
En appelant les dignitaires religieux à dénoncer les violences commises par le pouvoir en Iran, le grand ayatollah Hossein Ali Montazeri s'est une nouvelle fois attiré les foudres de Téhéran. Plusieurs de ses proches ont été arrêtes.
En Iran, l'opposition peut compter sur le soutien du grand ayatollah Hossein Ali Montazeri. Depuis la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la tête de la République islamique, il n'a cessé de donner de la voix, dénonçant notamment la répression des manifestations. Sa dernière prise de position - il a demandé lundi aux dignitaires religieux de dénoncer les procès des manifestants et les violences commises dans les prisons - a d'ailleurs valu des ennuis à ses proches. Selon la presse réformatrice, plusieurs membres de sa famille, dont les trois enfants de son fils, ont été arrêtés.
Depuis la fin des années 1980, le grand ayatollah – rang le plus élevé du clergé chiite -fait figure de premier dissident religieux. L'homme a pourtant participé à la révolution islamique de 1979 et à l'élaboration de la Constitution iranienne, qui instaure, entre autres, la théocratie. Mais s'il croit toujours au fondement même de la République islamique – à savoir que le religieux prime sur le politique – il s'est très tôt montré très critique envers le pouvoir. Choisi en 1985 par l'Assemblée des experts – un collège de 88 religieux chargé de nommer et de révoquer le Guide suprême de la révolution – pour succéder à l'ayatollah Khomeini, fondateur de la République islamique, il a été écarté par Khomeini lui-même, celui-ci n'ayant pas goûté ses critiques sur la répression politique et culturelle. Son successeur au poste de Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, l'a fait placer en résidence surveillée entre 1997 et 2003.
Le clergé chiite divisé
Mais cela ne l'a jamais empêché de multiplier les déclarations. Très respecté en Iran, il est aussi très écouté, notamment dans le camp réformateur, où nombre d'élus ont suivi son enseignement religieux dans la ville sainte de Qom. Depuis des années, sa ligne directrice n'a pas varié: l'homme juge que le respect de l'islam n'est pas compatible avec la répression, quelle que soit sa forme. Peu après la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, il déclarait d'ailleurs que "résister aux exigences du peuple est interdit par la religion". Dans son appel lancé aux dignitaires religieux lundi, il écrit: "Les gens disent que ces injustices sont contraires à l'islam. Pourquoi dans ce cas les dignitaires religieux, qui sont une source d'inspiration, et les gardiens de l'islam (…) ne prennent-ils pas position contre ces actions?" Et d'ajouter que lesdits dignitaires savent parfaitement que le pouvoir "exploite leur silence pour mener ses actions illégales". Selon un bilan établi par Téhéran, 36 personnes ont été tuées durant les manifestations qui ont suivi la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. L'opposition, elle, avance le chiffre de 72. Par ailleurs, 140 personnes – élus réformateurs, simples manifestants, employés des ambassades britannique et française – sont actuellement jugés à Téhéran pour leur participation aux manifestations du mois de juin.
En s'adressant directement aux dignitaires religieux, le grand ayatollah cherche à fissurer un peu plus un clergé chiite que l'on dit déjà en proie à de fortes tensions. Le président Ahmadinejad a d'ailleurs, pour cette raison, eu bien du mal à former son gouvernement fin août. Pour ce faire, Hossein Ali Montazeri peut compter sur le soutien – qu'il le cherche ou non d'ailleurs - de Mehdi Karroubi, réformateur et candidat malheureux à l'élection présidentielle iranienne, et de l'ancien président de la République, Ali Rafsandjani. Le premier, qui fut autrefois l'élève des ayatollahs Khomeiny et Montazeri, a estimé samedi dans les colonnes du quotidien italien La Stampa, que "si l'ayatollah Khomeiny était vivant, il annulerait ces élections (…) et condamnerait les violences et les meurtres". Le second avait lui estimé mi-juillet que le pays connaissait une véritable "crise". "Si les aspects islamique et républicain de la Révolution ne sont pas sauvegardés, cela veut dire que nous avons oublié les principes de la Révolution", avait-il lancé lors d'un prêche très écouté.
L'objectif est clair: il s'agit de démontrer que le pouvoir version Ahmadinejad et Khamenei a dévoyé la révolution islamique - car d'aucuns ne critiquent son fondement. Et pourquoi pas convaincre une majorité des 88 religieux de l'Assemblée des experts, seule capable en théorie de destituer le Guide suprême, à se rallier à leur cause. Mais le pouvoir n'entend pas se laisser faire. "Certains répètent sans cesse que le peuple a perdu confiance dans le régime. Je leur réponds: 'lorsque 40 millions de personnes participent aux élections, cela veut dire qu'ils ont confiance'. Le peuple a confiance dans le régime et inversement", a déclaré le Guide suprême dans son prêche, vendredi dernier, rappelant que le régime "agira avec détermination contre ceux qui ont sorti leur épée pour le combattre". L'ayatollah Ali Khamenei n'a pas hésité à renverser l'accusation: il a rappelé que nombre de dignitaires religieux s'étaient vus, depuis 1979, écarté du pouvoir pour avoir remis en cause les principes révolutionnaires. Le grand ayatollah Montazeri – clairement visé – en fait partie.
Source : lejdd.fr 18-09-2009