
Le livre des journalistes Antonin André et Karim Rissouli, « Hold-ups, arnaques et trahisons » (Editions du moment), ne sortira que jeudi, mais agite déjà le landerneau socialiste. Il met en lumière une vaste fraude lors de l'élection de la nouvelle première secrétaire, Martine Aubry. Comme il fallait s'y attendre, sa meilleure ennemie Ségolène Royal n'a pas manqué de s'engouffrer dans la brèche.
Dès ce mercredi matin, sur France 2, la candidate malheureuse à cette même élection dit avoir « vraiment ressenti un choc » à la lecture des bonnes feuilles parues mardi sur LePoint.fr. Même si elle « savait que ça avait triché », elle affirme qu'elle en ignorait l'« ampleur » et le « système d'organisation ».
La présidente de Poitou-Charente se donne « quelques jours » pour lire le livre dans son intégralité et consulter son équipe, ainsi que Robert Badinter, avant de faire « une déclaration solennelle ». Pourquoi Robert Badinter ? L'ex-Garde des Sceaux, au lendemain de la contestation des résultats de l'élection à l'automne dernier, avait préconisé, sans être écouté, de « revoter dans les fédérations litigieuses ».
A la question de savoir si elle redemandera un vote, Ségolène Royal ne répond pas par la négative : « Je vous le dirai dans quelques jours. Je crois qu'on ne peut pas passer sous silence ou minimiser ce qui se passe », argumente-t-elle, même s'il est se dit « consciente de la lassitude des militants ».
« Je ne lirai pas ce livre. Je préfère attendre le film… »
Martine Aubry, elle, a lancé ce mercredi matin devant quelques journalistes qu'elle ne lira pas le livre, que les auteurs confient lui avoir envoyé, avec la dédicace « respectueusement ». Le Monde rapporte les propos de la première secrétaire : « J'en ai vu d'autres. Je ne lirai pas ce livre. Je préfère attendre le film… Je n'étais pas inquiète avant la publication de ce livre. Ce que j'en ai vu ne m'inquiète pas davantage. On doit se mettre à un autre niveau si l'on veut avancer. »
Son entourage fait savoir qu'elle est « cool » et commence à contredire quelques passages contenus dans les bonnes feuilles : « Guillaume Blanc est présenté comme l'homme de confiance de Martine Aubry [les auteurs écrivent qu'il s'agit de son “conseiller politique à la mairie de Lille”, ndlr], or elle s'en méfie. Ce n'est absolument pas un collaborateur direct. »
Son bras droit, le député-maire de Palaiseau François Lamy, désigné dans le livre comme l'une des plaques tournantes du système dénoncé, parle lui à l'AFP d'un livre « sans intérêt », « un copié-collé de choses déja dites, déjà écrites ». Faux. Rien que dans les extraits publiés, des cas de fraude dans certains bureaux de Lille ou de Guadeloupe n'avaient jamais été mis à jour.
« Nous avons les documents en notre possession »
Peu loquace, Laurent Fabius, qui avait soutenu Martine Aubry lors du congrès de Reims, l'est également. Lui que la première secrétaire accuse paradoxalement d'avoir « triché » à son profit, toujours selon le livre. L'ancien Premier ministre s'est borné à déclarer, ce merdredi matin au micro de RTL : « Je crois que Martine Aubry a gagné, les choses sont derrière nous. (…) Ce n'est pas avec ce genre de propos qu'on va remettre la politique à la hauteur qu'elle devrait avoir. »
Et si ces propos décrivaient une réalité ? « Encore faut-il l'attester », rétorque-t-il. « Nous avons les documents en notre possession », ont ; de leur côté, déclaré mardi soir Antonin André et Karim Rissouli dans le « Grand Journal » de Canal+. Avant d'expliquer que tous « ces petits arrangements ont pesé lourd, car le résultat s'est joué à 102 voix ».
On croyait le PS en train de se remettre de cette élection contestable et contestée par nombre de socialistes dans nombre de médias, mais ce livre démontre que la plaie reste béante. « Est-ce que c'est un avis de décès du Parti socialiste ? Ce n'est pas à nous de le dire », concluent les auteurs.
Source : Rue89 09-09-2009