
Rappel des faits
Le 16 juillet, Henry Louis Gates Junior - professeur noir à Harvard - se fait arrêter devant son domicile, suspecté d'être un voleur. L'histoire le mène au commissariat puis, rapidement, dans les colonnes des journaux américains. La faute à Barack Obama qui le défend ouvertement lors d'une conférence de presse et relance ainsi la question raciale dans le pays. Entre policiers offensés et fervents défenseurs de la cause afro-américaine, la polémique commence à faire rage.
Tout commence au cours d'une conférence de presse mercredi 22 juillet, lorsque Barack Obama est interpellé par Lynn Sweet, journaliste au Chicago Sun Times, au sujet des problèmes raciaux aux Etats-Unis. La question (formulée ainsi: «Récemment Henry Louis Gates Junior a été arrêté dans sa maison à Cambridge. Que révèle cet incident sur les relations raciales en Amérique ?») impose une réponse franche.
Obama met les formes, la police s'offusque
Obama tente de prendre des gants, en vain. Il commence son discours en précisant que Gates est «un ami» et qu'il risque donc de «ne pas être impartial», puis ponctue sa réponse de «à ce que j'ai compris», de «encore une fois je n'y étais pas» et de «je ne sais pas quel rôle a joué la race là-dedans». Rien n'y fait, un franc «je pense que la police a agit de manière stupide» heurte la sensibilité des policiers en question. Lorsqu'il ajoute que les Noirs et les Hispaniques sont interpellés «de façon disproportionnée aux Etats-Unis», l'opinion publique y voit une accusation implicite de racisme.
Jeudi, le sergent Crowley, responsable de l'arrestation, intervient sur les ondes radio pour donner sa version des faits. Il délivre le rapport de l'arrestation de Gates et s'adresse directement au président : «Comme il l'a dit en début de conférence de presse, il ne connaissait pas les faits. Et il ne doit certainement pas les connaître au vu de ces commentaires.»
On apprend donc que le professeur a été arrêté pour «trouble à l'ordre public», parce qu'il s'est énervé à l'idée de devoir justifier son identité, et parce qu'il a «continué sa tirade après de multiples avertissements». Le policier ajoute qu'il n'a fait que «suivre la procédure» (en menottant l'interpellé, ndlr). De ce fait, il refuse de s'excuser auprès de Gates, malgré la demande de celui-ci. «Je sais que ce que je n'ai rien fait de mal. Aucune excuse ne viendra de moi», peut-on entendre dans cette vidéo.
L'affaire Gates prend de l'ampleur
Face à l'importance que prend la polémique, Robert C. Haas - chef du département de la police de Cambridge - décide de soutenir son officier. «Je ne pense pas que le sergent Crowley ait agit avec une quelconque motivation raciste, déclare-t-il. Il a fait du mieux qu'il pouvait étant donné la situation qui s'est présenté à lui.»
Aux Etats-Unis, la déclaration d'Obama en scandalise certains. Les médias vont même jusqu'à interviewer le père du sergent Crowley, 75 ans, assurant que son fils a «des amis proches de toutes les couleurs» et qu'il est «une bonne personne». Et d'ajouter: «J'ai voté pour Obama; je ne peux pas dire si je le referai.»
«Une ampleur qui n'a pas lieu d'être»
Premier surpris par l'ampleur de la polémique, c'est un Obama soucieux d'apaiser les esprits qui s'est exprimé au micro d'ABC news hier soir. «Regrettez vous d'avoir été aussi dur envers la police de Cambridge ?» lui demande alors le journaliste. Difficile pour le Président de répondre sans froisser ni la communauté noire, ni les policiers.
«J'ai un extraordinaire respect pour le difficile travail accompli par les officiers de police», prend-t-il finalement le soin de préciser, tout en s'interrogeant sur les raisons d'un tel acharnement. «Je pense que c'est l'exemple classique du problème qui prend une ampleur qui n'a pas lieu d'être, à un moment où on se bat sur les thèmes (controversés ndlr) de la santé ou de l'énergie.»
Source : liberation.fr 24-07-2009