles de l'homme est essentiellement injuste et tyrannique; elle n'est point une loi...Toute institution qui ne suppose pas le peuple bon, et le magistrat corruptible est vicieuse...Les hommes de tous les pays sont frères, et les différents peuples doivent s'entraider, selon leur pouvoir, comme les citoyens du même Etat.. Celui qui opprime une seule nation se déclare ennemi de toutes...Ceux qui font la guerre à un peuple pour arrêter les progrès de la liberté et anéantir les droits de l'homme, doivent être poursuivis par tous, non comme des ennemis ordinaires mais comme des assassins et comme des brigands rebelles...Les rois, les aristocrates, les tyrans, quels qu'ils soient, sont des esclaves révoltés contre le souverain de la terre qui est le genre humain, et contre le législateur de l'univers, qui est la nature. »  (19)

 

    Le regain de tension entre les deux clans rivaux a des conséquences immédiates : la fièvre monte, aussi bien à Paris que dans les grandes villes de province. Une atmosphère d'insurrection règne à nouveau dans les faubourgs de la capitale.

    Le 15 Avril déjà avait été présentée à l'Assemblée une adresse cautionnée par 35 des 48 sections de Paris donnant la liste nominative de 22 députés accusés de crime de félonie envers le peuple souverain. L'adresse demandait que la liste soit communiquée à tous les départements et que, après que ceux-ci aient donné leur accord, les 22 députés soient exclus de la Convention. L'Assemblée a désapprouvé mais cela n'a pas empêché le climat de se détériorer encore davantage. Les Girondins font le jeu des contre-révolutionnaires et même, dans certaines régions, collaborent avec des royalistes.

    Le 1er Mai, une pétition du Faubourg Saint-Antoine est présentée à la Convention. Elle exige la taxation, un emprunt forcé sur les riches et des mesures de recrutement. Le rapporteur de la délégation conclut sa requête par cette phrase en forme d'ultimatum : « Si vous ne les adoptez pas (ces mesures), nous vous déclarons (..) que nous sommes en état d'insurrection : dix mille hommes sont à la porte de la salle. »  (20) La Gironde demande aussitôt l'arrestation des pétitionnaires et il faudra toute l'habileté et le fermeté de Danton* pour éviter ce triste sort aux délégués du Faubourg Saint-Antoine!

    Il est évident maintenant que le moindre incident survenant dans la capitale est exploité par la Gironde pour dénoncer les activités de la Commune. Robespierre, lui, continue à fustiger les contre-révolutionnaires. On l'entend à nouveau à la tribune le 8 Mai :

 

« La nécessité de s’armer pour repousser les ennemis de la liberté est sentie par tous les citoyens. Le besoin de venger nos frères massacrés est dans le cœur des concitoyens de cette grande cité, qui a si bien mérité de la patrie. Une seule raison doit frapper la Convention, c’est d’empêcher que les efforts du patriotisme ne tournent au profit de la trahison et de l’aristocratie. »

«  La guerre étrangère et la guerre civile ont été jusqu’ici des gouffres qui ont dévoré les meilleurs citoyens. Paris a fourni plus de cinquante mille hommes, soit contre les despotes coalisés, soit contre les ennemis intérieurs. Ce n’est point assez que nous arrêtions la marche des contre-révolutionnaires; prenons des mesures contre les complices des rebelles et de l’ennemi extérieur, qui cherchent à faire la contre-révolution dans Paris. Paris est le centre de la révolution; Paris fut le berceau de la liberté, Paris en sera le plus ferme rempart. A ce titre, Paris mérite d’être attaqué par tous les ennemis; c’est contre lui que Brunswick, Cobourg et les rebelles dirigent tous leurs efforts. S’il y a une armée de contre-révolutionnaires dans la Vendée, il y en à une autre dans Paris; il faut contenir l’une et l’autre, et quand nous envoyons les patriotes de Paris à la Vendée contre les rebelles, il faut que nous n’ayons rien à craindre ici de leurs complices. »

 

« Si l’aristocratie, dans ces derniers jours, a osé lever la tête; si des citoyens que leur incivisme condamnait au silence se sont répandus dans les sections, que sera-ce lorsqu’il sera parti une armée de patriotes? Il faut que les ennemis de la liberté, sous quelque nom qu’ils se présentent, robins, nobles, financiers, banquiers ou prêtres, ne puissent lui nuire. Je demande, en conséquence, que tous les gens suspects soient gardés en otage et mis en état d’arrestation. (Une grande partie de l’assemblée et les citoyens des galeries applaudissent. Des rumeurs s’élèvent dans la partie opposée.) »

 

« Je dis que, sans cette précaution, les efforts des patriotes tourneraient au profit de l’aristocratie. Il ne faut pas non plus déclarer la guerre aux autorités constituées; il faut encourager les efforts de la commune de Paris, du maire, qui, en mettant en état d’arrestation les coupables, est loin encore d’avoir rempli la tâche que lui impose le salut public. Il faut que les bons citoyens veillent sur les intrigants qui affluent dans les sections, et que nos femmes et nos enfants respirent en sécurité. Il faut que les citoyens qui vivent de leur travail, et qui peuvent à peine pourvoir à la subsistance de leurs familles, reçoivent une indemnité le jour où ils monteront leur garde. »

 

« Il faut veiller à ce que l’on fabrique des armes de toute espèce, afin de mettre Paris dans un état respectable de défense; car le but des ennemis est de détruire cette ville. Il faut que des forges soient établies dans toutes les places publiques, afin de ranimer l’énergie des citoyens par la vue de nouveaux moyens de défense. Voilà les mesures que je propose; je prie la Convention de les prendre en très grande considération. » (21)

 

    Le soir même, il lance, aux Jacobins,  un appel pathétique à l'adresse des sans-culottes :

 

« Vous avez des aristocrates dans les sections, chassez-les ! »

«  Vous avez la Liberté à sauver, proclamez les droits de la Liberté et déployez toute votre énergie. »

«  Vous avez un peuple immense de sans-culottes, bien purs, bien vigoureux; ils ne peuvent quitter leurs travaux, faites les payer par les riches... »  (22)

 

    Faites payer les riches !... C'est, en cette période, un des seuls messages qui peut assurer à son auteur la reconnaissance populaire. Et la Convention va décider, elle aussi, de mesures destinées à se rallier le peuple : elle décrète le 20 Mai un emprunt forcé sur les riches. « Pour rallier le peuple » dira l’historien A.Soboul, « la Convention acceptait des mesures de circonstance qui revêtaient un aspect de classe » . (23)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   Albert SOBOUL  "La Révolution française"  op. cit. page 276

 

(2)    Voir discours du 12 Février à Saint-Just*

 

(3)   ROBESPIERRE  "Lettre à mes Commettants"  n°6  Février 1793

        Cité par J.P. BERTAUD "C'était dans le Journal pendant la Révolution" op. cit. page 257-258

 

(4)   ROBESPIERRE  "Lettres à mes Commettants"

        cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."  op. cit. pages 288-289

 

(5)   DELACROIX (Jean François, dit aussi LACROIX) : Né le 3 Avril 1753. Il s'engage très jeune dans la gendarmerie royale avant de devenir avocat. Elu à la Législative puis à la Convention, ami de Danton*, il se fait remarquer par ses attaques violentes contre le roi et la Cour. Envoyé par Danton en mission auprès de Dumouriez, il défendra ce dernier jusqu'au jour de sa trahison.

Membre du Comité de Salut Public à partir du 7 Avril 1793, il participera à l'élimination des Girondins. Accusé par Robespierre et Saint-Just*, il sera guillotiné avec Danton* le 5 Avril 1794.

 

(6)   MONITEUR DU 9 Mars 1792

        cité par Ernest HAMEL  "Histoire de Robespierre"  op. cit.Vol.2, page 629

 

(7)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton...."  op. cit. page 295

 

(8)   idem page 296

 

(9)   Voir Danton*

 

(10)  cité par Albert MATHIEZ  "Etude sur Robespierre"

       op. cit.  page 62

 

(11)  Discours de Maximilien Robespierre à la Convention Nationale le 3 avril 1793

 

(12) cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."  op. cit. page 306

 

(13  Discours de Maximilien Robespierre à la Convention Nationale le 10 avril 1793.

 

(14) Albert SOBOUL  "La Révolution française"  op. cit. page 293

 

(15)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."  op. cit. page 316

 

(16)  cité par Albert MATHIEZ  "Etude sur Robespierre" op. cit. page 229

 

(17)  MONITEUR  cité par A. MATHIEZ  "Etudes Robespierristes" op . cit. page 325

 

(18)  Albert SOBOUL  "La Révolution française"  op. cit.  page 293

 

(19)  cité par Gérard WALTER  "Robespierre"  op. cit. pages 485-486

 

(20)  cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton ..."  op. cit. page 318

 

(21)  Discours de Maximilien Robespierre à la Convention Nationale le 8 mai 1793

 

(22)  Albert MATHIEZ  "La Révolution française"  op. cit. page 370

 

(23)  Albert SOBOUL  "La Révolution française"  op. cit. page  291

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (36/50)

 

ELIMINATION DES GIRONDINS : 31 MAI - 2 JUIN 1793

LA CONSTITUTION MONTAGNARDE : JUIN 1793

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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