
Alors que les pourparlers de paix sont toujours suspendus au Proche-Orient, les Etats-Unis ont vraisemblablement décidé de changer de stratégie. Après avoir mis la pression sur leur allié israélien, c'est désormais Mahmoud Abbas qui est sur la sellette.
George W. Bush en avait fait une priorité tardive de son deuxième mandat présidentiel, sans grand succès. Barack Obama en a fait sa priorité en matière de politique étrangère. Mais depuis son élection, il y a tout juste un an, le président démocrate a observé peu de progrès dans le lourd dossier du Proche-Orient. Depuis l'opération israélienne dans la bande de Gaza, qui a pris fin aux premiers jours de 2009, les pourparlers de paix sont dans l'impasse et chaque partie campe sur ses positions. Dans un premier temps, l'administration américaine s'est essayée à une nouvelle politique qui consistait, pour l'essentiel, à faire preuve d'une grande fermeté envers l'allié israélien. Mais celle-ci a rapidement tourné au bras de fer, Tel Aviv refusant notamment de geler son programme de colonisation, comme l'exigeait Washington.
Face à ce constat d'échec, la Maison blanche a donc revu ses plans. Et ce week-end, Barack Obama a envoyé sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, exposer la nouvelle stratégie américaine à Jérusalem. Les choses n'ont toutefois pas été dites aussi clairement. Mais le ton a bel et bien changé : après avoir mis la pression sur le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, en vain, l'administration américaine met aujourd'hui la pression sur le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Ainsi, quand celui-ci réaffirme qu'il n'y aura pas de reprise des négociations sans le gel préalable de la colonisation israélienne, Hillary Clinton répond, aux côtés de Benjamin Netanyahou: "Il n'y a jamais eu de condition préalable. C'est toujours un sujet dans le cadre des négociations." Le message est clair. Et très différent. Rappelons que le 28 mai dernier, la même Hillary Clinton déclarait: "Le président a été très clair (...) Il veut la fin de la colonisation. Pas de colonies, pas de postes avancés, pas d'exceptions liées à la croissance naturelle."
Les demi-concessions de Netanyahou
Barack Obama parle désormais de "retenue" plutôt que de "gel" des colonies, terme utilisé jusque-là. Sur le fond de la question, l'administration américaine n'a pas changé d'avis: la solution à deux Etats qu'elle défend passe par le gel de la colonisation. Mais elle n'en fait plus une condition préalable au dialogue. Benjamin Netanyahou, lui, a perçu la nuance. Le Premier ministre israélien a rapidement donné le change, d'abord en acceptant d'employer le terme d'Etat palestinien – certes démilitarisé – ensuite en annonçant la suspension temporaire de la construction de nouveaux logements dans les colonies, quand jusqu'ici il défendait leur "croissance naturelle". Pour l'heure, seules les constructions déjà approuvées par son gouvernement en Cisjordanie seront achevées. Jérusalem-Est est toutefois exclue de cette mesure temporaire. Des mesures qui ont le mérite de ne pas provoquer la colère de sa coalition de droite et d'extrême-droite.
Mais cette demi-concession a suffi à Washington. Auréolé – encombré? – de son prix Nobel, Barack Obama se doit d'obtenir des avancées en matière de politique étrangère. De passage au Maroc pour consulter certains ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe réunis à Marrakech, Hillary Clinton a affronté lundi leur colère. "Je vous affirme que nous sommes tous profondément déçus", a ainsi déclaré le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa. Reconnaissant que l'offre israélienne était "bien en deçà de [la] préférence" des Etats-Unis, la secrétaire d'Etat a tout de même estimé que l'Etat hébreu avait "répondu à l'appel des Etats-Unis, des Palestiniens et du monde arabe en faveur d'un arrêt des activités de colonisation en exprimant sa volonté de restreindre celles-ci".
Benjamin Netanyahou, lui, se réjouit d'avoir retrouvé son allié d'antan. Dans ce scénario, c'est donc Mahmoud Abbas qui endosse le mauvais rôle. Le Premier ministre israélien l'a bien compris: il a estimé que la demande des Palestiniens d'un gel total des colonies était un "prétexte et un obstacle" qui bloque toute reprise des négociations. "C'est une demande nouvelle, un changement de la politique palestinienne, qui ne fait pas grand-chose pour la paix", a-t-il même ajouté. Le vent a tourné.
Source : lejdd.fr 02-11-2009