Les ministres des finances de l'Union européenne étaient engagés dans une course contre la montre, dimanche 9 mai, pour arracher un accord susceptible de rassurer les marchés avant leur ouverture dans la région Asie-pacifique, dans la nuit de dimanche à lundi. Selon des diplomates, les avis divergeaient encore dans la soirée sur l'ampleur d'un fonds de soutien en faveur des pays de la zone euro en difficulté et sur les mécanismes à utiliser.
Les différents scénarios à l'étude.
Dans un premier temps, les ministres ont discuté de la mise à disposition par la Commission européenne de prêts de 60 milliards d'euros, gagés sur des fonds non-utilisés du budget de l'UE. Cette enveloppe, qui est la limite de ce que Bruxelles peut emprunter sur la base du budget de l'UE, était néanmoins considérée comme insuffisante pour rassurer les marchés. A titre d'exemple, il a fallu 110 milliards d'euros sur trois ans à la communauté internationale mobiliser pour aider la seule Grèce, dont 30 milliards d'euros apportés par le FMI qui a approuvé dimanche sa contribution.
Pour compléter le mécanisme, une idée complémentaire a d'abord été avancée : augmenter l'enveloppe disponible de prêts potentiels de l'UE, avec des garanties des pays de la zone euro. Mais l'Allemagne a émis des réserves, redoutant notamment des recours constitutionnels car le traité européen interdit en principe à l'UE de sauver un pays de la zone euro de la banqueroute.
Un autre mécanisme à l'étude consisterait en des prêts inter-gouvernementaux garantis par les seuls pays utilisant la monnaie unique, tandis que la Banque centrale européenne pourrait aussi prêter de l'argent aux pays dans le besoin, sous forme d'achat de leurs obligations, selon des sources diplomatiques.
L'Allemagne propose un plan de 500 milliards d'euros.
Berlin a avancé une proposition alternative : un gigantesque plan de 500 milliards d'euros associant l'Europe et le FMI pour venir en aide si nécessaire aux pays de la zone euro en difficulté. Il s'agirait, s'il fait l'objet d'un accord, d'un plan d'aide sans précédent dans l'histoire. Il comprendrait les 60 milliards d'euros de prêts octroyés par la Commission européenne évoqués plus haut, ainsi que 440 milliards qu'apporteraient si nécessaire les pays de la zone euro et le Fonds monétaire international. Cette dernière enveloppe serait constituée "de prêts bilatéraux, de garanties pour des emprunts et de lignes de crédit du FMI".
Course contre la montre.
Les ministres doivent impérativement aboutir à un accord avant l'ouverture des marchés financiers en Asie dans la nuit de dimanche à lundi (les premiers marchés financiers ouvrent à 23 heures, heure française, en Océanie), afin d'être en mesure de rassurer les investisseurs qui après la Grèce ont pris dans leur mire l'Espagne, le Portugal ou encore l'Italie. Cette réunion d'urgence avait été décidée vendredi, à l'issue d'un sommet des dirigeants des seize pays membres de la zone euro. Le dispositif, bien qu'étant destiné aux Etats membres de la zone euro, doit être approuvé par l'ensemble des vingt-sept Etats de l'Union européenne qui y apporteraient leur garantie.
Le refus de Londres.
Pour valider le dispositif, il faudrait l'approbation d'une majorité qualifiée suffisante des 27 ministres européens qui se réunissent à Bruxelles. Mais le sujet ne va pas sans poser de difficulté : la Grande-Bretagne, en pleine transition, refuse de participer et d'apporter sa garantie au fonds d'urgence envisagé. "Soyons très, très clairs: s'il y a une proposition afin de créer un fonds de stabilisation pour l'euro, cela doit être du ressort des pays de l'Eurogroupe", a déclaré le ministre des finances britanniques, Alistair Darling. Les Britanniques seraient en revanche disposés à approuver une extension générale des possibilités de prêts de l'Union européenne.
De son côté, la Suède, qui ne fait pas partie de la zone euro, "n'exclut pas" de participer au fonds d'urgence en y apportant sa garantie. Le ministre des finances suédois, Anders Borg, a indiqué que s'"il est assez clair que nos contribuables ne vont pas payer pour les Grecs", "nous avons aussi besoin de ressources pour arrêter la tourmente sur les marchés."
Réunion interministérielle à l'Elysée.
Pour faire face à la crise financière que traverse la zone euro, Nicolas Sarkozy a convoqué une réunion interministérielle, dimanche, à laquelle ont participé le premier ministre, les ministres des affaires étrangères, du budget,des affaires européennes et de l'éducation. Au terme de trois quarts d'heure de réunion, les ministres ont quitté l'Elysée sans faire de commentaires.
Le président français s'est par ailleurs entretenu par téléphone avec la chancelière allemande, Angela Merkel, en fin d'après-midi. Les deux dirigeants ont "constaté leur accord complet sur les mesures qui seront annoncées" le même jour à Bruxelles pour endiguer la crise de la zone euro, a annoncé l'Elysée dans un communiqué.
Soutien de Barack Obama.
La crise prend aussi une dimension internationale. Le président américain Barack Obama a appelé dimanche la chancelière allemande Angela Merkel, pour la deuxième fois en trois jours, pour réclamer des mesures "énergiques" de l'UE afin de rassurer les marchés, a indiqué la Maison Blanche. Il a ensuite eu le président français au téléphone et selon l'Elysée, les deux chefs d'Etat se sont accordés sur "la nécessité d'une réponse d'ampleur aux désordres actuels qui affectent les marchés".
La veille, Barack Obama s'était dit "très préoccupé" par la crise budgétaire grecque et son impact sur les économies européenne et américaine, dans une interview à la chaîne russe Rossiya. "Mais je crois que les Européens ont pris conscience que c'était très grave. La Grèce prend des mesures très difficiles, a observé le président américain. Si nous pouvons stabiliser la situation en Europe, ce sera bien pour les Etats-Unis, et ce sera bien également pour la Russie." Vendredi, les Bourses mondiales avaient terminé en baisse, sur fond de craintes de contagion de la crise grecque à d'autres pays de la zone euro.
Réunion des banquiers centraux.
Des banquiers centraux ont par ailleurs entamé dimanche une série de réunions à Bâle dans le cadre d'une rencontre bimensuelle au siège de la Banque des règlements internationaux (BRI), qui devrait être dominée par la crise grecque et la fragilité de l'euro. Cette réunion de gouverneurs des principaux instituts d'émission fait partie de l'agenda annuel de l'institution considérée comme la "banque centrale des banques centrales".
Habituellement très discrète, la rencontre du groupe de banquiers doit se conclure lundi en début d'après-midi par une déclaration de leur porte-parole, qui est également président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet. Une conférence organisée par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque national suisse (BNS) lui emboîtera le pas mardi, cette fois à Zurich. Une nouvelle fois, les problèmes de l'euro devraient s'imposer lors de ce meeting orchestré notamment par le patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn.
Source : lemonde.fr 09-05-2010