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19 août 2017 6 19 /08 /août /2017 07:00
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MIRABEAU (19)

 

 

 

 

LIBRE ENFIN, MAIS BRISE : 1780 - 1781

 

 

 

 

 

    Bientôt Dupont de Nemours ne viendra plus rendre visite au prisonnier. Les deux amis se sont définitivement fâchés car ils n'ont plus rien à se dire. La vie de Mirabeau au Donjon de Vincennes s’écoule comme avant : lente et monotone. Sa santé continue à se dégrader. Il tousse souvent et éprouve de violents maux de tête.

    D'ailleurs, au début de l'année 1780, on l'autorise à faire quelques promenades dans le Donjon pour raffermir ses jambes qui, si cela continue, ne pourront plus le porter. Ce petit changement dans ses habitudes constitue pour Mirabeau un événement qui modifie sa vie assez notablement. En effet, pour la première fois depuis plusieurs années, il entrevoit des femmes. Une multitude de fantasmes lui revient subitement à l'esprit et alimente, à partir de ce jour, les lettres à Sophie. Mais cela va même beaucoup plus loin puisque, à partir de Février, il se lance dans un genre d'écriture qu'il n'a encore jamais pratiqué : la littérature pornographique. Il entreprend un roman intitulé « Ma Conversion » dont il envoie à Sophie de nombreux extraits :

 

 

«  Jusqu'ici mon ami, j'ai été un vaurien; j'ai couru les beautés, j'ai fait le difficile. A présent la vertu rentre dans mon cœur. Je ne veux plus foutre que pour de l'argent. Je vais m'afficher étalon juré des femmes sur le retour et je leur apprendrai à jouer du cul à tant par mois... »  (1)

 

«  C'est un vrai livre de morale.. »  écrit-il à Sophie qui ne semble pas avoir été trop surprise de découvrir ce genre de texte sous la plume de son Gabriel !...

   Le roman de Mirabeau n'est en fait que la sordide histoire d'un maquereau qui ne parviendra pas « à faire bander tout l'univers » comme l'espère l'auteur dans son introduction. Ce n'est pas non plus avec ce genre d'écrits que Gabriel-Honoré gagnera ses titres de gloire, mais peu lui importe. C'est le désespoir qui maintenant le pousse. Que peut-il donc encore attendre de la vie si ce n'est ce que lui apportent ses rêves ou ses fantasmes. Mirabeau s'étourdit pour ne plus penser à sa solitude, à son avenir; pour oublier sa vie !...

 

    Mais la vie qui ne l'a pourtant pas beaucoup gâté jusqu'à présent le rattrape encore et lui livre, périodiquement, son lot de souffrances supplémentaires. Le 23 Mai 1780 il apprend que sa fille Sophie-Gabrielle vient de mourir à l'âge de deux ans.  Après avoir perdu un fils qu'il n'a pas eu le temps d'élever, Mirabeau perd la fille qu'il n'a jamais connue. Il en ressent une profonde souffrance : il aimait cette enfant sans même l'avoir jamais vue. Il partage surtout la douleur de Sophie qui, elle, est anéantie. Cette cruelle épreuve va donner à leur correspondance un ton nouveau. Quelque chose s'est définitivement brisé chez elle. Lui commence insensiblement à penser qu'il ne vivra plus jamais aux côtés de sa chère Sophie....

 

     Aucune éclaircie à l'horizon. Depuis le 6 Juin 1777, date à laquelle il a été incarcéré ici, Mirabeau arpente sa cellule en espérant un peu de clémence de la part de ceux qui n'ont cessé de le persécuter. Il sait aujourd'hui qu'il n'a plus rien à attendre de son père qui est définitivement neurasthénique. Il n'a rien à attendre sauf... s'il cède et accepte les termes du contrat proposé par l'Ami des Hommes. Il a juré, bien sûr, qu'il ne céderait jamais, mais il est à bout. Alors, un beau matin, la mort dans l'âme, il prend sa plume et écrit à son père qu'il est prêt à accepter toutes ses conditions...

 

    L'Ami des Hommes, quoi que psychiquement dérangé, tiendra toutes les promesses faites à son fils. Gabriel-Honoré de Mirabeau quitte le Donjon de Vincennes le 13 Décembre 1780 après trois années et demie de détention dans cette sinistre prison. Il est libre mais physiquement épuisé et moralement brisé.

   Il a pris l'engagement auprès de son père de reprendre la vie commune avec Emilie de Marignane. Mais l'Ami des Hommes ne considère tout de même pas que les fautes soient effacées pour autant. Il refuse catégoriquement de recevoir son fils chez lui. Il lui interdit même de porter le nom des Mirabeau : jusqu'à ce qu'il en ait décidé autrement, son fils est prié de se faire appeler Monsieur Honoré.

    Mirabeau séjourne donc à Paris sous son nom d'emprunt car il sait trop bien maintenant ce qu'il en coûte de braver l'autorité paternelle ! Il a repris contact avec son ami Dupont de Nemours et passe parfois quelques jours chez lui. Il lui arrive même de se rendre à Versailles et de ressentir à nouveau une sensation qu'il avait totalement oubliée : il a un cruel besoin d'argent.

    Mirabeau, alias monsieur Honoré, se doit de regagner son honorabilité aussi demande-t-il une audience à Maurepas pour se justifier. Il est reçu par le ministre mais celui-ci, passablement énervé, lui signifie combien il est las des affaires de la famille Mirabeau :

 

" Voilà sur mon bureau soixante lettres ou ordres pour la famille Mirabeau ! Il faudrait un Secrétaire d'Etat exprès pour eux. Si l'on chassait de Paris tous ceux qui y vivent d'intrigues, l'herbe y viendrait. Votre père me prend pour son homme d'affaires. N'est-il pas honteux de ne point voir de fin aux scandales de cette famille ?" (2)

 

    Mais Mirabeau a subi, de la part de son père, un lavage de cerveau en bonne et due forme. A tel point qu'il prend maintenant ouvertement parti en faveur de l'Ami des Hommes.

 

 

 

 

 

 

1 - Lettre à Sophie citée par Claude MANCERON  "Les Hommes de la Liberté" op. cit. Vol II, page 279

 

2 - Cité par DAUPHIN MEUNIER  "Louise de Mirabeau Marquise de Cabris"  op. cit. Page 240

Et Claude MANCERON  "Les Hommes de la Liberté"  op. cit. Vol II, page 413

 

 

 

ILLUSTRATION : Jean Frédéric Phélypeaux de Maurepas, Secrétaire d'Etat à la Marine (1736)

Gravure de Gilles Edmé Petit d'après L-M Van Loo.

 

 

 

 

A SUIVRE

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MIRABEAU (20)   

ADIEU SOPHIE : 1781

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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