L'Inde se lance dans la mise en place d'une sécurité sociale. 1,2 milliards de personnes sont concernées.
"Le gouvernement de Narendra Modi propose la création d'un système de sécurité sociale universelle pour tous les Indiens, spécialement les pauvres et les plus défavorisés." Ainsi s'exprimait hier Arun Jaitley, le puissant ministre des Finances de l'Inde, devant les députés médusés. Ajoutant : "Une large proportion de la population indienne ne possède pas de couverture sociale, qu'il s'agisse d'assurances santé, vie ou accident. Notre population jeune est aussi appelée à vieillir et elle manquera de retraites."
Une annonce qui paralyse l’opposition
Le premier budget du gouvernement Modi ratisse large. Présenté samedi 28 février dernier devant le Parlement indien, il vise à attirer les investissements – y compris étrangers – mais il prend aussi largement en compte les plus démunis. Un grand écart qui a laissé l'opposition sans voix. Difficile en effet pour le Parti du congrès, dirigé par Sonia Gandhi, de critiquer des annonces aussi spectaculaires que la création d'un système de sécurité sociale pour 1,2 milliard d'Indiens. En dix ans de pouvoir, de 2004 à 2014, jamais le parti de centre gauche des Gandhi n'avait osé aller si loin.
Les exclus de l'économie grise et de l'agriculture
Pour l'heure, si certaines entreprises offrent à leurs employés une assurance maladie, voire une retraite généralement versée sous forme de forfait lors du départ, de vastes segments de la population ne bénéficient d'aucune couverture sociale, ni pour eux ni pour leurs enfants. Cela va des travailleurs de l'"économie grise", non déclarés et qui ne gagnent pas assez pour cotiser à une caisse d'assurance maladie privée, aux paysans. Ces derniers étant de loin les plus mal lotis. Or ils représentent entre 70 % et 80 % de la population! Même l'Aam Aadmi Party (AAP, le Parti du citoyen ordinaire), qui vient de remporter une éclatante victoire dans la région de Delhi et dont le cheval de bataille reste la lutte contre la corruption, n'a guère de raisons de se plaindre du budget présenté hier. Afin d'éviter détournements de fonds et gaspillage, le gouvernement de Narendra Modi a décidé de verser l'argent de l'aide sociale directement sur les comptes des bénéficiaires.
Arun Jaitley l'a rappelé, le Premier ministre avait déjà lancé il y a quelques mois, en partie à cet effet, son fameux projet d'"inclusion financière". L'idée était d'amener chaque foyer indien, y compris dans les zones rurales les plus reculées, à ouvrir au moins un compte en banque. "Quand une personne ouvre un compte en banque, elle participe à la vie économique du pays", avait déclaré Modi lors de son discours à l'occasion de la fête de l'Indépendance, le 15 août dernier.
Le précédent de la carte d'identité obligatoire
En introduisant en 2010 la carte d'identité biométrique obligatoire, appelée Aadhaar Card, le précédent gouvernement avait bien essayé de faire entrer dans le système tous les Indiens, y compris les habitants des bidonvilles et des zones les plus reculées. Ce ne fut pas une mince affaire et nombre d'habitants ne sont toujours pas comptabilisés. C'est dire si cette "sécu" indienne va probablement se heurter à bien des difficultés.
Source : leJDD.fr 02-03-2015