Chacun le constate depuis plusieurs années : la SNCF va mal. Pannes à répétition, retards multiples, réseau fatigué, grèves répétées. Les usagers ne sont pas satisfaits, loin s’en faut ; l’Entreprise s’endette dans des limites peu raisonnables, la Cour des Comptes dénonce des dysfonctionnements de plus en plus nombreux. Bref, cela ne peut plus durer ainsi. Il faut réformer mais, comme pour le « Mammouth » de l’Education Nationale l’affaire est difficile et peu de gouvernements ont osé s’y frotter !..
Dans les pistes de réformes proposées on retrouve, comme chaque fois, le statut de « cheminot » qui serait à la fois trop avantageux, trop coûteux et dépassé. Qu’en est-il exactement ?
Le personnel de la SNCF
Selon les chiffres officiels de fin 1976 la SNCF comprend 148 910 agents dont
-- 50 753 employés sédentaires
-- 45 161 salariés cadres
-- 31 130 salariés agents de maîtrise
-- 14 490 Conducteurs de trains (roulants)
-- 7 380 Personnels de bord (roulants)
90 % de l’ensemble du personnel est sous le statut des « cheminots » ; 10% sont des personnels contractuels à temps plein ou à temps partiel.
Les contraintes du statut de cheminot
Pour en bénéficier, il existe quelques contraintes : il faut avoir moins de 30 ans au moment de l’embauche. Les jeunes salariés non-cadres passent ensuite un « stage obligatoire » d’un an alors que les jeunes cadres embauchés font l’objet d’une période d’essai de deux ans et demi durant lesquels leur contrat de travail peut être rompu sans indemnité. Ils sont également évalués trois fois par leur manager durant cette période, sur leurs aptitudes professionnelles et sur leur comportement, explique le site de la SNCF
L’embauche au statut cheminot est réservée aux ressortissants de l’UE. C’était ainsi l’argument avancé par la SNCF pour se défendre dans l’affaire des « chibanis », ces cheminots marocains arrivés dans les années 70 et restés contractuels toute leur carrière. La compagnie ferroviaire a été condamnée fin janvier en appel pour « discrimination » salariale et professionnelle à l’encontre de ces cheminots marocains.
Les avantages du statut de cheminot
Le principal des avantages offert aux cheminots c’est l’emploi à vie comme c’est le cas dans d’autres entreprises publiques.
Ce statut de cheminot donne également droit à un régime de sécurité sociale et de retraite spécifique :
Pour ce qui est de la retraite, le régime spécial offrait jusqu’en 2016 aux cheminots la possibilité d’un départ à la retraite dès 50 ans pour les conducteurs de trains et à 55 ans pour les travailleurs sédentaires. Depuis le 1er janvier 2017, cette limite d’âge augmente de quatre mois par an pour atteindre, en 2024, respectivement 52 et 57 ans. Dans le même temps, la durée de service minimum va, de son côté, passer de 25 à 27 ans. Leur pension, à taux plein, représente 75% du salaire des six derniers mois. Dans le secteur privé, elle est calculée en fonction des 25 meilleures années. Le régime spécial de sécurité sociale donne notamment accès aux cheminots à des centres médicaux gratuits.
Autre avantage : les facilités de circulation, soit la gratuité des billets de train et la possibilité d’obtenir des billets à prix réduit pour leurs proches. Ces billets, dont seule la réservation est payante, sont accessibles à tous les salariés de la SNCF, qu’ils soient cadre permanent, contractuels ou retraités.
Les cheminots ont 28 jours de congés payés (les cinq semaines légales et trois jours supplémentaires dont deux au titre de la règle de fractionnement des congés, automatiquement appliquée par le groupe) et 10 jours fériés. Ils ont aussi des RTT ou repos complémentaires, en nombre variable selon leur activité. Ainsi, les personnels administratifs ont 10 RTT. Mais les personnels roulants et agents travaillant de nuit, soumis à d'importantes contraintes pour assurer un service 7 jours sur 7, bénéficient respectivement de 22 et 28 jours. Les roulants n'ont que 12 repos samedi-dimanche garantis par an.
Pour ce qui concerne la rémunération brute des cheminots, elle était en 2016 de 3173 € par mois. Celle des salariés du privé était de 3034 € en 2015, selon l’Insee.
Le rapport Spinetta
Jeudi 15 février dernier un rapport remis au gouvernement par l’ancien patron d’Air France Jean-Cyril Spinetta préconise de profondes réformes de la SNCF. Parmi celles-ci, on retrouve la fin du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés, sur le modèle de ce qui a été fait par le passé chez La Poste ou France-Télécom lorsqu’il est devenu Orange.
« Dans le cadre de la loi, il pourrait être mis un terme au recrutement au statut des nouveaux embauchés, en préservant strictement les droits individuels des personnels en bénéficiant. Les nouveaux recrutements devront s’opérer […] dans un cadre conventionnel à parachever », peut-on ainsi lire dans le rapport, qui préconise aussi que la SNCF puisse « recourir pendant deux ans à la procédure des plans de départs volontaires ».
Un bras de fer plus que probable
La Ministre des Transport a aussitôt réagit en rappelant que la réforme de la SNCF était indispensable et urgente. En effet on sait que le rail français doit s’ouvrir à la concurrence, que la dette de l’Entreprise est abyssale, que le réseau ferré français est à bout de souffle, que bon nombre de lignes ne voient quasiment plus passer de trains. On sait tout cela mais on attend depuis des années sans oser faire quoi que ce soit car on redoute la réaction syndicale.
Une réaction qui n’a pas tardé puisque le soir même de la divulgation du contenu du rapport Spinetta la CGT a évoqué : « la casse du service public » et décidé de tout mettre en œuvre pour lutter contre une telle réforme.