Dans la suite des "scoops" présidentiels, à l'occasion des cérémonies de voeux, il y a celui là qui semble annoncer une belle polémique : la suppression du juge d'instruction annoncée par Nicolas Sarkozy devant la Cour de Cassation, mercredi 7 janvier. Cette fonction serait remplacée par un "juge de l'instruction", rattaché au parquet.
Je n'ai aucune compétence dans les affaires judiciaires donc je me garderais bien de prendre partie dans ce débat. J'ai pourtant le sentiment que c'est un débat important, tant pour la justice elle-même que pour la démocratie.
On a souvent accusé le juge d'instruction d'être trop seul et de disposer de trop de pouvoirs. Tout le monde se souvient de l'affaire Outreau dans laquelle le juge d'instruction était apparu comme tout puissant, autoritaire. A l'abri de sa seule intime conviction il avait maintenu en prison une dizaine de personnes qui, après deux ans, avaient été reconnues innocentes. La commission qui a suivi cette affaire, avait pointé les dysfonctionnement de la justice mais, cependant, n'avait pas demandé la suppression du juge d'instruction après avoir pesé le pour et le contre. Cette même commission pour "remédier à la solitude d'un magsitrat souvent inexpérimenté" avait préconisé la collégialité qui, d'ailleurs était en train de se mettre en place.
Car les défenseurs du système actuel disent que, certes, le juge d'instruction a des pouvoirs considérables mais il est avant tout indépendant. Donc il est le garant d'une justice égale pour tous. L'indépendance semble donc être un des paramètres important.
Pour essayer d'y voir un peu plus clair dans le rouage de notre justice regardons quelles sont les fonctions actuelles des magistrats :
La Magistrature "debout" : Les Procureurs et leurs Substituts
Le procureur de la République et ses substituts, membres d'un parquet, représentent le ministère public devant toutes les juridictions de l'ordre judiciaire. Le procureur a pour mission de défendre la société, de veiller à l'application de la loi et de proposer une sanction. Il est également chargé de l'application de la politique pénale du gouvernement.
Nommé par décret présidentiel, le procureur est placé sous l'autorité du procureur général (chef du parquet auprès de la cour d'appel) et sous celle du garde des sceaux. Il ne bénéficie donc pas de la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège mais, au cours de sa carrière, il peut, à l'occasion d'une mutation, quitter le parquet pour rejoindre le siège et inversement.
La Magistrature "assises" : Les Juges
Les juges sont chargés de dire le droit en rendant des décisions de justice. Ils sont indépendants et inamovibles : ils doivent pouvoir exercer leur fonction en toute liberté vis-à-vis du pouvoir politique et ne peuvent être déplacés ou mutés contre leur gré. C'est le principe d'inamovibilité qui leur est garanti par la Constitution.
Le juge d'instruction est un magistrat du tribunal de frande instance (TGI), chargé des dossiers les plus sensibles. Il ne peut s'auto-saisir d'une affaire : il est saisi par le procureur de la République qui ouvre une information judiciaire ou par un particulier qui porte plainte en se constituant partie civile. Son rôle n'est pas de juger mais de rassembler tous les éléments de l'affaire, qu'ils soient à charge ou à décharge, afin de préparer un procès pénal. En recherchant la "manifestation de la vérité", il doit établir clairement les faits et en identifier les auteurs et les complices présumés. Dans le cadre de l'information judiciaire, il peut procéder à des perquisitions, confrontations, écoutes téléphoniques, reconstitutions des faits. Lorsque son travail lui paraît terminé, le juge d'instruction peut rendre une ordonnance de non-lieu ou renvoyer la personne mise en examen devant la cour d'assises ou le tribunal correctionnel pour y être jugée. Nicolas Sarkozy envisage de supprimer cette fonction pour confier l'ensemble des enquêtes judiciaires au parquet.
Le juge d'instance, qui siège autribunal d'instance, statue sur les conflits de nature civile entre les particuliers. Il est également juge des tutelles.
Le juge des enfants siège au tribunal de grande instance (TGI). Son rôle est de protéger les mineurs en danger mais également de juger les mineurs délinquants.
Le juge aux affaires familiales siège au TGI et s'occupe principalement de tout ce qui touche au divorce.
Le juge d'application des peines, qui siège au TGI, est chargé de suivre la vie des condamnés à l'intérieur et à l'extérieur de la prison.
Le juge de proximité, qui n'est pas membre du corps judiciaire, s'occupe des litiges civils de la vie quotidienne d'un montant limité à 4 000 euros et statue sur les petites infractions aux règles de la vie en société. Son travail est placé sous l'autorité du juge d'instance.
Source : Le Monde.fr I 07-01-2009 I