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21 février 2018 3 21 /02 /février /2018 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (20/50)

 

Maximilien ROBESPIERRE en 1791

 

 

 

 

 

CONTRE LA PEINE DE MORT - POUR LE RENVOI DES OFFICIERS : MAI - JUIN  1791

 

 

 

 

    L’« Incorruptible ». C'est par ce qualificatif que l’on désigne, de plus en plus fréquemment, Maximilien Robespierre. Ses nombreuses interventions à la tribune sont maintenant suivies avec la plus grande attention. Il y dénonce, avec une vigueur qui ne cesse d’étonner, les périls qui menacent la Révolution. Une majorité des députés ne partage toujours pas ses opinions mais on commence à le craindre pour l'ascendant qu'il a su prendre sur le peuple.

 

    Son discours en faveur de l'abolition de la peine de mort, prononcé le 30 Mai, sera lu et commenté dans la France entière :

 

« Un homme qui fait égorger un enfant, qu'il peut désarmer et punir paraît un monstre. Un accusé que la société damne n'est tout au plus pour elle qu'un ennemi vaincu et impuissant. Il est devant elle plus faible qu'un enfant devant un homme fort. Aussi, aux yeux de la vérité et de la justice, ces scènes de mort qu'elle ordonne avec tant d'appareil ne sont autre chose que de lâches assassinats, que des crimes solennels, commis non pas par des individus mais par des nations entières, avec les formes légales. Le législateur qui préfère la mort aux moyens plus doux qui sont en son pouvoir outrage le peuple, émousse le sentiment moral chez le peuple qu'il gouverne, semblable à un précepteur mal habile qui, par le fréquent usage des sentiments cruels, abrutit et dégrade l'âme de son élève. »

«  Ecoutez la voix de la justice et de la raison. Elle nous crie que les jugements humains ne sont jamais assez certains pour que la société puisse donner la mort à un homme condamné par d'autres hommes sujets à l'erreur. »

«  Qu'importent ces stériles regrets, ces réparations illusoires que vous accordez à  une ombre vaine, à une cendre insensible.. »  (1)

 

    Robespierre, lui-même, est persuadé, qu'en conscience, il doit faire et dire un certain nombre de choses. Il est rigoureux dans ses démonstrations, habile dans ses attaques; il semble inaccessible aux critiques et d’ailleurs ses adversaires politiques ne sont pas très nombreux à prendre le risque de le contrer ! Rien ne semble pouvoir perturber le fil de sa pensée. Son obsession : sauver la Révolution dont les grands principes lui semblent attaqués de toutes parts. Et, s'il le faut, il la sauvera malgré elle ! C'est dans cet esprit qu'il intervient, le 31 Mai, après que le Président de l'Assemblée ait lu une longue lettre de l'Abbé Raynal (2) critiquant de façon virulente toute l'œuvre de l'Assemblée Constituante :

 

«  L'Assemblée ne m'a jamais paru autant au-dessus de ses ennemis qu'au moment où je l'ai vu écouter avec une tranquillité si expressive la censure la plus véhémente de sa conduite et de la Révolution qu'elle a faite...Cet homme célèbre qui, à côté de tant d'opinions qui furent accusées jadis de pêcher par un excès d'exagération, a cependant publié des vérités utiles à la liberté, cet homme, depuis le commencement de la Révolution, n'a point pris la plume pour éclairer ses concitoyens, ni vous, et dans quel moment rompt-il le silence ? Dans le moment où les ennemis de la Révolution réunissent leurs efforts pour l'arrêter dans son cours. »

« Je suis bien éloigné de vouloir diriger la sévérité, je ne dis pas de l'Assemblée, mais de l'opinion publique sur un homme qui conserve un grand nom. Je trouve pour lui une excuse suffisante dans une circonstance qu'il vous a rappelée, je veux dire son grand âge...Elle est donc bien favorable au peuple, dira-t-on, elle est donc bien funeste à la tyrannie, cette Constitution, puisqu'on emploie des moyens si extraordinaires pour la décrier, puisque pour y réussir on se sert d'un homme qui, jusqu'à ce moment, n'était connu dans l'Europe que par son amour passionné pour la Liberté et qui était jadis accusé de licence par ceux qui le prennent aujourd'hui pour leur apôtre ou pour leur héros, et que sous son nom, on produit les opinions les plus contraires aux siennes, les absurdités mêmes que l'on trouve dans la bouche des ennemis les plus déclarés de la Révolution. »  (3)

 

    Dans le parcours politique de l'Incorruptible, qui apparemment est un parcours sans faute, il y a pourtant quelques accrocs.

   Par exemple celui en date du 4 Juin 1791 où il est candidat à la Présidence de l'Assemblée pour la quinzaine suivante. Robespierre est battu par un inconnu M. d'Auchy et, il tirera leçon de cet échec : il n'a pas su convaincre une majorité de députés; il va désormais s'y employer. Il sait aussi qu'il a été « lâché », et cette fois-ci pour de bon, par Duport qui, depuis le début de la Révolution, l'a presque toujours soutenu. Le divorce entre les deux hommes est, maintenant, consommé. En quelques semaines, en effet, Duport, Lameth et Barnave, le « triumvirat », se sont aperçu que de jouer la carte Robespierre contre celle du Héros d'Amérique La Fayette* pouvait être une opération dangereuse. La rupture entre Duport et Robespierre a été consommée le jour où le député d'Arras, en Mai dernier, a fait voter la non-réélection des Constituants à la prochaine Assemblée. Elle était devenue d'ailleurs inévitable lorsque Duport avait affirmé : « la Révolution est faite ».

    Si Robespierre est un peu contrit par cet échec électoral, la presse n’accorde à cet épisode qu'une importance très relative. Brissot, avec un brin d’ironie, écrit le lendemain : « M. de Robespierre, qui depuis longtemps mérite les honneurs du fauteuil, doit se consoler en pensant que c'est ici un hommage à l'agriculture... » (4)

 

 

    Dans cette même quinzaine de Juin est voté un autre texte important qui restera sous le nom de loi Le Chapelier, du nom de son rapporteur à la tribune de l'Assemblée. La loi, votée le 14 Juin, établit la liberté du travail et interdit aux ouvriers de s'associer pour défendre leurs intérêts.

    Après une longue série de grèves dans les ateliers parisiens, la bourgeoisie révolutionnaire a décidé de réagir. Elle légifère, par députés interposés, pour préserver ses propres intérêts; elle promulgue un texte en contradiction formelle avec la Déclaration des Droits votée il y a un peu plus d'un an ! Que fait Robespierre, défenseur des classes les plus pauvres ? Il était intervenu en Mai, on s'en souvient, à propos d'un texte présenté par le même Le Chapelier relatif au droit de pétition. Cette fois-ci, rien.. Il reste muet... Et même Jaurès aura beaucoup de mal à trouver une explication plausible à ce silence.

    En fait, comme cela pourra se vérifier plus tard, les problèmes économiques n'intéressent pas Robespierre. Il les comprend mal et surtout il demeure obsédé par l'idée que, si les citoyens ne disposent pas de l'intégralité de leurs droits politiques, les autres problèmes restent, à ses yeux, des problèmes secondaires..

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (20/50)

 

Gilbert du MOTIER, Marquis de LA FAYETTE

 

   

 

    En cette fin de printemps 1791, l'Assemblée est en butte à une autre difficulté, d'un genre différent mais tout aussi grave : ramener l'ordre dans l'armée. En effet, depuis quelques semaines, les mutineries se développent dans les garnisons de province, les désertions se multiplient; on a encore en mémoire la répression de Nancy !.... On peut donc s'attendre au pire !...Pour Robespierre et ses amis, les raisons de ces dysfonctionnements sont clairs : la noblesse, par l’entremise des officiers, cherche à saboter les progrès de la Révolution. Une seule solution : le licenciement de ces officiers aristocrates.

    Le 8 Juin, aux Jacobins, Robespierre lance un avertissement solennel en forme de réquisitoire contre les officiers qu’il reprendra le surlendemain à l’Assemblée Nationale :

 

« Je ne viens pas ici vous proposer des mesures sur le licenciement, ni approfondir les inconvénients dont on prétend qu’il peut être suivi. Je viens épancher dans votre sein quelques-uns de ces sentiments qu’inspirent à tout bon citoyen et l’amour de la patrie, et la vue des dangers dont elle est menacée. »

 

    Ici Robespierre peint l’état lamentable dans lequel se trouve l’armée, et puis il rappelle les horreurs commises par Bouillé et son Etat-major lors de la répression de Nancy :

 

« Pour achever ce tableau, il faudrait parler des malheurs de Nanci, vous montrer les citoyens plongeant leurs bras dans le sang de leurs concitoyens, pour procurer à quelques chefs le plaisir d’assouvir leur haine; vous rappeler les supplices qui suivirent ces jours de malheurs, supplices qui présentèrent pendant plusieurs jours le spectacle le plus satisfaisant pour des ennemis de la liberté. Il faudrait les voir se réjouir de leurs crimes, forcer la patrie en deuil d’applaudir au supplice de ses défenseurs. Les intrigues des officiers de ces corps, furent la seule cause de toutes ces horreurs. »

« Vous doutez que le licenciement soit nécessaire: avez-vous oublié que des officiers ont arboré la cocarde blanche? Ne font-ils pas profession ouverte de mépriser le peuple; et n’affectent-ils pas, au contraire, le plus profond respect pour la cour, à laquelle seule ils veulent tenir? El vous croyez qu’il vous soit possible de les conserver!… Vous voulez, dites-vous, prendre des mesures pour assurer le maintien de notre constitution. N’est-il pas trop ridicule de mettre au nombre de ces mesures, celle de confier vos troupes aux ennemis de la constitution? Les despotes en agissent-ils ainsi? Confient-ils à des personnes dont ils ne sont pas sûrs, la garde de leurs places, la défense de leurs frontières? La France n’est-elle plus digne d’être conservée, depuis qu’elle est devenue le séjour de la liberté? Je le dis avec franchise, peut-être même avec rudesse: quiconque ne veut pas, ne conseille pas le licenciement, est un traître. »

 

« Rien ne doit vous dispenser de le prononcer ce licenciement, pas même les craintes qu’on cherche de toutes parts à vous inspirer. Avec quelle docilité les soldats n’obéiront-ils pas à des officiers patriotes, à des officiers qu’ils estimeront? Si c’est vraiment l’intérêt de la discipline qui vous touche, donnez-leur des officiers qui, par leur exemple, leur conduite, ne cherchent pas à leur inspirer le mépris de notre constitution, qui leur donne des ordres auxquels ils puissent obéir sans répugner à leur patriotisme. »

« Pourquoi leur en laisser qui ne peuvent mériter leur confiance? Pourquoi attacher des cadavres à des corps vivants? (…) »

« Prenez-y garde, le trouble ou le despotisme, ou peut-être tous les deux, voilà le but où tendent les ennemis du licenciement. Il n’y a que les seuls amis de la liberté qui puissent le désirer… »

« Craignez ces chefs de parti qui, dans des moments de troubles et d’inquiétudes, cherchent toujours par quelques fausses démarches à vous faire violer quelques uns de vos principes. »

« Craignez ces serpents qui s’insinuent près de vous, et par des conversations insidieuses, des assertions jetées comme par hasard, se flattent à l’avance d’avoir préparé vos décisions. Toujours ils ont cherché à vous faire renoncer à vos principes, pour l’amour de la paix et de la liberté. »

« Craignez ces hommes qui, ne se sentant pas assez de force pour être sûrs de trouver les places qu’ils ambitionnent dans le nouvel ordre de choses, seraient tentés de regretter l’ancien, qui n’ont pas assez de talent pour faire le bien, mais assez pour faire le mal, et qui n’ont vu dans la révolution, que des moyens d’avancer leur fortune. »

« Craignez ces hommes dont la fausse modération, plus atroce que la plus affreuse vengeance, vous tend continuellement des pièges. »

« Craignez enfin votre propre bonne foi, votre facilité; car je ne redoute pour notre constitution que deux ennemis: la faiblesse des honnêtes gens et la duplicité des malveillants. » (5)

 

    Puis, le 10 juin à la tribune de l’Assemblée, comme il l'a fait l’avant veille au club des Jacobins, Robespierre pose la question de fond sur l'armée :

 

«  Croyez-vous qu'une armée immense soit un objet indifférent pour la liberté ? Vous savez que c'est par elle que les gouvernements ont partout subjugué les nations; les officiers sont divisés en deux classes; il en est d'attachés au bien public; mais la majorité a des principes opposés à la Constitution. Vous soumettez l'armée à des chefs attachés naturellement aux abus que la Révolution a détruit. Qu'attendez-vous de ces chefs ? S'ils sont sans autorité, sans ascendant, ils ne peuvent exercer leurs fonctions. S'ils en ont, à quoi voulez-vous qu'ils l'emploient, si ce n'est à faire triompher leurs sentiments les plus chers ? »  (6)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (20/50)

 

Révolte du régiment suisse de Châteauvieux basé à Nancy le 5 août 1790

 

 

    Il avait déjà clairement énoncé son point de vue à la suite de la répression de Nancy, il y a bientôt neuf mois. Robespierre démontre, une nouvelle fois, qu'il n'est plus temps de balancer : la seule solution est le licenciement des officiers :

 

« On souffre paisiblement que les officiers violent, outragent publiquement les lois et la Constitution, et on exige des inférieurs, avec une rigueur impitoyable, le respect le plus profond, la soumission la plus aveugle et la plus illimitée à ces mêmes officiers. On s'indigne d'un mouvement, d'un symptôme de vie échappé à l'impatience et provoqué par un sentiment louable et généreux, et l'on peint l'armée tout entière comme une horde de brigands indisciplinés. »  (6)

 

    Les députés conservateurs cherchent alors une parade aux attaques de l’Incorruptible. L'Assemblée propose, à titre de compromis, que les officiers aristocrates soient soumis à un « engagement d'honneur » garantissant leur attachement et leur fidélité à la Constitution. Robespierre ne peut contenir sa colère. Il est le seul, ce jour là, non seulement à trouver que cette proposition est inacceptable mais à réclamer avec insistance le licenciement pur et simple des officiers :

 

« Que signifie cette nouvelle formule ? Les citoyens, les militaires en général, n'ont-ils pas prêté le serment civique ? On le trouve donc insuffisant et indigne pour les officiers puisqu'on leur propose « un engagement d'honneur » spécialement créé pour eux !... »

« Ainsi vous connaissez donc un engagement plus sacré que la religion du serment ? Il est donc une vertu secrète, un talisman attaché à la parole d'honneur d'une classe de citoyens. L'honneur est le patrimoine particulier du corps des officiers. Les actes de patriotisme, les serments sont faits pour les autres; mais ceux-ci,  il suffira qu'ils permettent sur leur honneur, et c'est vous qui consacrerez ces absurdes préjugés et ces insolentes prétentions; c'est vous qui établirez en principe, que chez les Français, chez les hommes libres, l'honneur féodal peut remplacer la morale et la vertu .. » (7)

 

Et Robespierre conclut en se laissant aller à une indignation qui semble tout à fait sincère :

 

«  Oui, ce projet est très bien conçu; et la seule chose qui m'étonne, c'est l'audace avec laquelle on a espéré de le faire sanctionner par l'Assemblée nationale. Pour moi, je demande qu'il soit rejeté avec indignation ! » (7)

 

       Les arguments de Maximilien ne seront pas suffisants pour faire basculer l'Assemblée. Les députés adoptent finalement le projet dans son intégralité car, même si le sentiment anti aristocratique domine, personne ne sait très bien comment se passer des officiers nobles que Robespierre demande de licencier. Même si leur fidélité à la Révolution est parfois douteuse, ils ont, et ils sont encore les seuls, à avoir les compétences.

 

    C'est durant cette même période que Maximilien Robespierre va commencer à ressentir les effets sur sa santé de sa constante agitation. Le 12 Juin, alors qu'il vient d'être nommé accusateur public de Paris, il écrit à son fidèle ami Buissart :

 

«  Je n'envisage qu'avec frayeur les travaux pénibles auxquels cette place importante va me condamner, dans un temps où le repos m'est nécessaire, après de si longues agitations... Mais je suis appelé à une destinée orageuse. Il faut en suivre le cours, jusqu'à ce que j'ai fait le dernier sacrifice que je pourrai offrir à ma Patrie. Je suis toujours accablé .... »  (8)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   cité par Jean-Claude FRERE   "La Victoire ou la Mort"   op. cit. pages 212-213

 

(2) L’Abbé Raynal écrivain français avait refusé de participer aux Etats Généraux arguant de son grand âge. Il a 78 ans lorsque Robespierre parle de lui.

 

(3)   cité par Albert MATHIEZ  "Etude sur Robespierre" op. cit.  page 46

 

(4)   Allusion à M. d'Auchy qui est un honnête laboureur

        "Le Patriote français"  n° 668

 

(5)    Discours prononcé par Maximilien Robespierre à la tribune du Club des Jacobins le 8 juin             1791

 

(6)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."  op. cit. page 136

 

(7)    cité par Gérard WALTER  "Robespierre"  op. cit.  page  164-165

 

(8)  cité par Bernard NABONNE "La vie privée de Robespierre"  op. cit. page 141

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (21/50)

 

LA FUITE DU ROI : VARENNES (21 JUIN 1791)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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