La cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté jeudi après-midi la demande de remise en liberté de l'équipier de la BAC soupçonné d'avoir blessé d'un tir de flash-ball à la tempe le jeune homme, début juillet, en marge des émeutes.
La décision, très attendue, risque d'amplifier mouvement de grogne qui règne depuis trois semaines dans les rangs de la police. Sans véritable surprise, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté ce jeudi la demande de remise en liberté du policier de la BAC de Marseille soupçonné d'avoir tiré au flash-ball sur Hedi, passé à tabac dans la nuit du 1er au 2 juillet, en marge des émeutes. En t-shirt blanc et le crâne rasé à l’audience, le fonctionnaire, prénommé Christophe, a admis dans la matinée, pour la première fois, avoir «pris la décision de faire usage de LBD à une reprise».
Affichant quatorze ans de service, ce policier de terrain a décrit la scène : «Nous avions reçu la consigne de rétablir l'ordre» et «j'ai vu deux individus capuchés» avec «plusieurs mouvements dont je ne pouvais pas déterminer la nature laissant penser qu'une altercation était en cours». «Rien ne prouve» que ce soit ce tir qui ait blessé le jeune Hedi, selon son avocat Pierre Gassend qui avait demandé en vain le huis clos pour «garantir la sérénité des débats».
Un risque de «concertation frauduleuse»
Grièvement blessé à la tempe, Hedi, 22 ans, affirme avoir été roué de coups par un groupe de quatre à cinq personnes qu'il avait identifiées comme des policiers de la Bac. Amputé d'une partie de la boîte crânienne et ayant perdu en partie l'usage d'un œil, ce serveur de restaurant a redit sa «foi en la justice». Sans jamais pointer de doigt vengeur contre l'institution policière, il réclame juste que «certains moutons noirs» soient «écartés du troupeau».
Les aveux du policier mis en cause donnent «une perspective» à l'enquête, a salué l'avocat général. Pour autant, face au risque de «concertation frauduleuse» avant un interrogatoire du policier prévu le 30 août, il a requis le maintien en détention.
Des vidéos «suffisamment exploitables»
Une information judiciaire avait été ouverte le 5 juillet du chef de violences en réunion par personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à 8 jours. Au terme d'une garde à vue serrée, quatre policiers de la BAC avaient été mis en examen le 21 juillet dernier. L'un des fonctionnaires a été placé en détention provisoire. Accusé d'être le tireur, ce qu'il nie, ce dernier serait au cœur d'une séquence filmée par quatre caméras de vidéosurveillance de la ville, de la synagogue, d'un commerce et d'un particulier.
«Les images sont sombres mais suffisamment exploitables pour établir les responsabilités», a assuré mercredi au Figaro Maître Jacques-Antoine Preziosi, l'avocat d'Hedi. Avant de renchérir: «Par ailleurs, la cartouche de la balle tirée par le policier a été retrouvée dans le caniveau, pas loin de l'endroit où il était posté». «À aucun moment, il n'y a eu la moindre suspicion d'atteinte à des biens ou des personnes qui justifierait la violence légitime de la police», affirme l'avocat.
Un climat de fronde policière
La détention provisoire du policier de la BAC a déclenché l'ire des syndicats. Alliance a dénoncé un maintien en détention «incompréhensible», après l’annonce du verdict ce jeudi. «Notre collègue n'a pas à rester en prison», a déclaré le secrétaire départemental des Bouches-du-Rhône d’Alliance Sébastien Gréneron, selon qui «les policiers sont responsables, les policiers ne sont pas des délinquants».
Alliance, ainsi qu’Unsa Police, avaient plus tôt fustigé : «Les policiers, à l'instar de toute personne, ont non seulement le droit à la présomption d'innocence mais ont aussi le droit au même régime justiciable qu'autrui. La détention provisoire est une mesure d'exception qui s'applique autant aux citoyens qu'aux policiers». «Le savoir en prison m'empêche de dormir», avait déclaré Frédéric Veaux, dans un entretien au Parisien, ajoutant : «De façon générale, je considère qu'avant un éventuel procès, un policier n'a pas sa place en prison, même s'il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail».
Gérald Darmanin lui avait apporté son soutien tandis que le président de la République, Emmanuel Macron, a de son côté affirmé comprendre «l'émotion» des policiers. Ces prises de position avaient soulevé la bronca dans le monde judiciaire. De manière exceptionnelle, Olivier Leurent, le président du tribunal de Marseille, s'est fendu d'un communiqué pour rappeler que «l'indépendance de la justice est un principe constitutionnel».
À fleur de peau à la sortie d'une séquence de violences urbaines qui a fait plus de 800 blessés dans leur rang, les policiers ont appelé à la mobilisation. Telle une traînée de poudre, la grogne a gagné une partie des unités. Au plus fort de la fronde, jeudi et vendredi dernier, c'est le cœur de la police qui semblait touché. «Par recoupements, on peut estimer que 5% de l'ensemble de gardiens et gradés, soit 5000 à 5500 hommes, se sont mis en arrêt maladie», affirmait lundi au Figaro Éric Henry, porte-parole du syndicat Alliance police nationale (majoritaire chez les gradés et gardiens). Un chiffre confirmé par Gérald Darmanin lui-même, le 27 juillet dernier, dès son retour de Nouméa, au commissariat du XIXe arrondissement à Paris. Mardi, le ministère de l'intérieur observait une décrue de 13% des arrêts maladies dans la zone sud et d'environ 40% à la préfecture de police. Mais le feu couve plus que jamais sous la cendre.
Source : LeFigaro.fr 03-08-2023
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