
Après un 1er Mai que certains jugent "historique" et qui a au moins eu le mérite de montrer une unité syndicale exceptionnelle, les leaders syndicaux s'interrogent sur les suites à donner. Et déjà la belle unité se lézarde !..
Ils ont rendez-vous lundi 4 mai au siège de la CFTC. Les leaders syndicaux doivent se prononcer sur la suite de leur mouvement, dans la perspective d'une rencontre à l'Elysée, fin juin. Nicolas Sarkozy voudra faire le point sur les mesures déjà annoncées. Les syndicats espèrent autre chose, mais doivent faire face au défi de la remobilisation et répondre à des questions clés.
1. Y aura-t-il une nouvelle journée de manifestation?
Bernard Thibault (CGT) et François Chérèque (CFDT), qui se sont parlé hier, 2 mai, à La Courneuve à l'occasion du rassemblement de la Jeunesse ouvrière chrétienne, se disent "certains" de fixer une nouvelle date. Mais laquelle? Solidaires (Sud) pousse à agir au plus tôt, dès ce mois-ci. Les principaux syndicats (CGT, CFDT...) penchent pour la deuxième quinzaine de juin, après les défilés européens organisés les 14, 15 et 16 mai dans quatre capitales de l'Union, les élections européennes du 7 juin et les épreuves du bac. La date pourrait être fixée juste avant la réunion avec Nicolas Sarkozy, "pour peser sur ce rendez-vous", explique un syndicaliste.
2. Comment les syndicats peuvent-ils mobiliser?
Il y avait moins de monde dans les rues vendredi (1,2 million de personnes selon les syndicats, 456.000 selon la police) que lors de la précédente journée nationale de mobilisation du 19 mars (3 millions de personnes ou 1,2 million selon les sources). "C'est peut-être l'usure de journées nationales d'action à répétition", analysait samedi, sur Europe 1, Raymond Soubie, conseiller pour les questions sociales de Nicolas Sarkozy. Pour éviter un futur échec national, le principe de grèves locales, ou de défilés par bassin d'emploi, sera discuté demain. Pour sa part, Force ouvrière milite pour une grève de 24 heures, mais, là encore, le risque d'échec suscite la méfiance. "Il faut avoir des idées pour tenir le temps de la crise, qui va durer, plaide Bernard Van Craeynest, président de la CGC (cadres). Ne grillons pas toutes nos cartouches."
3. Avancent-ils une revendication précise?
Jusqu'ici, les leaders ont surtout exprimé l'angoisse des salariés et des victimes de la crise. Les "progressistes" (CFDT, Unsa...) misent sur le lancement de négociations avec le patronat ou le gouvernement pour remobiliser. Cela offrirait en effet une perspective de victoire aussi bien qu'un calendrier fixant les débats. "Sauf qu'en face, il n'y a toujours personne pour négocier", déplore Bernard Thibault, le leader de la CGT. Les huit syndicats ont signé, en janvier, une plate-forme de revendications. "Nous devons avancer sur quatre ou cinq propositions concrètes et communes", souligne Marcel Grignard, numéro deux de la CFDT. Exemple? Conditionner certaines aides d'Etat aux entreprises à des engagements sur l'emploi. Jean- Claude Mailly, secrétaire général de FO, veut aussi un coup de pouce au Smic en juillet, au-delà de la hausse légale: "Certaines réponses sont urgentes et ne peuvent attendre la fin juin. Ensuite, il faudra préparer la sortie de crise."
4. Le gouvernement va-t-il faire un geste?
Ce n'est pas à l'ordre du jour. L'Elysée se pose la même question que les syndicalistes: comment gérer la crise dans la durée? "Soyons réactifs, mais gardons notre sang-froid", dit-on à l'Elysée. Ce qu'un ministre de Bercy traduit ainsi: "Nous pouvons prendre de nouvelles mesures ponctuelles, qui n'impliquent pas des dépenses pérennisées." Une "stratégie de la cacahuète": des cadeaux ou des concessions pour désamorcer la colère. Jusqu'ici, les syndicats ne s'y sont pas retrouvés. Même le Fonds d'investissement social voulu par la CFDT a été jugé insuffisant. "Il n'y a pas rien", a répondu Raymond Soubie, en rappelant les baisses d'impôts temporaires et la prise en charge du chômage technique. "Certes, mais on est loin du compte", rétorque Alain Olive (Unsa).
5. Comment éviter la violence?
La sous-préfecture de Compiègne n'est pas le seul bâtiment à avoir souffert. A Toulouse, des locaux d'EDF, où des salariés étaient en train de travailler, ont été saccagés par des hommes encagoulés le 21 avril. Du jamais-vu dans cette entreprise où la CGT reste majoritaire. Tant les syndicats que l'Elysée minimisent - à raison - le nombre d'actes de vandalisme et les séquestrations. Mais les minoritaires sont de plus en plus actifs, le NPA de plus en plus présent. Les leaders syndicaux, qui, vendredi, ont pu observer les affiches de Besancenot sur tout le parcours du cortège parisien, savent que leur unité pèse lourd, pour eux-mêmes et aussi pour le gouvernement. "L'unité syndicale, c'est un atout pour éviter les débordements", dit Raymond Soubie. Le pouvoir veut des syndicats forts et unis. Mais il va devoir aussi nourrir cette unité.
Source : lejdd.fr 03-05-2009