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28 février 2018 3 28 /02 /février /2018 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (27/50)

 

Gilbert du MOTIER, marquis de LA FAYETTE

 

 

 

 

 

L'ENNEMI : LA FAYETTE - AVRIL 1792

  

 

 

 

 

    Depuis son échec de début Février, Robespierre assimile les ennemis de la Révolution à ses propres ennemis. Il est vrai que pendant l'interminable discussion sur la guerre, il a été en butte à de nombreuses attaques menées contre lui. Le calme est à peu près revenu aux Jacobins, et, lorsqu'il analyse l'origine de ces attaques, il trouve, en premier lieu, et dans toutes les circonstances, un seul homme : La Fayette*. Au cours du mois d'Avril 1792 il va consacrer de nombreux discours aux Jacobins pour dénoncer celui qu'il considère maintenant comme le plus grand ennemi de la Révolution.

 

    Plusieurs variations, mais toujours autour du même thème : «  La Fayette* voilà l'ennemi ». Le général y est traité avec une violence inouïe :

 

«  J'ai dénoncé cet homme en le méprisant, cependant je vois qu'il est plus dangereux de dénoncer Monsieur le Marquis de La Fayette* que tous les Rois de la terre. Je suis entouré d'ennemis, d'assassins, mais le jour où les poignards atteindront ma poitrine sera celui où je le dénoncerai encore au mépris public de toutes mes forces... »  (1)

 

    Des ennemis, Robespierre en a plus qu'il ne peut en compter et le ton de ses discours n'est pas de nature à arranger les choses... Cependant, contrairement à ce qu'il imagine, il n'y a aucune raison de croire qu'il a été, à cette époque, menacé physiquement. Il n'échappe pas, par contre, aux ripostes de ses adversaires. Les amis de La Fayette* lui répondent, à peu près sur le même ton, par la voix de la presse le plus souvent : « Vous vous époumonez pour montrer un grand caractère et vous êtes uniquement un déclamateur. Vous n'avez ni les vertus qui font les grands hommes, ni les talents et les vices qui épouvantent l'univers des grands scélérats. Vous ne jouirez donc jamais de l'estime, vous n'inspirerez pas l'admiration et vous n'étonnerez personne... »  (2)

 

    Que d'amabilités de part et d'autre ! Et le ton est encore un cran au-dessus quand ces amis de La Fayette*  s'expriment  dans la presse de manière anonyme !  : « Si vous continuez d'avilir l'autorité dont un général a besoin pour sauver la Patrie, vous êtes un pervers et je vous dénonce à tout ce que la capitale renferme d'hommes de bien »  (3)

 

    Robespierre ne cède pas. De la tribune des Jacobins il continue à dénoncer les menées anti-révolutionnaires de celui qu’il considère comme le plus ardent opposant à la Révolution : La Fayette*. Ainsi le 26 avril 1792 il se lance, à nouveau, dans un vibrant réquisitoire contre le général :

 

 

« Dans tous les événements, c’est aux causes précises qu’il faut s’attacher, et dans la question qui s’élève savez-vous quelle est la cause qui s’oppose au triomphe de la liberté du peuple et du patriotisme opprimé ? Contre qui croyez-vous avoir à lutter ? Contre l’aristocratie ? non. Contre la cour ? non : c’est contre un général destiné depuis longtemps par la cour à de grands desseins, qui après avoir trompé le peuple, trompe encore la cour elle-même ; qui ne connaît ni les principes de la liberté, ni ceux de l’égalité dont il est le plus grand ennemi. Or, messieurs, à des hommes exercés dans toutes les manœuvres de l’intrigue pour renverser les plus utiles projets et pour semer la discorde, il faut opposer la célérité. »

« Il suffit de rapprocher les circonstances présentes de tout ce qui s’est passé, des menées que nous avons reprochées au même agent dans d’autres circonstances, pour se convaincre que c’est sa seule résistance que nous avons à combattre. Ce n’est pas la garde nationale qui voit les préparatifs de cette fête avec inquiétude, c’est dans l’état-major que le génie de La Fayette conspire contre la liberté et les soldats de Château-Vieux. C’est le génie de La Fayette qui égare dans la capitale et dans les départements une foule de bons citoyens, qui, si cet hypocrite n’eût point existé, seraient avec nous les amis de la liberté. »

« C’est La Fayette qui, dans le moment où les amis de la Constitution se réunissent contre les ennemis, forma un parti redoutable contre la Constitution, et qui divise les amis de la Constitution eux-mêmes. Partout où il y a des ennemis de la liberté, La Fayette est le plus dangereux de tous, parce qu’il conserve encore un masque de patriotisme suffisant pour retenir sous ses drapeaux un nombre considérable de citoyens peu éclairés. C’est lui qui, joint à tous les ennemis de la liberté, soit aristocrates, soit feuillants, se met en état, dans les moments de troubles ou de crise, de renverser la liberté ou de nous la faire acheter par des torrents de sang et par des calamités incalculables. »

« C’est La Fayette que nous avons ici à combattre; c’est La Fayette qui, après avoir fait, dans l’Assemblée constituante tout le mal que le plus grand ennemi pouvait faire à la patrie, c’est lui qui, après avoir feint de se retirer dans ses terres, est revenu briguer la place de maire, non pour l’accepter, mais pour la refuser, afin de se donner par là un air de patriotisme; c’est lui qui a été promu au généralat de l’armée française pour que les complots ourdis depuis trois ans atteignissent enfin le but. Oui, c’est La Fayette que nous avons à combattre. »

« Il faut ici faire une observation bien importante sur le projet présenté par le comité central des sociétés patriotiques : c’est sans le savoir et sans son intention qu’il a proposé une devise équivoque, qu’il a entendue certainement dans un bon sens, mais que l’on doit rejeter par cela seul qu’elle est équivoque, par cela seul qu’il faut porter devant le peuple des inscriptions simples et claires. La devise : « Bouillé seul est coupable », n’a été sans doute appliquée qu’aux bons citoyens trompés, mais elle pourrait paraître une absolution de La Fayette. Bouillé seul est-il en effet coupable ? Non certes ; ils sont innocents, tous ceux qui ont agi pour la loi, qui ont cru l’exécuter et défendre la liberté. »

« C’est toujours sous ce point de vue que j’ai présenté cette affaire à l’Assemblée constituante ; j’ai toujours soutenu que les tyrans et leurs chefs seuls étaient coupables. Bouillé n’était que l’instrument de ceux qui le dirigeaient ; l’agent de la cour et surtout l’agent de La Fayette. Les gardes nationales de Metz étaient innocentes ; comme celles de Paris, elles ne peuvent être que patriotes ; l’une et l’autre a été trompée par La Fayette. Et comment pourrions-nous dire à la face de la nation, dans la fête de la liberté, que Bouillé seul est coupable ? A-t-il osé agir sans ordres ? N’a-t-il pas toujours marché avec un décret à la main ? Et qui sont ceux qui ont sollicité ce décret ? Sur quels rapports a-t-il été rendu ? D’abord sur le rapport des officiers en garnison à Nanci, qui avaient intention de jeter de la défaveur sur les soldats ; sur le rapport du ministre de la guerre M. Latour-Dupin. Quels étaient les intermédiaires de La Fayette ? ceux qui circulaient dans le sein de l’Assemblée constituante, la veille du décret fatal. Qui répandait le fiel de la calomnie ? La Fayette. Quels étaient ceux qui excitaient les clameurs, qui ne permettaient pas une seule réflexion dans une discussion dont on voulait que le résultat fût d’égorger nos frères ? Qui m’a empêché moi-même de parler ? La Fayette. Qui sont ceux qui me lançaient des regards foudroyants ? La Fayette et ses complices. Qui sont ceux qui ne voulurent pas donner un seul moment à l’Assemblée nationale ? Qui est-ce qui précipita le fatal décret qui immola les plus chers amis du peuple ? La Fayette et ses complices. Qui voulut étouffer ce grand attentat en le couvrant d’un voile impénétrable, et qui demanda une couronne pour les assassins des soldats de Château-Vieux ? La Fayette. Enfin, quel est celui qui pour mieux insulter à la mémoire des infortunés que notre zèle et nos regrets ne ressusciteront pas, fit donner des fêtes dans tout le royaume aux infâmes qui les avaient égorgés ! Quel est celui qui excitait ces fêtes ? La Fayette. Et dans un triomphe populaire consacré à la liberté et à ses soutiens, on verrait une inscription qui absoudrait La Fayette ; qui ferait tomber le coup sur un ennemi impuissant, pour sauver celui qui tient encore, dans ses mains ensanglantées, les moyens d’assassiner notre liberté. Non. »

« Cette fête qu’on prépare peut-être vraiment utile à la liberté, et devenir le triomphe du peuple longtemps outragé, parce qu’elle terrasse les oppresseurs de la vertu et fait luire le jour de la vérité sur les attentats des tyrans. Il faut donc que cette fête remplisse cet objet ; or, ce n’est point par des devises brillantes, c’est par l’esprit patriotique que ce but sera rempli ; c’est pour cela que je demande l’exécution de l’arrêté de la société, par lequel elle ordonne qu’il sera fait une pétition individuelle à la municipalité pour demander que les bustes de La Fayette et de Bailly disparaissent de la maison commune. »

 

« Je demande aussi que la devise, « Bouillé seul est coupable », soit changée en celle-ci : « Les tyrans seuls sont coupables ». Quand les bons citoyens verront que La Fayette est seul moteur de ces intrigues, tout se ralliera. »  (4)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (27/50)

 

ROBESPIERRE avec son chien, DANTON et MARAT 

Peinture d’Alfred Loudet 1892

 

 

    Les propositions de Robespierre sont adoptées. Et dès le lendemain les organes de presse de La Fayette* donnent de la voix pour critiquer celui qu’ils qualifient régulièrement de « déclamateur »

S’il parait insensible aux critiques, les échanges polémiques avec La Fayette* vont cependant inciter Robespierre à se doter, lui aussi, d’un organe de presse. L'envie lui en est venue il y a déjà quelques mois mais, faute de moyens, son projet n'avait pu se concrétiser. Avec l'aide d'un jeune Jacobin qui lui apporte une bonne partie des fonds nécessaires, il lance le « Défenseur de la Constitution ».

    Dans un prospectus du 25 Avril, qui annonce la parution de son journal, Robespierre définit ses objectifs : « Eclairer le zèle des bons citoyens pour les diriger vers un but commun, les rallier tous aux principes de la Constitution et de l'intérêt général » (5)

 

«  La raison et l'intérêt public avaient commencé la Révolution; l'intrigue et l'ambition l'ont arrêtée; les vices des tyrans et les vices des esclaves l'ont changé en un état douloureux de troubles et de crise. La majorité de la nation veut se reposer sous les auspices de la Constitution nouvelle, dans le sein de la liberté et de la paix : quelles causes l'ont privée jusqu'ici de ce double avantage ? L'ignorance et la division. La majorité veut le bien; mais elle ne connaît ni les moyens de parvenir à ce but, ni les obstacles qui l'en éloignent; les hommes bien intentionnés mêmes se partagent sur les questions qui tiennent le plus étroitement aux bases de la félicité générale. Tous les ennemis de la Constitution empruntent le nom et le langage du patriotisme pour semer l'erreur, la discorde et les faux principes : des écrivains prostituent leur plume vénale à cette odieuse entreprise. Ainsi l'opinion publique s'énerve et se désorganise : la volonté générale devient impuissante et nulle, et le patriotisme, sans système, sans concert et sans objet déterminé, s'agite péniblement et sans fruit, ou seconde quelquefois, par une impétuosité aveugle, les funestes projets des ennemis de la liberté.. » (5)

 

    Est-ce pour avoir les mains plus libres ? Est-ce pour disposer de davantage de temps ? Toujours est-il que Robespierre a décidé de démissionner de son poste d'accusateur public près le Tribunal de Paris (6).

    Il avait évoqué d'ailleurs aux Jacobins, quelques semaines plus tôt, l'éventualité d'une telle décision :

 

« Il est un devoir plus grand encore que celui de poursuivre le crime ou de défendre l'innocence avec un titre public dans des affaires particulières devant un tribunal judiciaire, c'est celui de défendre la cause de l'humanité, de la liberté, comme citoyen et comme homme, au tribunal de l'univers et de la postérité... » (7)

 

    Cette mise au point, qui avait préparé l'annonce de sa décision, ne parviendra pas à lui éviter les critiques : on l'accuse d'avoir vendu sa place à son successeur, ou d'avoir renoncé par lâcheté ou encore d'être vendu à la Cour !

 

    Robespierre, au moins en apparences, reste insensible à toutes ces calomnies, d'où qu'elles viennent. Chaque jour davantage, il se sent investi d'une mission !..

 

 

 

 

 

 

 

(1)   Journal de la Société des Jacobins du 13 Avril 1792 page 4

 

(2)   DUBU de LONGCHAMP dans "La Feuille du Jour"

 

(3)   idem

 

(4)  Discours de Maximilien Robespierre au Club des Jacobins le 26 avril 1792.

 

(5)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..." op. cit. pages 193-194

 

(6)   Robespierre présente sa démission le 14 Avril 1792

 

(7)   cité par Gérard WALTER  "Robespierre"  op.  cit.  page 281

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (28/50)

 

LE « DEFENSEUR DE LA CONSTITUTION » : MAI 1792

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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