En retard sur Emmanuel Macron à l'issue du premier tour, Marine Le Pen aura, sur le papier, mission quasi impossible pour être élue Présidente. Et pourtant au Front National on n’a pas perdu totalement espoir…
Sur le papier, la victoire le 7 mai est presque impossible pour Marine Le Pen. La candidate du FN est arrivée deuxième du premier tour avec 21,43% des suffrages exprimés, 870.000 voix derrière Emmanuel Macron (23,86%). Le troisième homme, François Fillon (7 millions de voix), et le cinquième, Benoît Hamon (2,2 millions de voix), ont appelé clairement à voter pour le candidat d'En marche!, les autres prétendants éliminés dimanche 23 avril au soir ne donnant pas encore d'indication. Le problème du Front national lors d'un duel de second tour reste donc le même : le manque de réserves de voix pour obtenir une majorité dans deux semaines. Les premiers sondages publiés dans la foulée du premier tour tendent à le confirmer. Emmanuel Macron est crédité de plus de 60% des intentions de vote face à Marine Le Pen. Politiquement, donc, l'affaire semble entendue. Mais le Front national nourrit encore quelques espoirs…
La démobilisation du camp Macron
Le camp de Marine Le Pen espérait faire valoir l'argument de la "dynamique" de premier tour, celle créée par une première place, même avec un faible écart sur le deuxième. Mais l’opération a raté ; d’où la déception aperçue dimanche soir à Hénin-Beaumont. Mais dimanche soir, avant même l'annonce des résultats, on évoquait dans l’entourage de la candidate du FN, un "effet psychologique difficile à mesurer" : celui de se dire, d'un côté ou de l'autre, que le second tour serait plié par avance. Les proches de Marine Le Pen, pointait le risque d'une démobilisation dans les troupes d’En Marche, qui se verraient vainqueur avant l'heure. Cet aspect peut exister, même s'il faudrait dans ce cas de figure une désertion totale des électeurs, et en particulier des macronistes. Or, depuis 1969, jamais un second tour de présidentielle n'a mobilisé moins que le premier tour. Mais n’est-on pas au cœur d’une campagne totalement atypique ?..
Trouver des alliés
La question qui se pose au FN entre les deux tours est toujours la même : où trouver des voix supplémentaires? Dans d'autres circonstances, lors des dernières régionales de 2015 par exemple, Marine Le Pen avait fait 40,64% des suffrages au premier tour, puis seulement 42,23% au second… Et en 2002, l'unique précédent qui a vu le FN se qualifier au second tour d'une présidentielle, Jean-Marie Le Pen n'avait gagné que 700.000 voix (17,79% contre 16,86%). "Cela n'a rien à voir avec 2002", entendait-on dimanche depuis Hénin-Beaumont "C’est la première fois que nous sommes face à des ressources aussi considérables", L’espoir : récupérer un tiers de voix mélenchonistes – soit environ 2,2 millions de voix - et la moitié de celles de François Fillon – soit environ 3,5 millions de voix. Un pari qui paraît très optimiste (les enquêtes actuelles évoquent plutôt un tiers de report filloniste et 10 à 20% de mélenchoniste) et qui ne suffirait peut-être même pas pour l'emporter.
Compter sur les abstentionnistes du premier tour
Avec une participation identique à celle du premier tour, il faudrait en effet dix millions de voix de plus à Marine Le Pen pour être élue… Les chiffres évoqués, qui sont particulièrement optimistes, ne font pas le compte. Et même avec l'appui d'électeurs de Dupont-Aignan et d'autres petits candidats, c’est encore trop juste.
Plusieurs élus FN citent par ailleurs le réservoir des abstentionnistes de ce premier tour. Mais là encore, avec une participation de 78,2%, difficile d'imaginer des ressources vertigineuses pour le second tour, sachant qu'un point de participation supplémentaire correspond à près de 470.000 voix. Il faudrait alors imaginer des reports de voix particulièrement mauvais pour Emmanuel Macron pour que Marine Le Pen puisse le menacer.
Deux France s’affrontent
Les électeurs français voteront-ils comme les "élites" ? C’est bien peu probable quand on constate qu’ils ont clairement choisi d’éliminer les tenants des partis traditionnels. C'est bien le pari que fait Marine Le Pen dans cet entre-deux-tours, en voulant renverser les lignes de lecture classiques. Fini le clivage gauche-droite, place donc à celui des "patriotes" face aux "mondialistes". L'enjeu pour la candidate d'extrême droite est de renvoyer Emmanuel Macron dans cette position de "produit du système" et défenseur d'intérêts contraires à la France, accusé d'être l'héritier du bilan de François Hollande mais aussi le "chouchou" des médias et des sondages. Elle veut amener les Français à faire un choix entre la défense de l'Europe et de la mondialisation ou de leur "patrie" ? Il lui faudra trouver les bons arguments en évitant de faire peur par les menaces de sortie de l’Union Européenne et de l’Euro..
A plusieurs journalistes, dimanche, le directeur de campagne David Rachline estimait d'ailleurs possible de reformer "les 55% du non à la Constitution européenne en 2005". Sur la ligne anti-UE, le FN espère notamment rallier une partie des électorats de Jean-Luc Mélenchon et de François Fillon. Jean Messiha, notamment, estimait que "la base patriote des Républicains", par opposition à l'électorat de centre-droit pro-européen, allait rejoindre Marine Le Pen. Méthode Coué ?...
Eviter l’écueil du « referendum » contre Le Pen
"Tout l’enjeu, pour Marine Le Pen, est de changer la configuration du second tour. Et de faire que ce ne soit pas un référendum pour ou contre Le Pen, comme en 2002, mais pour ou contre le système, les élites, l’Europe, la mondialisation", résumait dès le mois de mars dans le JDD le président de l'institut Elabe, Bernard Sananès. Celui-ci jugeait ainsi la victoire de Marine Le Pen "politiquement improbable" mais "sociologiquement possible".
Elle devra tout de même affronter un adversaire qui aura dans ses rangs beaucoup de ceux qui s’opposent, de façon viscérale, au Front National !...
Jean-Pierre ECHAVIDRE
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