
Critiqué de toutes parts au sein de France Télécom Orange mais soutenu jusque là par le gouvernement, Didier Lombard semble cette fois accuser le coup. Le 25e suicide au sein du groupe en moins de deux ans, jeudi à Lannion (Côtes d'Armor), sera peut-être celui de trop. Malgré une sortie médiatique axée sur l'émotion, le P-DG de France Télécom a bien du mal à convaincre, même au sein de la majorité présidentielle.
La fin d'un job en or? Didier Lombard, P-DG de France Télécom, vit peut-être ses dernières semaines à la tête du groupe. Vendredi 17 octobre, pour la première fois, il a été mis en cause par un membre du gouvernement qui estime que l'homme manque cruellement d'empathie. Malgré une sortie médiatique, jeudi, après l'annonce d'un nouveau suicide d'un salarié du groupe à Lannion au lendemain d'une tentative à Marseille, surjouant l'émotion. L'homme qui avait ironisé sur la "mode des suicides" au sein de "son" entreprise a depuis trop longtemps donné l'image d'un monstre froid. Et, pour certains syndicats, sa nouvelle sensibilité serait le fruit d'une stratégie médiatique visant à faire le dos rond le temps que l'affaire se tasse. "Quand les médias n'en parleront plus, nous serons tranquilles". Voilà l'idée résumée à grands traits. Sauf que les médias restent pour l'heure pugnaces mais que, surtout, les suicides ou tentatives perdurent au sein du groupe. Le chiffre donne le vertige: 25 suicides depuis février 2008!
"Qu'il se retrousse les manches"
Vendredi, des salariés du centre de recherches de Lannion (Côtes-d'Armor) ont défilé en silence après le suicide la veille d'un ingénieur de 48 ans, qui a laissé une lettre faisant état d'une déception à propos d'une promotion manquée. Didier Lombard s'était rendu sur place jeudi pour leur exprimer son soutien, mais des délégués syndicaux ont déclaré qu'il n'avait rencontré qu'une poignée de personnes dans la soirée et avait décliné leur invitation de rester pour s'adresser à l'ensemble du personnel ce vendredi. La critique ne surprend pas de la part des syndicats mais elle émane dorénavant du gouvernement. Le secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi est monté au créneau vendredi. "La première chose, c'est le boulot interne de France Télécom: il est urgent qu'ils se retroussent les manches, et surtout que le P-DG donne le sentiment d'une empathie et qu'il aille à la rencontre de ses salariés, car je trouve qu'il ne l'a pas suffisamment fait jusqu'à présent", a commenté Laurent Wauquiez au micro de Canal+.
Le chef de l'Etat, sans nommer expressément Didier Lombard, a lui aussi dénoncé le mode de gestion de l'entreprise, plutôt hasardeuse. "On a trop privilégié dans certaines entreprises l'avis des analystes financiers et ainsi on a oublié la qualité des relations sociales", a déclaré Nicolas Sarkozy dans une longue interview accordée au Figaro vendredi. Et pour une fois, au-delà de l'emploi des mots, syndicats et gouvernement semblent en accord. "L'aveuglement de la direction, doublé d'un mépris profond pour les conditions de travail d'agents qui n'ont jamais démérité, est seul responsable de la crise traversée par cette entreprise", analyse dans un communiqué Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière.
Après avoir longtemps hésité, la quasi-totalité des syndicats de France Télécom Orange demandent désormais la tête de Didier Lombard et ne croient guère, la CFE-CGC en tête, à des débats sur le stress au travail, pis-aller de la direction pour calmer le jeu. Didier Lombard, aux yeux de beaucoup, n'est plus un interlocuteur crédible et doit laisser sa place avant le terme de son mandat, fixé à 2011. De gré ou de force. Et l'homme n'a aucune envie de quitter un job en or. Il l'a encore affirmé, au Figaro, dans un entretien à paraître samedi.
Source : lejdd.fr 17-10-2009