PARTIE 2/3
La société doit manifester plus de considération pour les enseignants.
Je suis très frappé par un phénomène : si vous demandez à des enfants combien d’entre eux voudraient faire le métier du professeur, il n’y en a quasiment plus un seul qui lève le doigt. Comment peut-on espérer redonner confiance aux enseignants, et aux élèves le goût de l’effort, du travail, des études, si on laisse à ce point se dévaloriser la fonction enseignante dans notre société ?
Dans le contexte de nos finances publiques, nous ne pouvons à la fois recruter plus de professeurs et augmenter leur rémunération. J’assume donc très clairement mon choix : il faut proposer à ceux qui le souhaitent d’être présents plus longtemps dans les établissements, d’y avoir un bureau, et les rémunérer davantage. Ces heures de présence supplémentaires leur permettraient d’entreprendre plus de projets en commun avec les autres enseignants, de rencontrer plus facilement et plus souvent les parents, et surtout de suivre individuellement les élèves.
La société doit manifester plus de considération pour ses enseignants. C’est pour cette raison que leur autorité doit être confortée. C’est pour cette raison également que les violences commises à l’encontre des professeurs, quelles qu’elles soient, doivent être très sévèrement sanctionnées.
La justice est rendue au nom du peuple français.
La justice n’est pas un pouvoir à côté de l’Etat. Avec le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, elle est un pouvoir dans l’Etat. Cela signifie que le peuple est en droit de lui demander des comptes et d’orienter son action. Bien sûr, la justice doit être indépendante de toute forme de pressions, notamment politiques. La réforme constitutionnelle de 2008 a constitué un grand progrès en ce sens en rendant le Conseil supérieur de la magistrature indépendant. Depuis cette réforme, le gouvernement a toujours suivi les avis de cette institution sur la nomination des magistrats du parquet, alors même qu’il n’y était pas obligé. Mais je suis totalement opposé à ce que le ministre de la justice ne puisse plus orienter l’action générale des parquets. Pour une raison simple : le rôle du parquet est de défendre la société. C’est lui qui met en œuvre les priorités de l’action pénale. Il doit donc être dirigé par une autorité politique à laquelle l’élection a conféré la légitimité démocratique.
L’indépendance de la magistrature n’est pas le droit de rendre la justice selon des conceptions établies exclusivement par et entre des magistrats. La justice est rendue au nom du peuple français. C’est pour cela que je souhaite généraliser la présence de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels et les tribunaux d’application des peines, et l’étendre aux décisions de mise en détention provisoire. Les citoyens ne sont pas plus sévères que les magistrats. Mais leur capacité d’indignation n’a pas été diminuée par des années de pratique. Cela vaut autant à l’égard de la douleur des victimes qu’à l’égard des droits de la défense. Si la justice reste repliée sur elle-même, elle finit par être déconnectée des réalités. Dans un Etat de droit, la justice est une fonction capitale. Tout citoyen doit pouvoir se dire : « j’ai confiance dans la justice de mon pays ». C’est pour cela que je veux que le peuple participe aux décisions de justice chaque fois que cela est possible.
La justice protège les faibles contre les forts. Elle ne peut assumer cette mission si son autorité n’est pas respectée. La justice a besoin de moyens pour travailler dans des conditions plus sereines, plus rapides, plus en phase avec les conditions modernes de la vie économique et sociale. Les peines de prison doivent être réellement exécutées tout en assurant la dignité des détenus. A cette fin, le Parlement vient de décider que le nombre de places de prison serait augmenté pour atteindre un niveau comparable, rapporté à la population, à celui des autres démocraties.
Quant au sentiment d’impunité des mineurs les plus violents, il n’est pas tolérable pour les victimes et je ne pense pas qu’il aide ces mineurs à revenir dans le droit chemin, bien au contraire. Délinquants ou victimes, ces enfants sont en danger, mais pas de la même manière. Il faut réformer la justice des mineurs et, au-delà d’un certain âge, confier à deux juges distincts la mission de protection de l’enfance en danger et la mission de répression de la délinquance des mineurs. La justice des mineurs n’en sera que plus respectée.
Le temps est enfin venu de sortir de cette conception dépassée qui voudrait que la victime ne soit concernée par le procès de son agresseur qu’au titre de la réparation civile qu’elle est en droit de lui réclamer. Pour se reconstruire, la victime a autant besoin de dommages et intérêts que de la sanction pénale de celui qui lui a fait du tort. Si l’accusé peut faire appel de sa condamnation, le minimum est que la victime ait le droit d’en faire autant, tout comme elle doit pouvoir faire appel des décisions de détention provisoire et d’application des peines qui concernent son agresseur.
Si la justice est le troisième pouvoir, comme nous l’a appris Montesquieu, alors le peuple, dont dépend tout pouvoir, doit se réapproprier la justice.
Depuis 2008, nous avons traversé la plus brutale succession de crises depuis les années 30.
Quand les premiers signes d’un séisme économique sont apparus en août 2007, moins de quatre mois après mon élection, pas plus qu’aucun autre chef d’Etat et de gouvernement, je ne m’attendais à la succession et à la gravité des crises qui se sont abattues sur le monde occidental.
En 2008, la faillite de Lehman Brothers a été à deux doigts de faire tomber tout le système bancaire mondial. En une nuit, nous avons dû décider d’apporter la garantie de l’Etat à tous vos dépôts et à toute votre épargne. Aucun Français n’a perdu ses économies.
L’année suivante, le monde occidental a connu la pire récession depuis celle des années 30. En 1929, les pays se sont isolés et refermés sur eux-mêmes : dix ans plus tard, le monde sombrait dans le conflit le plus barbare de tous les temps. La France, en tant que présidente de l'Union européenne, a convaincu les Américains de créer et de réunir à Washington une nouvelle instance de concertation des grands pays du monde, le G20, afin de coordonner en urgence une réponse commune à la crise. Les mesures de relance décidées par le G20 ont évité le pire.
En 2010, à cause de la crise, le déficit de notre régime de retraite avait atteint le montant que nos meilleurs experts nous avaient prédit pour 2030. Notre système de retraite était au bord de la faillite. J’ai procédé à sa réforme, parce que, si nous ne l’avions pas fait, nous n’aurions pas pu continuer à payer les pensions.
Bien sûr, on peut soutenir qu’au lieu d’augmenter l’âge légal de la retraite, comme tous nos voisins l’ont fait dans des proportions souvent bien supérieures, il aurait mieux fallu réduire les pensions ou augmenter les cotisations. Aujourd’hui, moyennant une augmentation somme toute raisonnable de l’âge de la retraite, et cohérente avec l’allongement de la durée de la vie, le financement des retraites est garanti ; ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans peuvent continuer de partir à 60 ans ; la pénibilité est prise en compte ; et les retraites, loin d’être diminuées, seront toujours indexées sur l’inflation.
C’est parce que nous avons fait cette réforme que nous pourrons remédier, tout de suite après les élections, à une injustice criante qui frappe les retraités : la date du paiement des pensions. Les loyers et les factures tombent le premier de chaque mois alors que les pensions sont versées le huit. Nous verserons désormais les pensions le premier de chaque mois.
En 2011 enfin, la crise de la dette des Etats a failli faire disparaître l’euro. L’euro n’a pas tenu toutes ses promesses, c’est un fait, mais rien n’aurait été pire que son implosion. C’eût été le saut dans l’inconnu, l’Europe divisée, de nombreuses banques en faillite, des millions d’épargnants cherchant à retirer leurs liquidités, les Etats, dont la France, obligés d’emprunter à des taux rédhibitoires, et de réduire en conséquence leurs dépenses de façon brutale tout en augmentant lourdement les impôts.
La récession aurait été d’une plus grande violence encore. Voilà pourquoi j’ai tout fait pour sauver l’euro et pour sauver la Grèce. Laisser la Grèce sortir seule de l’euro, c’était admettre le caractère réversible de la monnaie unique. Pourquoi pas ensuite l’Italie, l’Espagne, le Portugal ? C’eût été prendre le risque d’une redoutable contagion.
L’Allemagne est le pays auquel l’implosion de l’euro aurait causé le moins de problèmes. Elle s’est conduite en alliée pour sauver notre monnaie commune. En même temps, la France a obtenu une réforme de la zone euro pour que les errements du passé ne se reproduisent pas : le gouvernement économique de la zone euro que je réclamais depuis des années est désormais en place et la convergence des politiques économiques est engagée.
Tout cela a été très difficile. Nous étions au bord du gouffre. Croire dans une réouverture des négociations est une utopie tout simplement parce que celles-ci viennent de s’achever et que pas un gouvernement en place en Europe ne le souhaite. Avec le sauvetage de la Grèce, la réforme de la zone euro vient en outre d’enregistrer son premier succès majeur. Cela n’a donc rien à voir avec la réforme de la zone Schengen que je propose, dont le traité fondateur date de 1985 et dont les insuffisances sont criantes. Cette réforme est au surplus souhaitée par un nombre croissant d’Etats.
La France a tenu parce qu’elle a agi.
Pendant toutes ces crises, je n’ai eu qu’une seule préoccupation : protéger la France et les Français. Le médiateur du crédit a évité le blocage de l’économie, en particulier dans les PME. Des mesures de relance ont limité le recul de la croissance. Le chômage a augmenté, c’est vrai, mais beaucoup moins que dans les autres pays de l’Union européenne. La dette publique s’est creusée, mais beaucoup moins que dans les autres pays du G7. Le pouvoir d’achat a progressé, pas autant que nous l’aurions souhaité bien sûr, mais il a baissé chez la plupart de nos partenaires. Le taux de pauvreté est resté inférieur en France à ce qu’il est chez nos voisins.
Cela a été possible parce que nous avons pris de nombreuses mesures de soutien pour les plus défavorisés d’entre vous, telles que l’augmentation de 25 % en cinq ans du minimum vieillesse et de l’allocation adulte handicapé, une exonération d’impôt sur le revenu pour 6 millions de contribuables au plus fort de la crise, le doublement de la population éligible à l’aide à l’acquisition d’une mutuelle, la baisse des tarifs d’électricité de première nécessité ou encore la création d’un tarif de solidarité pour le gaz.
Parce que la solidarité l’exigeait, nous avons par ailleurs augmenté les prélèvements pesant sur les plus favorisés en plafonnant les niches fiscales, dont 150 ont été créées lorsque Lionel Jospin était Premier ministre, en augmentant la fiscalité des revenus du patrimoine, en augmentant le taux de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu ou encore en créant une contribution additionnelle sur les très hauts revenus.
Vous avez souffert de la crise. Mais la France a tenu. Elle s’en est même mieux sortie que les autres. La France a tenu parce que son régime de protection sociale est solide. Elle a tenu parce nous avons pris des mesures de solidarité qui ont permis d’atténuer les conséquences de la crise pour les plus vulnérables. Elle a tenu parce qu’elle avait commencé à engager, avant la crise, des réformes structurelles de son économie. Elle a tenu parce que la réforme des retraites, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et toutes les mesures de réduction des dépenses publiques que nous avons prises depuis 2007 nous ont permis de présenter des perspectives crédibles de redressement de nos finances publiques, et d’être moins attaqués que d’autres par les marchés financiers.
Au début, le monde occidental s’est laissé enivrer par la mondialisation.
Il faut maintenant tirer les enseignements de cette succession de crises. Ce n’est pas la mondialisation qui est à l’origine des crises. C’est une mondialisation sans règles, une mondialisation où tout est permis, dumping social, dumping fiscal, dumping écologique, une mondialisation qui a mis le profit au-dessus de l’humain et substitué le pouvoir impersonnel des marchés à celui des peuples et des Etats.
Dans cette mondialisation-là, les pays occidentaux, avec leurs lois, avec leurs principes, avec leur niveau de protection sociale, ne pouvaient résister. Aussi ont-ils réagi par l’endettement public pour continuer à financer leurs modèles sociaux, et par la financiarisation de l’économie pour gagner, dans l’économie virtuelle, ce qu’ils ne pouvaient plus obtenir dans l’économie réelle de moins en moins compétitive.
Ces bases étaient malsaines. L’endettement des pays développés a servi à masquer la stagnation du pouvoir d’achat. Il a été le terreau de la spéculation financière. Au lieu de gagner de l’argent en créant de la valeur par des innovations, des découvertes, de nouveaux produits, on pouvait en gagner davantage en la détruisant à coup de hedge funds, titrisation, spéculations acrobatiques ou dépeçage d’entreprises. Dans ces conditions, la crise ne pouvait qu’arriver et elle arriva avec ses conséquences en chaîne.
Ce n’est pas ainsi que le monde occidental aurait dû réagir à la mondialisation. Mais, au début, il s’est laissé enivrer par elle. Nous avons vu l’immense progrès qu’elle représentait pour les peuples qui allaient pouvoir accéder au même niveau de richesses que nous. Nous avons cru à la paix universelle. Nous n’avons pas vu la brutalité du choc qu’entraîneraient pour les économies occidentales les écarts de salaires et de protection sociale. Nous avons cru que nous pourrions résister par la seule innovation, les seuls services, la seule finance… Nous avons tardé à comprendre que, si la mondialisation faisait des gagnants dans nos pays, elle faisait aussi des perdants, ceux qui sont les moins qualifiés, ceux qui voient les usines se fermer et les emplois se délocaliser, ceux dont les salaires sont tirés vers le bas et dont les compétences deviennent inutiles. Nous n’avons pas vu certaines inégalités se creuser, avec des traders et des dirigeants d’entreprise qui se sont mis à gagner des salaires invraisemblables. Nous n’avons pas vu, et la France moins que les autres, que nous avions aussi des faiblesses, qu’à la faveur de la longue période de croissance des Trente Glorieuses, nous nous étions partiellement endormis dans un niveau de confort jamais atteint par nos sociétés. Nous n’avons pas anticipé que d’autres pays pourraient un jour nous dépasser.
L’Europe devait nous protéger, elle a aggravé notre exposition à la mondialisation.
Ces erreurs, l’Europe les a commises plus que toutes les autres régions du monde. L’Europe devait nous protéger, elle a aggravé notre exposition à la mondialisation. Dans l’euphorie de la chute du mur de Berlin, l’Europe a cru à la fin de l’histoire. La Commission, qui avait joué un rôle essentiel pour construire l’Union européenne, s’est transformée en un cénacle technocratique et coupé des peuples. Elle s’est mise à accumuler les normes sans que les pays puissent réagir, divisés qu’ils étaient par un élargissement trop rapide qui les avait mis trop nombreux et trop hétérogènes autour de la table. L’Europe s’est crue investie du devoir d’être le meilleur élève de la mondialisation, celui dont les frontières devaient être les plus ouvertes et l’économie la plus dérégulée.
Je suis un Européen convaincu. Toute ma vie, je me suis battu en faveur de la construction européenne. Je ne connais pas de plus grand projet politique et de plus bel idéal humaniste que celui qui a conduit les Européens à surmonter leurs haines et leurs souffrances pour faire de leur continent meurtri par les guerres un continent de paix et de culture. Mais si pendant tant d’années, l’Europe a soulevé tant d’espérance, c’est parce qu’elle incarnait pour les peuples plus de sécurité et plus de prospérité. Il faut retrouver le but initial du projet européen.
L’enjeu est de réconcilier les gagnants et les perdants de la mondialisation.
Refuser la mondialisation est une incantation. Depuis le XVIème siècle, la France est un pays ouvert, qui tient sa place au cœur du monde. La Chine, l’Inde, le Brésil, les Etats-Unis s’arrêteraient-ils de produire, d’étudier, d’innover, d’échanger parce que nous aurions décidé de nous extraire de la vie du monde ? Qui achèterait nos voitures, nos avions, nos produits industriels et agricoles, nos produits de luxe, notre cinéma ? Avec quels partenaires nos chercheurs, nos universitaires, nos intellectuels échangeraient-ils ? Cela n’aurait évidemment aucun sens. Notre modèle ne peut pas être celui de la Corée du Nord.
Je veux dire à nos chercheurs, à nos industriels, à nos créateurs, à tous les natifs du numérique, à tous ces Français de France ou expatriés qui sont aux avant-postes de la mondialisation et qui chaque jour donnent à notre pays d’immenses succès dans de multiples secteurs : la France vous doit beaucoup, la France restera un pays ouvert.
Mais je veux dire aussi aux blessés de la mondialisation, à ceux qui subissent les délocalisations, à ceux dont les salaires stagnent, à ceux qui ont peur du déclassement, à ceux qui craignent que leurs enfants vivent moins bien qu’eux, que nous allons nous défendre dans la mondialisation.
La France rassemblée, c’est une France qui réconcilie les gagnants et les perdants de la mondialisation, en permettant aux premiers de réaliser leurs rêves de conquête dans un monde ouvert, et aux seconds d’être protégés et de préserver leur mode de vie. C’est pour cela que la France doit être forte : forte pour encourager, accompagner, inciter ceux qui font gagner la France dans la mondialisation, et forte pour protéger ceux qui sont menacés par elle et leur rendre la capacité de maîtriser eux aussi leur destin. Voilà l’enjeu essentiel des prochaines années pour la France.
Entre augmenter les impôts et réduire les dépenses publiques, je choisis la réduction des dépenses.
Nous devons d’abord regarder lucidement nos insuffisances ; ces trente années où, trop souvent, nous avons fait les choix de la facilité, travailler toujours moins, déresponsabiliser toujours plus, excuser toujours tout, dépenser toujours davantage. Moins que jamais, la nouvelle configuration du monde nous interdit d’être dans le déni des réalités et dans l’ignorance des défis que nous devons relever.
Le premier d’entre eux est de retrouver la maîtrise de nos finances publiques. Nous ne pouvons plus continuer à laisser à notre jeunesse la facture de notre laisser-aller. Augmenter les impôts n’est pas la solution. Il y a trop d’impôts en France sur les classes moyennes. Depuis 20 ans, la France qui travaille ne cesse de s’appauvrir car on lui demande de financer un système dans lequel nous produisons de moins en moins et nous redistribuons de plus en plus. La France a adopté un plan de redressement de ses finances publiques qui la conduira à l’équilibre budgétaire en 2016. C’est ce plan qui sera appliqué si vous m’accordez votre confiance. Il n’y aura aucune augmentation d’impôt nouvelle pour les ménages durant les cinq prochaines années. Et nous ferons la réforme de la dépendance en 2013, car nous aurons alors ramené le déficit public à un seuil qui permet de l’engager.
Ce sont donc bien les dépenses publiques qu’il faut réduire. Cela implique des efforts, de l’imagination, du courage aussi pour affronter les clientélismes. Les collectivités territoriales devront participer à l’effort de réduction des dépenses. Nous ferons désormais une feuille d’impôt par collectivité parce que chaque Français doit savoir ce qu’il paye pour sa région, son département, sa commune. En même temps, je veux diminuer le nombre de parlementaires, parce que c’est juste. A tous les Français, on demande des efforts, les élus doivent en prendre leur part.
Le travail n’est pas une idée dépassée.
La France ne travaille pas assez. Pendant 30 ans - retraite à 60 ans, 35 heures - nous n’avons cessé de diminuer la durée du travail quand tous les autres pays faisaient le choix de travailler davantage. Cette politique a totalement échoué. Plus nous réduisions unilatéralement la durée du travail, moins les entreprises étaient compétitives, moins les salaires progressaient, plus nous étions obligés de maintenir des millions de Français, jeunes, seniors, allocataires de minima sociaux, en dehors du marché du travail.
Il est faux de penser que le travail est rare. Jamais il n’y a eu autant de travail dans le monde, autant de marchés à conquérir, autant de besoins à satisfaire, autant de produits à inventer. Et plus nous travaillons, plus il y a du travail pour tous.
Nous avons payé cette erreur d’une défaite sociale : le chômage n’a pas baissé. Nous l’avons payée d’une défaite humaine : nous avons consacré des milliards à maintenir des gens dans l’assistanat plutôt que de tout faire pour les aider à trouver un emploi. Nous l’avons payée d’une défaite financière : avec de plus en plus de dépenses sociales et de moins en moins de recettes du travail, nos déficits se sont creusés. Nous l’avons surtout payée d’une défaite morale : nous avons envoyé un message désastreux à notre jeunesse et découragé le travail en faisant de l’assistanat une situation plus confortable que l’activité.
Jamais personne n’a surmonté ses difficultés sans travailler. Jamais on n’a vu un pays s’en sortir sans effort. La France ne s’en sortira que par le travail.
L’écart entre les revenus du travail et les revenus de la solidarité doit absolument être préservé. Supprimer l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires, qui permet à 9 millions de salariés de gagner 450 euros de plus par an, serait une grave erreur et un coup porté au pouvoir d’achat de ces salariés. Je veux au contraire pérenniser cette mesure. Proposer d’alourdir les charges sociales payées par les salariés pour financer un retour en arrière sur les retraites est un contre-message absolu. Est-ce le moment de demander à la France qui travaille, et à nos entreprises qui se battent, de payer encore un peu plus de charges pour avoir un peu plus de monde qui ne travaille pas ? Je veux au contraire réduire les charges sociales salariales des salariés les moins rémunérés, pour un gain de 840 euros nets par an au niveau du SMIC, par l’intégration de la prime pour l’emploi dans leur fiche de paie et la réduction des niches sur les dividendes. Et il faut exiger que les allocataires du RSA effectuent 7 heures par semaine de travail d’intérêt général. L’allocation pour sa part sera suspendue en l’absence d’efforts de réinsertion régulièrement évalués. C’est une question morale. Il est impératif que le travail soit toujours plus payant que l’inactivité.
Nous devons réformer notre système de formation professionnelle.
Nous ne pouvons plus rester inertes devant l’incohérence de notre système de formation professionnelle.
Dans un monde où les techniques changent de plus en plus vite, où l’innovation est de plus en plus essentielle, où la compétition est de plus en plus rude, un système efficace de formation professionnelle est indispensable. Lui seul peut adapter les compétences des salariés aux nouveaux enjeux, aux nouveaux marchés. Lui seul peut rétablir l’équité entre ceux qui ont pu faire des études et ceux qui n’ont pas pu. Lui seul peut redonner leur chance à ceux qui sont durablement éloignés du marché du travail.
L’expérience des ouvrières de Lejaby, qui sont passées de la fabrication de lingerie à la maroquinerie, montre que la formation professionnelle est utile et possible. J’ai été frappé par la force du symbole, ces femmes, certaines âgées de plus de 50 ans, qui apprennent un nouveau métier. C’est fondamental de lutter contre cette idée désespérante selon laquelle à 50 ans, on ne serait plus bon à rien.
Aujourd’hui pourtant, l’argent de la formation bénéficie en priorité à ceux qui ont fait le plus d’études et à ceux qui ont un emploi. 10 % seulement des chômeurs ont la possibilité de suivre une formation, mais près d’un demi-million d’emplois ne sont pas pourvus.
Il faut donc changer ce système en suivant un principe simple : l’argent de la formation professionnelle doit aller en priorité à ceux qui ont besoin d’une formation, soit pour retrouver un emploi, soit pour adapter leurs compétences aux nouveaux marchés de l’économie. Toute personne au chômage dont les chances sont faibles de retrouver un emploi dans son métier, devra donc se voir proposer une formation à un autre métier. Plutôt que d’être payée à se sentir inutile, elle sera rémunérée pour acquérir de nouvelles compétences et devra accepter l’emploi correspondant à ce nouveau métier qui lui sera proposé en fin de formation. Cela n’empêchera pas les entreprises de continuer à former leurs salariés. Elles le font déjà bien au-delà de leurs obligations légales.
Cette réforme ébranlera bien des intérêts particuliers. Mais peut-on encore laisser s’effacer durablement devant ces intérêts, l’intérêt général et humain qui s’attache à permettre aux chômeurs de retrouver un emploi ?
Il faut adapter notre fiscalité pour protéger nos emplois industriels.
Il faut enfin avoir l’audace de modifier la fiscalité qui pèse sur le travail. La grande question fiscale de notre temps n’est pas de savoir quel doit être le taux le plus élevé de l’impôt sur le revenu. L’aspiration égalitaire n’ayant jamais de fin, ce débat sera toujours vain tant que l’égalité absolue ne sera pas atteinte.
Il ne se passe d’ailleurs pas une journée sans que la proposition de fixer un taux de 75 % pour les très hauts revenus ne soit assortie d’une nouvelle exception.
La question importante est de savoir quel régime fiscal peut à la fois protéger l’emploi industriel en France et préserver notre système de protection sociale.
Je crois dans l’industrie. Protéger l’emploi industriel est impératif. Jamais il n’y a eu de théorie aussi naïve que celle selon laquelle l’avenir était de laisser partir les usines et de garder les services et les centres de recherche. Si les usines partent, les services partiront et les centres de recherche suivront irrémédiablement. Depuis 2007, nous avons engagé un grand nombre de réformes structurelles pour remettre l’industrie française dans la course internationale : suppression de la taxe professionnelle, crédit-impôt-recherche, autonomie des universités, investissements d’avenir, développement de l’économie verte, création de métropoles…
Tous ces efforts cependant seront insuffisants si nous ne réduisons pas l’écart de coût du travail qui s’est creusé entre la France et ses partenaires européens, en particulier l’Allemagne. Le travail est trop cher en France parce que les charges sociales qui pèsent sur les bas salaires sont trop élevées. L’objectif n’est évidemment pas d’aligner notre coût du travail sur celui des pays émergents, ce serait une course illusoire et sans fin ; il est de le rapprocher de celui des principaux pays développés. C’est avec eux que nous sommes en compétition sur les marchés des produits innovants et de qualité.
Nous avons épuisé toutes les solutions alternatives : les entreprises compriment- les salaires vers le bas, les exonérations de charges sont multiples, nous n’allons pas réduire les prestations sociales. Il faut donc engager un chan-gement plus structurel en transférant sur la TVA une partie du financement de la protection sociale qui pèse sur le travail. Les prix n’augmenteront pas car le coût de revient des produits baissera pour les entreprises. Les prix des biens les plus essentiels, taxés aux taux réduits de TVA, baisseront, car leur production bénéficiera de la baisse des charges. Mais seule la TVA au taux normal augmentera. Nos exportations seront plus compétitives. Les importations contribueront au financement de notre protection sociale. C’est la solution d’avenir.
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