
L'Administration Obama, suivant les recommandations du général Petraeus, mise sur la «stratégie de la contre-insurrection» et des années de présence sur le terrain pour sortir d'une situation critique.
Les bombes qui explosent quasi quotidiennement en Afghanistan, où 12 personnes ont encore été tuées lundi 2 août à Herat, n'ont nullement pris de court les responsables américains, qui s'étaient préparés psychologiquement et militairement à cette poussée de violence à l'approche des élections du 20 août.
Dès le printemps, lors de la revue stratégique menée par l'Administration Obama pour décider de la marche à suivre sur le terrain miné des montagnes afghanes, stratèges civils et généraux avaient sonné le tocsin, exprimant exactement les mêmes inquiétudes que celles du rapport parlementaire britannique décapant rendu public ce week-end. Le général David Petraeus, étoile montante de l'état-major désormais en charge de la stratégie militaire américaine sur l'arc de crise qui court du Moyen-Orient au Pakistan, s'était livré à un état des lieux sans fard, expliquant carrément que la coalition internationale était en train de «perdre la guerre». Il avait aussi dessiné la «stratégie de contre-insurrection» qu'il faudrait mener sur le modèle du «Surge» irakien pour retourner une situation plus que critique.
Une priorité absolue
Quelques jours plus tard, le président Obama annonçait l'envoi de 20 000 hommes supplémentaires au nom d'une stratégie militaire et politico-économique ambitieuse, visant à forcer le gouvernement de Hamid Karzaï à lutter contre la corruption qui dévore ses rangs et à améliorer la vie des civils.
La démonstration d'Obama était simple. Aussi sceptique soit-elle sur la légitimité du pouvoir central afghan actuel, l'Amérique ne pouvait courir le risque de voir l'Afghanistan se transformer à nouveau en base arrière de mouvements extrémistes type al-Qaida, susceptibles d'aller frapper le territoire américain. Elle ne pouvait pas non plus se payer le luxe de laisser ces groupes radicaux œuvrer à la déstabilisation du Pakistan voisin, via les zones tribales pakistanaises. «L'enjeu est trop colossal. Le Pakistan a l'arme nucléaire. Empêcher al-Qaida d'y accéder est une priorité absolue des États-Unis», confiait en juin John Nagl, président du Centre for a New American Security.
Les militaires américains savent pertinemment que les 20 000 soldats supplémentaires d'Obama ne permettront pas d'orchestrer une sécurisation comparable à celle de l'Irak, où les troupes déployées pendant le «Surge» comptaient quelque 150 000 hommes. «En Irak, nous parlions divisions, en Afghanistan, nous parlons brigades», note avec une pointe d'inquiétude l'expert Andrew Exum. «La contre-insurrection se décline en trois temps : nettoyer (les poches d'insurgés, NDLR), tenir et construire. On pourra nettoyer, mais tenir et construire sera plus problématique avec si peu d'hommes», juge-t-il.
Forcé d'opérer avec des ressources réduites, le nouveau commandant en chef des troupes américaines en Afghanistan, Stanley McChristal, brillant produit de West Point, espère pourtant qu'une utilisation rationnelle de ses hommes au service de la sécurité des civils afghans, permettra de retourner la situation. L'idée est de gagner le cœur de la population pour mieux isoler les insurgés talibans. «Cela veut dire que nous aurons moins de forces pour manœuvrer à travers le pays», notait-il le 28 juillet dernier, jugeant que les grosses opérations de ratissage des montagnes se feraient rares.
Deux ans de combats ardus
L'un des volets cruciaux de l'opération consistera par ailleurs à former l'armée et la police afghanes, afin de leur passer progressivement le relais. Cette formation ne va pas sans mal, notait dimanche le New York Times. Les problèmes linguistiques existent, les chocs culturels aussi. Les Afghans se plaignent d'avoir à troquer leurs vieilles kalachnikovs inusables contre les M16 américains, plus précis mais plus fragiles… Le taux de désertion a baissé, mais reste autour de 20 %. Impressionnés par les qualités militaires des Afghans, les hommes de McChristal ont toutefois bon espoir de parvenir à créer une force efficace, si dans le même temps le gouvernement central s'amende.
Source : lefigaro.fr 05-08-2009