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13 septembre 2017 3 13 /09 /septembre /2017 08:00
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MIRABEAU (61)

 

 

 

 

DES OBSEQUES NATIONALES : AVRIL 1791

 

 

 

 

 

 

    Dès le début de la matinée du 2 Avril, une foule silencieuse et attristée se masse aux alentours du domicile de Mirabeau. Les parisiens pleurent celui qu’ils ont toujours considéré comme le défenseur du petit peuple. Malgré les pamphlets, malgré les calomnies, malgré sa vénalité avérée, Mirabeau a conservé la confiance et l’estime d’une grande partie du peuple.

    Mais la mort du grand homme a provoqué une telle stupeur que déjà des rumeurs circulent : le colosse, dont la force physique était légendaire, n’a pu mourir aussi vite de mort naturelle. Les frères Lameth, Barnave et leurs amis, sont sûrement pour quelques choses dans ce décès aussi brutal. Il y a quelques jours à peine que sa voix de tonnerre retentissait encore dans la salle du Manège !... Il s’agit sûrement d’un empoisonnement; d’ailleurs, des affiches affirmant cette hypothèse seront placardées sur les murs de Paris dès le début de la matinée du lendemain.

    L’accusateur public de l’arrondissement ordonnera aussitôt une autopsie mais celle-ci ne révélera rien qui puisse confirmer ou infirmer la thèse de l’empoisonnement. Aucune affection grave, si ce n’est une accumulation de cholestérol qui ne fait qu’attester des excès en tout genre auxquels Mirabeau n’avait jamais voulu renoncer.

    Le mystère demeure sur ce décès subit, d’autant qu’officiellement on ne montre aucun empressement à déclencher une enquête approfondie.

 

    La France entière est consternée lorsqu’elle apprend la mort du grand homme. Marie-Antoinette*, elle-même, bien qu’elle n’ait jamais beaucoup aimé Mirabeau, ressent une profonde tristesse et un grand vide. Il lui était arrivé de croire, à certaines périodes, que le député d’Aix était sincère et qu’il parviendrait, un jour, à tenir sa parole et à sauver la monarchie.

    A l’Assemblée, on annonce la mort de Mirabeau dès l’ouverture de la séance du 2 Avril. L’émotion est très grande lorsque Tronchet (1), qui préside ce matin-là, s’adresse à ses collègues :

 

«  Messieurs, j’ai en ce moment à remplir une fonction bien douloureuse. Vous pressentez qu’il s’agit de vous annoncer la perte prématurée que vous venez de faire de M. de Mirabeau.

«  Rappeler les applaudissements fréquents que ses grands talents lui ont mérités dans cette Assemblée, c’est déposer sur sa tombe un titre non équivoque de vos regrets. » (2)

 

    Un grand silence se fait dans la salle du Manège. Adversaires ou amis, tous reconnaissent les grands talents de Mirabeau et la place immense qu’il laisse vide aujourd’hui. Alors que l’on passe à l’ordre du jour, Talleyrand demande la parole. Il a rencontré Mirabeau dans l’après-midi d’hier, et leur brouille, vieille de plusieurs années, s’est dissipée à quelques heures de la mort du grand homme. Talleyrand, la voix emplie d’émotion, rend compte de sa visite :

 

«  Messieurs, je suis allé chez M. de Mirabeau. Un grand concours remplissait cette maison où je portais un sentiment encore plus douloureux que la tristesse publique. Ce spectacle remplissait l’âme de l’image de la mort; elle était partout; hors dans l’esprit de celui que le danger le plus imminent menaçait; il m’a fait demander; je ne m’arrêterai point à l’émotion que plusieurs de ses paroles m’ont fait éprouver. M. de Mirabeau, dans cet instant était encore un homme public; c’est sous ce rapport qu’on peut regarder, comme un débris précieux, les derniers mots qui ont été arrachés à l’immense proie que la mort vient de saisir... » (3)

 

    Talleyrand donne alors, dans un profond silence, lecture du discours que Mirabeau lui a remis la veille à propos de « l’égalité des partages dans les successions en ligne directe ». Un discours flamboyant, volontaire, argumenté, travaillé, comme tous ceux, ou presque, que Mirabeau prononce à cette tribune depuis deux ans.

 

    Tous, amis ou adversaires politiques, tiendront à rendre hommage à Mirabeau. Camille Desmoulins* qui, quelques semaines plus tôt, le qualifiait de « Jacobin indigne » fait un éloge touchant du député d’Aix. Robespierre*, lui même, à la tribune de l’Assemblée, le 3 Avril, parle du défunt comme « ..l’homme illustre qui, dans les époques les plus critiques a déployé tant de courage contre le despotisme.. »

    Ce même jour, une délégation du département de Paris se présente à la barre de l’Assemblée et demande que l’Eglise sainte-Geneviève soit consacrée à la sépulture des grands hommes. La proposition est aussitôt adoptée. Dès le lendemain seront engagés les travaux et, sur le fronton de l’édifice, il sera gravé ces mots : « Aux grands hommes la Patrie est reconnaissante » Un deuil national de huit jours est également voté à l’unanimité par l’Assemblée.

 

    Le 4 Avril ont lieu, en grande pompe, les obsèques de Mirabeau. Trois ou quatre cent mille personnes suivent le cortège. En tête marche La Fayette* puis Tronchet, le Président en exercice de l’Assemblée nationale, puis les députés et les membres du Club des Jacobins. Un seul a refusé de suivre le convoi mortuaire, l’austère Pétion (4) qui, pour justifier son attitude, assure avoir vu un plan de conjuration écrit de la main même de Mirabeau.

    Après l’éloge prononcé en l’église Saint-Eustache, vingt mille garde nationaux tirent ensemble une salve d’honneur « tant et si bien que toutes les vitres se brisent », rapporte Michelet. (5)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   TRONCHET (François Denis) : Né en 1726, il devient avocat en 1745 et acquiert une très bonne réputation. Elu député aux Etats Généraux par le Tiers Etat de Paris, il se classe plutôt à la droite de l’Assemblée. Après Varennes, il s’oppose à Robespierre et soutient le roi. Courageux il accepte, sans hésiter, de défendre Louis XVI lors de son procès devant la Convention.

Devenu suspect, il se retire des affaires jusqu’à la chute de Robespierre puis est élu de nouveau au Conseil des Anciens.

Rallié à Bonaparte, il est chargé de la rédaction du Code Civil. Il meurt en 1806.

 

(2)   Archives Parlementaires t. XXIV, pages 506

in François FURET, Ran HALEVI  « Orateurs de la Révolution française »  op. cit. Page 1493

 

(3)   Archives Parlementaires  t. XXIV, page 510

in François FURET, Ran HALEVI  « Orateurs de la Révolution française »  op. cit. Page 1494

 

(4)   PETION  (Jérôme) : Né le 2 Janvier 1756 à Chartres. Avocat dans cette ville, il est élu aux Etats Généraux et siège à l'extrême gauche avec Robespierre*. Il devient l'ami de l'Incorruptible. Après la fuite du Roi à Varennes, il est chargé de ramener la famille royale à Paris. Il est élu Maire de la Capitale le 14 Novembre 1791.

Il va alors se laisser séduire par les idées de la Gironde et sera suspendu de ses fonctions le 12 Juillet 1792. Elu à la Convention par le département de l'Eure-et-Loir, il en est le premier Président et est nommé en même temps Président du Club des Jacobins.

Ayant défendu Buzot, il sera proscrit avec les Girondins le 2 Juin 1793 et devra se réfugier à Caen puis en Bretagne et enfin à Bordeaux. Il se suicidera avec Buzot pour ne pas être arrêté.

 

(5)   Cité par Jules MICHELET  « Histoire de la Révolution française »  op. cit. Vol II, page 374

 

 

 

 

ILLUSTRATION :Jerôme Pétion de Villeneuve

 

 

 

 

 

A SUIVRE

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MIRABEAU (62)

EPILOGUE : NOVEMBRE 1793

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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