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13 septembre 2017 3 13 /09 /septembre /2017 11:00
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MIRABEAU (62)

 

 

 

 

EPILOGUE : NOVEMBRE 1793

   

 

 

 

    Lors de son décès, subit, en Avril 1791, tout le monde avait salué en Mirabeau l’homme de la Révolution. On avait même imaginé pour lui ce qui n’avait été fait pour aucun autre : dédier aux grands hommes un édifice prestigieux, le Panthéon. Mirabeau le premier avait eu les honneurs de ce Panthéon national.

 

    Mais les années qui suivront ces quelques jours d’intense émotion vont voir défiler une quantité d’événements, plus dramatiques les uns que les autres. La France, menacée sur ses frontières, totalement désorganisée dans son armée et dans son administration, doit lever de plus en plus de soldats pour défendre son territoire. La connivence du roi avec l’ennemi extérieur et avec les princes émigrés devient de plus en plus évidente. D’autant qu’au mois de Juin 1792  il tente de fuir la capitale en direction de l’est. Alors, les prédictions de Mirabeau se réalisent : la monarchie s’écroule, l’Assemblée décide de juger Louis XVI* et, sous la pression des plus extrémistes, elle condamne le roi à mort et le fait exécuter le 21 Janvier 1793. La fureur des patriotes ne s’en trouve pas pour autant apaisée. Elle se retourne vers ceux qui ont tenté de sauver la monarchie, ou tout au moins ce qu’il en restait. La Convention nationale, le 2 Juin 1793, est épurée des plus modérés de ses membres.

 

    Le 13 Juillet, la violence change de camp : le patriote Marat* est assassiné par Charlotte Corday (1). On décrète le deuil national et certains font à nouveau entendre un point de vue largement partagé par la population parisienne : Marat*, l’Ami du Peuple, est bien plus digne du Panthéon national que ne l’a été Mirabeau, traître à la nation, traître à la Révolution comme le roi qu’il a défendu, comme ses amis que l’on a récemment conduits à la guillotine.... C’est Marie-Joseph Chénier (2) qui, le 25 Novembre 1793, reprenant l’opinion générale, demande que l’on chasse Mirabeau du Panthéon pour le remplacer par Marat*.

 

« Citoyens,

«  Je viens, au nom de votre Comité d’instruction publique, remplir un ministère de rigueur, et m’acquitter du devoir pénible que la justice et la patrie m’imposent. Se voir forcé de séparer l’admiration de l’estime, être contraint de mépriser les dons les plus éclatants de la nature, c’est un tourment, il est vrai, pour toute âme douée de quelque sensibilité; mais aussi, malheur à l’homme qui, dégradé par la corruption, a séparé en lui même la moralité du génie ! Malheur à la république qui pourrait conserver les honneurs au vice éloquent ! Malheur au citoyen qui ne sent pas que les talents sans vertu ne sont qu’un brillant fléau !

«  Je vous ai parlé de génie sans moralité, et de talent sans vertu. C’est bien assez vous désigner, ou plutôt c’est vous nommer Mirabeau (..)

«  Dans toutes les questions qui intéressaient la nation d’une part, et le tyran d’autre part, on sait trop que Mirabeau n’employa  ses grands moyens de tribun qu’à grossir la part monarchique, à combler de trésors et d’honneurs un privilégié qui, seul dans la balance, formait équilibre avec tout le peuple, et à consacrer parmi nous les mystères compliqués et le monstrueux échafaudage de la prétendue liberté anglaise (...)

«  Mort, il eut les honneurs du triomphe : les sociétés populaires, le peuple entier, tout partagea l’enthousiasme de regrets qu’avait inspiré aux membres les plus durs de l’Assemblée Constituante une mort si peu attendue, si rapide, et qu’on croyait accélérée par les vengeances du despotisme (..)

«  Son souvenir serait aujourd’hui sans tache, sa gloire serait inattaquable, s’il n’avait jamais perdu de vue cette grande idée qu’il avait énoncée lui-même; si, corrompu d’avance par des besoins de luxe, séduit par les conseils de l’ambition, entraîné par la confiance orgueilleuse que lui inspiraient les ressources de son esprit vaste et puissant, il n’avait pas conçu le projet d’être à la fois l’homme de la cour et l’homme du peuple. Ignorait-il que les rois sont déjà vengés des orateurs populaires quand ils ont eu le honteux bonheur de les corrompre ? Ignorait-il que les rois n’ont jamais hésité à laisser briser entre leurs mains ces déplorables instruments de leur despotisme ? (...)

«  Ce n’est pas sur des ouï-dire, sur des témoignages qu’il serait facile d’accumuler, que vous jugerez Mirabeau, mais sur ses écrits dont l’authenticité ne peut être contestée, et dont vous pèserez l’importance (..)

 

«  Citoyens, vous allez prononcer; votre Comité d’instruction publique a cru devoir peser, sans colère, mais sans indulgence, les talents et les vices de Mirabeau, les travaux civiques qui l’ont illustré et les délits qui l’ont flétri.

«  Représentants d’un grand peuple, écoutez sa voix; soyez grands et forts comme lui; représentants de la postérité, devancez son arrêt; soyez justes et sévères comme elle; les éloges même que nous accordons au génie de Mirabeau ne rendrons que plus solennels et plus terrible l’exemple que vous allez donner.

«  Votre Comité vous propose d’exclure Mirabeau du Panthéon français, afin d’imprimer une terreur salutaire aux ambitieux et aux hommes vils dont la conscience est à ce prix, afin que tout législateur, tout fonctionnaire public, tout citoyen sente la nécessité de s’unir étroitement, uniquement au peuple, et se persuade qu’il n’existe de liberté, de vertu, de bonheur, de gloire solide que par le peuple et avec lui.

«  Voici le projet de décret :

 

« ARTICLE PREMIER : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité d’instruction publique; considérant qu’il n’est point de grand homme sans vertu, décrète que le corps d’Honoré Gabriel Riqueti Mirabeau sera retiré du Panthéon français.

 

« ART. 2 - Le même jour que le corps de Mirabeau sera retiré du Panthéon français, celui de Marat* y sera transféré.

 

« ART.3 - La Convention nationale, le Conseil Exécutif Provisoire, les autorités constituées de Paris et les Sociétés populaires assisteront en corps à cette cérémonie. » (3)

 

    Le projet de décret est adopté à l’unanimité. Il ne fait pas bon, dans cette Assemblée, exprimer son désaccord avec la majorité en place....

 

    Le corps de Mirabeau est effectivement enlevé du Panthéon au cours d’une cérémonie qui à lieu le 12 septembre 1794.

    Le procès verbal, cité par Michelet (4), indique : « ..Le cortège de la fête s’étant arrêté sur la Place du Panthéon, un des citoyens huissier de la Convention s’est avancé vers la porte dudit Panthéon, y a fait lecture du décret qui exclut d’ycelui les restes d’Honoré Riqueti Mirabeau qui aussitôt a été porté dans un cercueil de bois hors de l’enceinte dudit Temple, et nous ayant été remis, nous avons fait conduire et déposer le dit cercueil dans le lieu ordinaire des sépultures.. »

 

    Le corps de Mirabeau est porté au cimetière de Clamart, le cimetière des suppliciés.....

 

 

 

 

 

 

 

(1)   CORDAY d’Armont (Marie-Anne-Charlotte de), retenue par l'Histoire sous le nom de Charlotte Corday (elle-même toutefois se faisait désigner et signait sa correspondance de son premier prénom Marie), née le 27 juillet 1768 à Saint-Saturnin-des-Ligneries1 près de Vimoutiers dans le pays d'Auge, guillotinée le 17 juillet 1793 à Paris, est une personnalité de la Révolution française, célèbre pour avoir assassiné Jean-Paul Marat le 13 juillet 1793.

(2)  CHENIER (Marie-Joseph Blaise de) est un poète, dramaturge et homme politique français, né à Constantinople le 11 février 1764 et mort à Paris le 10 janvier 1811. C'est le frère cadet du poète André Chénier. Membre du club des Cordeliers et de la Commune de Paris, Marie-Joseph Chénier avait été élu député à la Convention par le département de Seine-et-Oise. Il y fut du parti de Danton. Il vota la mort de Louis XVI. Sur son rapport, à la fin de 1792, fut décidé l'établissement des écoles primaires et, le 3 janvier 1795, l'attribution de 300 000 francs de secours entre 116 savants, littérateurs et artistes. Sous le Directoire, il fut membre du Conseil des Cinq-Cents. Il prit part à l'organisation de l'Institut de France et fut placé dans la troisième classe (littérature et beaux-arts).

Après quelques tentatives infructueuses pour sauver son frère, Marie-Joseph Chénier dut constater que c'était en se faisant oublier des autorités que son frère aurait les meilleures chances de salut et que ses interventions mal avisées ne feraient que hâter sa fin. Lui-même, alors soupçonné de tiédeur et en mauvais termes avec Robespierre, ne pouvait rien tenter pour le sauver. André Chénier fut exécuté le 25 juillet 1794 (7 thermidor an II).

(3)   Cité par Guy CHAUSSINAN-NOGARET  « Mirabeau entre le Roi et la Révolution »  op. cit. Pages

(4)   Jules MICHELET  « Histoire de la Révolution française »  op. cit. Vol II, page 379

 

 

 

ILLUSTRATION Marie Joseph Chénier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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