L’histoire de l’automobile est courte, un peu plus d’un siècle, et pourtant plusieurs renversements de situations se sont produits. Dominée à ses débuts par l’ingéniosité des européens, qui ont su développer une quantité de petits constructeurs de talent, l’industrie automobile tombe assez rapidement dans les mains des américains qui ont compris les premiers qu’il fallait produire plus pour vendre moins cher et conquérir une nouvelle clientèle. La suprématie américaine a duré quelques années mais le faible coût du carburant outre-Atlantique, les conditions de circulation ont fait diverger la conception américaine par rapport à celle de l’Europe. Une Europe plus économe de l’énergie et plus inventive où l’on ne cesse d’améliorer les performances d’un moteur thermique dont la structure même n’a pas changé depuis ses débuts.
La seconde guerre mondiale remet tout à plat : les pays constructeurs européens France, Allemagne Grande Bretagne, Italie ont leurs installations détruites, Les Etats-Unis ont converti une bonne partie de leur industrie automobile pour assurer l’effort de guerre. Il faut reconstruire, relancer de nouveaux projets, trouver une nouvelle clientèle…
C’est de l’Asie que va venir le « choc » suivant. Le Japon qui également tente de redémarrer pour sortir de son cauchemar de la fin de la guerre se lance dans la mise en route d’une industrie automobile moderne. Le pays dispose, grâce à l’aide américaine, des capitaux pour investir. Partant quasiment de zéro les japonais mettent le paquet sur la Recherche et le Développement. On les soupçonne alors de copier ce qui se fait de mieux en Europe et surtout, grâce à leurs usines ultra-modernes, de fabriquer leurs modèles à des coûts inférieurs. Mais cette stratégie n’aura qu’un temps, le Japon va faire travailler ses ingénieurs et, en quelques décennies, il va parvenir à surpasser tous leurs concurrents en technique automobile, en qualité et fiabilité du produit et parfois en prix de vente. Le Japon exporte alors ses voitures dans le monde entier et devient le premier pays producteur du monde. La Corée du Sud, elle aussi aidée par les américains à la fin de « sa » guerre, va suivre l’exemple du Japon et bâtir une industrie automobile à la fois performante et conquérante.
Les occidentaux subissent le choc. Parfois avec beaucoup de difficultés. Les constructeurs sont conduits à faire des alliances. Beaucoup disparaissent tant en Europe qu’aux Etats-Unis à la suite de regroupements. L’industrie automobile britannique, par exemple, qui pourtant a eu ses heures de gloire avec des marques prestigieuses comme Rolls-Royce, Jaguar, MG, Rover ou Bentley a totalement disparu ou est passée aux mains de constructeurs étrangers.
La crise pétrolière et le renchérissement de l’énergie finiront d’éclaircir les rangs des constructeurs automobiles.
Le prochain choc, celui qui se profile déjà à l’horizon, viendra de la Chine nous assure Jean Pierre Corniou, expert du secteur (1).
La Chine dispose depuis fort longtemps d’une industrie d’état capable de produire des camions, des tracteurs ou des engins agricoles. L’évolution du pouvoir d’achat, l’apparition d’une classe moyenne durant ces vingt dernières années a fait de la Chine le plus grand marché mondial pour l’industrie automobile. Pratiquement tous les constructeurs européens ou américains y ont installé des usines en partenariat avec des industriels chinois. Presque tous ont effectué des transferts de technologie pour pouvoir s’implanter dans le pays. Mais la technique a évolué vite, très vite... Qui aurait dit il y a vingt ans que l’on pourrait avec un moteur à essence d’un litre de cylindrée produire plus de 100 chevaux. Construire une gamme complète, rivaliser avec les meilleurs du monde n’est pas un problème de main d’œuvre bon marché. La Chine a surement espéré pouvoir accéder au marché mondial par la compétence de ses ingénieurs. De nombreux constructeurs chinois se sont lancés dans l’aventure et sont parvenus à conquérir près de 30% du marché intérieur en 2018. Le gouvernement semble avoir finalement renoncé à faire de l’automobile chinoise un produit d’exportation comme beaucoup d’autres. Mais s’il y a renoncé c’est au profit d’un autre projet encore plus ambitieux dans lequel le pays a toutes ses chances : abandonner le moteur thermique alimenté par le pétrole pour le moteur électrique.
Dans ce domaine nouveau la Chine se trouvait, il y a moins de dix ans, quasiment au même niveau que l’Europe et les Etats-Unis, parfois même en avance. Alors le gouvernement chinois a déclenché un plan très ambitieux, financé en très grande partie par l’état. Et les résultats sont là : aujourd’hui 50% des véhicules électriques vendus dans le monde sont produits en Chine. Alors que l’Europe vient à peine de s’organiser pour tenter de mettre sur pied une industrie de la batterie les chinois sont fournisseur de 80% de la production mondiale. Et ils sont déjà passé à la phase suivante avec l’exploitation des métaux rares dont ils disposent : les batteries plus puissantes, moins lourdes et moins chères et la fabrication industrielle de l’hydrogène qui pourrait aussi être une alternative au pétrole.
Et enfin, la Chine confrontée aux problèmes de pollution extrême dans ses mégalopoles s’est également lancée, toujours avec des contributions massives de l’état, dans la mise au point d’un nouveau modèle de mobilité basé essentiellement sur l’électrique : beaucoup de trains et peu d’avions pour les longues distances, les métros, les bus et les tramways les plus modernes du monde pour les villes (99% des bus électriques circulant dans le monde sont en Chine !..) et la voiture pour les trajets complémentaires.
Dans probablement une décennie, notre voiture sera électrique. L’enjeu est planétaire mais nous ne devons pas attendre grand-chose de l’Amérique de Donald Trump. Si les grands constructeurs européens ne font pas une pause dans leur concurrence acharnée pour collaborer alors, notre voiture de demain pourrait bien être chinoise !...
Jean Pierre ECHAVIDRE
(1) ET LA VOITURE DU XXIème SIECLE SERA CHINOISE
Par Jean-Pierre CORNIOU Editions Marie B