Concertation !.. C’était le mot d’ordre du gouvernement Ayrault. Il n’avait d’ailleurs pas manqué de rappeler à l’ordre son ministre de l’Education nationale qui avait été un peu vite à décider.. tout seul. Avant même d’ailleurs d’être officiellement intronisé. Mais cette fois ci c’est le Premier Ministre lui-même qui se prend au piège : Jean-Marc Ayrault a annoncé vendredi 1er juin au matin sur BFMTV que le gouvernement prépare un texte qui permettra aux forces de police de délivrer un récépissé à chaque personne dont l'identité est contrôlée. Objectif : éviter la multiplication des contrôles. Les associations se félicitent de cette décision. Les syndicats de police, eux, crient au laxisme et ne manquent pas de rappeler, bien évidemment, que l’on aurait pu les consulter…avant !...
"Une discrimination de la vie quotidienne, une injustice que je n'accepte pas." Le candidat François Hollande avait promis, durant sa campagne électorale, de "mettre un terme" aux "contrôles au faciès". Manuel Valls s'est emparé de la question, et Jean-Marc Ayrault, invité vendredi 1 er juin au matin de BFMTV, a confirmé que le gouvernement prépare un texte qui permettra aux forces de l'ordre de délivrer un récépissé à chaque personne dont l'identité est contrôlée, afin d'éviter notamment la multiplication des contrôles.
Le Premier ministre s'est employé à justifier cette mesure au micro de Jean-Jacques Bourdin. "C'est important de ne pas contrôler trois fois la même personne (...) c'est une mesure que l'on va faire mais qui n'a rien d'extraordinaire, ça se fait ailleurs", a-t-il plaidé. "Il ne s'agit pas d'arrêter les contrôles d'identité, les policiers font leur travail (...) simplement on donne (aux personnes contrôlées) un reçu", a-t-il ajouté. "Je pense que ça sera utile à tous. Aux personnes contrôlées, qui doivent être contrôlées mais pas trois, quatre fois, et aux policiers aussi parce que les policiers ont besoin de retrouver la confiance et le respect", a également jugé Jean-Marc Ayrault.
Les syndicats de police en colère
Des associations réclament un tel changement depuis des années, comme le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap). Dominique Sopo, président de SOS racisme, assure quant à lui qu'il a été consulté par le Parti socialiste au moment de l'élaboration du programme présidentiel. Il se "félicite que François Hollande ait repris cette mesure à son compte. C'est complètement normal que les citoyens puissent savoir pourquoi ils sont contrôlés, et ce sera désormais possible, puisqu'il y aura une trace écrite. C'est une bonne nouvelle, même si je ne suis pas surpris."
Patrick Lozès, fondateur et premier président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) - qui avait réclamé cette mesure en 2009 - se garde toutefois de "tout triomphalisme, même si c'est une avancée dont la société française peut se féliciter". Candidat aux législatives dans la 9e circonscription de Seine Saint-Denis, il souhaite toutefois adresser son "premier mot aux policiers. La police est une institution respectable, et cela ne doit pas changer négativement leur façon de travailler", estime-t-il, avant de s'appuyer sur son expérience personnelle pour les rassurer, lui qui a voyagé pour étudier les pratiques de nos voisins. "A l'étranger, cette mesure a renforcé le lien entre les policiers et la population." Un argument avancé vendredi matin par le Premier ministre.
Chez les policiers pourtant, la mesure a du mal à passer. Mis au courant des consultations lancées par Manuel Valls sur ce sujet, ils sont unanimement montés au front pour dénoncer une mesure qu'ils jugent laxiste. "Remettre un récépissé à un voyou le matin? Mais autant lui donner un blanc-seing pour pourrir la vie d'un quartier toute la journée!", proteste ainsi Patrice Ribeiro, le patron de Synergie-officiers, dans Le Figaro. "Cela voudrait dire que tous les voyous sont contrôlés tous les jours. C'est un argument théorique et non recevable", rétorque Patrick Lozès. A l'Unsa-police, syndicat plutôt classé à gauche, on s'interroge sur la "suspicion" qu'un tel système jetterait sur la "police républicaine", déjà stigmatisée en janvier dernier par l'organisation américaine Human Rights Watch, qui mettait notamment en évidence un "profilage ethnique".
Source : LeJDD.fr 1er juin 2012